Combien d’heures aura-t-on avec la réforme ? Aura-t-on plus de classes ? Que restera-t-il du métier d’enseignant avec la semestrialisation et la fin des classes ? Le 19 janvier, la seconde journée du stage annuel de l’Apses, l’association des professeurs de SES, s’est clos sur un échange sur la réforme du lycée. A quelques jours de la remise du rapport Mathiot, qui aura lieu le 24 janvier, les professeurs de SES marquent leurs inquiétudes et anticipent déjà ce que la réforme va changer de profond dans le quotidien des professeurs de lycée. On a intérêt à les écouter…
Le stage annuel de l’APSES c’est d’abord deux journées de formation avec comme thème cette année des « regards croisés sur la monnaie ». Le 18 janvier, Michel Aglietta a ouvert le stage avec une réflexion sur la monnaie et la confiance. Odile Lakomski Laguerre a évoqué le Bitcoin et les cryptomonnaies. Le 19, Jezabel Couppey – Soubeyron et Jérome Blanc ont continue avec les monnaies alternatives. Le 19 après midi, Jean Michel Servet apporte un éclairage très intéressant sur les apports de l’anthropologie à la théorie de la création de la monnaie. Puis vient la fameuse heure d’échanges entre l’Apses et ses membres.
Baisse des horaires
Mais que sait on de la place des SES dans la future réforme ? En 2de les SES pourraient, ce n’est pas sur, entrer dans le tronc commun peut être regroupées avec éco – gestion, durant le premier semestre. En 1ere et terminale les SES fourniraient deux majeures dans des couples SES Maths et SES histoire-géo. Il y aura aussi peut-être des mineures SES.
Ce que soulèvent d’emblée les enseignants c’est la baisse des horaires. Une majeure c’est deux ou trois heures alors qu’aujourd’hui les SES ont 5 heures en première et souvent une heure d’accompagnement personnalisé. Un enseignant remarque que la filière ES c’est un gros tiers des lycéens alors qu’on ne va lui donner probablement que deux majeures sur neuf.
Le nouvel accompagnement personnalisé tourné vers l’orientation est diversement accueilli. « Je ne suis pas coach d’orientation », remarque un enseignant. De toutes façons, il est question que cet accompagnement soit donné aux régions…
Les DHG déjà en baisse
La peur des baisses horaires s’alimente à la baisse annoncée des DHG dès 2018. « Dans mon lycée nous perdons 50 heures », remarque une enseignante. Mais la vraie réforme des majeures / mineures est attendue pour 2019. » Je travaille dans un petit lycée. Jamais ils ne proposeront les 9 filières. Que vont devenir les SES ? », se demande une autre enseignante. « On risque d’avoir plus de classes ? » interroge une troisième…
La fin de la classe
Parlons en des classes avec la semestrialisation. « La semestrialisation c’est la fin de la classe », explique un professeur. « Tous les 6 mois, les élèves seront répartis à nouveau. Il n’y aura plus de groupe classe , plus de progressivité. Ca sera difficile pour les élèves fragiles que la classe portait. C’est fini le travail de construction de connaissances sur 2 ou 3 ans. Il n’y aura plus aucune continuité ».
D’autant qu’il ne semble y avoir aucun lien entre mineure et majeure. « Quel programme ? Comment enseigner alors que les élèves changent tout le temps et qu’on ne sait pas ce qu’ils ont appris ? »
Concurrence entre disciplines
« En Angleterre, où existe le lycée modulaire, les professeurs se battent pour attirer des élèves », explique un autre enseignant. « C’est au mieux disant pour attirer les élèves. On va être en concurrence constante avec les collègues pour sauver nos postes ».
« Je travaille dans un lycée où le semestre est déjà appliqué », témoigne un enseignant. « Je ne suis pas convaincu. On se presse plus pour l’évaluation ».
Curieusement l’annualisation qui pourrait accompagner la semestrialisation, n’est pas évoquée. La Cour des comptes a calculé qu’elle permet de nets gains de productivité puisque de fait les enseignants travailleraient plus longtemps.
Dilution des SES
« J’ai l’impression d’une dilution des SES », craint une enseignante. « On perdra des heures mais aussi l’identité de la filière. On aura une filière SES Maths, où les maths ont un gros horaire et où le programme de maths sera différent de l’autre filière, avec de très bons élèves et une filière histoire-géo avec les faibles.
Un dernier point d’opposition concerne la réforme de l’accès au supérieur. « Quel sentiment peut avoir une élève qui en fin de terminale n’a pas pris les bonnes options et qui se retrouve piégée ? », interroge une professeure. Pour elle, la réforme de l’orientation va augmenter les inégalités sociales. « Comme spécialistes des sciences sociale son devrait le dire ». Un voeu qui a été entendu,l’Apses signant finalement la pétition de l’ASES.
La position de l’Apses
Que faire ? Un échange a eu lieu entre le président de l’Apses, Erwan Le Nader, et les membres de l’association. Il a fait le point des revendications de l’Apses et de la situation des SES à la veille du rapport Mathiot.
« On défend une place importante des SES car on considère que c’est une discipline importante pour former à la citoyenneté. Il est essentiel que les lycéens aient tous une culture économique et sociale minimale. On porte la revendication de l’intégration dans le tronc commun de seconde. Mais on est dans l’incertitude ».
En première et terminale, « nous avons deux majeures et c’est important. Mais les sciences et les littéraires en ont bien plus que nous alors qu’on représente un tiers des lycéens. Il faudrait un 3ème couple de majeurs avec les SES pour équilibrer. La question du volume horaire se pose également. Une majeure c’est 3 heures or aujourd’hui en 1ère on en a 5 ou 6. C’est une diminution considérable ! Il y a la possibilité de toucher un public plus large avec une mineure mais il faudrait que cette mineure existe sur un ou deux ans ».
Sur le libre choix des majeures et mineures, l’Apses est réticente. « C’est un risque très important si les choix sont remis en cause chaque semestre. On demande des progressions cohérentes sur deux années ».
Sur le bac, l’Apses considère qu’on ne peut aps séparer la question du bac de celle des programmes. « Il faut réfléchir au type d’évaluation que l’on veut pour quel type de formation intellectuelle », dit E Le Nader. « On est favorable à des questions d’argumentation, de débat qui permettent de forger les jugements. Il faut des connaissances et des savoir faire mais au service d’une réflexion globale. On est pour que les controverses puissent être des sujets de bac ».
François Jarraud