Alors que la première phase de Parcoursup, la plateforme d’orientation dans le supérieur, s’ouvre avec le dépot des voeux entre le 22 janvier et le 13 mars, l’Association des sociologues des universités (ASES) analyse la réforme et la condamne. A l’occasion d’un colloque tenu le 20 janvier, l’Ases a lancé une pétition qui réunit déjà 5000 signatures.
« La plateforme a prévu d’établir le classement en fonction de paramètres définis par filière et par université : type de bac, etc. Vont être élaborés de nouveaux algorithmes locaux et opaques. Les élèves ne connaîtront pas les critères précis : la cohérence entre le profil et les attendus de la formation sont décisifs. Renversement complet de la logique : on étend à l’université le mode de classement des filières sélectives », explique Corine Eyraud, université Aix Marseille.
Pour elle, alors que le tirage au sort n’a concerné que 3500 bacheliers en 2016 sur 800 000 inscrits sur APB, la nouvelle plateforme impose des classements même là où ils sont inutiles comme en sociologie à Marseille. » L’entrée n’est plus de droit. Il s’agit de transformer les étudiants en auto-entrepreneurs. Aix-Marseille a demandé le CV dans les « attendus »… Les élèves seront mis dans l’incertitude de 1 à 4 mois, fragilisation et opacité (réponse urgente demandée à partir de fin mai), tout cela pour rien dans les filières qui ne sont pas en tension. Dans les filières en tension, il y aura classement et sélection : il s’agit de rendre plus précoce les choix structurants, voire bloquants (parfois dès la 2de : en socio, par exemple, on demande une discipline scientifique… de celles qui ne figurent pas, sauf anticipation, dans les bac L). Les attendus ne peuvent qu’avoir un fort effet de découragement ».
Finalement l’Ases a élaboré une pétition demandant le rejet de Parcoursup. » Quels que soient les euphémismes dont on la pare (« prérequis », « attendus »…), la nouvelle grande réforme de l’ESR projetée n’est autre qu’une sélection pure et simple qui frappera en premier lieu les élèves des classes populaires et petites classes moyennes en leur interdisant à plus ou moins brève échéance d’aller à l’université dans la filière de leur choix après le baccalauréat », écrit l’Ases. « Cette réforme n’en constitue pas moins une régression sociale, politique, intellectuelle sans précédent. Dans un pays qui s’enorgueillit de sa culture multi-séculaire, de ses valeurs démocratiques et demeure tout de même la cinquième puissance économique mondiale, il n’y aurait donc plus moyen d’avoir un enseignement supérieur public de qualité, pour toutes et tous… Plutôt que d’éliminer les étudiants, il faut mettre en place les conditions nécessaires à leur réussite. Pour ce faire, il est indispensable d’embaucher massivement dans l’ESR sur des postes de fonctionnaires, stables et pérennes, des enseignant-e-s chercheur-e-s susceptibles de répondre aux besoins et au suivi d’une population étudiante en augmentation. Le nombre impressionnant de docteur-e-s sans poste serait déjà un vivier considérable ».