« La recherche montre que les élèves qui bénéficient de dispositifs de coopération entre pairs vont avoir de meilleurs apprentissages et que les apprentissages se transfèreront quand ils travaillent de façon individuelle ». Invités par le Cnesco et l’IFé dans le cadre d’une conférence virtuelle, Céline Buchs et Yann Volpé (Université de Genève) ont fait le point sur les dispositifs d’apprentissage entre pairs. S’ils s’avèrent efficaces et s’ils préparent les élèves aux « compétences du 21ème siècle », ils demandent aussi aux enseignants des compétences et un travail d’organisation important.
Une réponse à l’hétérogénéité
Qu’entend on par coopération entre élèves ? Céline Buchs et Yann Volpé ont présenté le 17 janvier, dans le cadre d’une conférence virtuelle suivie par près de 700 enseignants, le travail de groupe et le tutorat entre élèves. Deux dispositifs qui interrogent encore les enseignants mais qui permettent une différenciation pédagogique rendue nécessaire par l’hétérogénéité des classes. Ces dispositifs ont aussi un impact positif sur le climat de la classe. Mais ils posent la question de l’engagement des élèves, la coopération étant tout sauf naturelle. Il faut donc préparer les élèves à la coopération.
Céline Buchs a d’abord présenté ce que l’on sait des travaux de groupe. Il faut d’abord que la tâche de groupe proposée par l’enseignant ne puisse réellement être faite par un individu et qu’elle nécessite des apports de chacun des membres du groupe. C Buchs recommande des groupes restreints de 2 à 5 élèves.
Comment composer les groupes ?
Comment composer les groupes ? La recherche montre que les groupes constitués spontanément (groupes d’amis) fonctionnent bien. Mais ils posent la question des élèves exclus et des effets de la composition des groupes d’amis, trop homogènes. Finalement il n’y a pas de formule magique. Il faut varier les compositions et lieux réfléchir aux interactions dans le groupe.
Céline Buchs met l’accent sur le fonctionnement du groupe. I faut que chaque membre ait une tache visible et indispensable. La responsabilisation individuelle dans le groupe est nécessiare ce qui demande un gros travail de préparation. Elle recommandera par exemple la création de chevalets affichant le role de chacun dans le groupe et ses limites.
Yann Volpé est intervenu sur le tutorat entre élèves, une pratique encore assez rare. Il montre que le tutorat bénéficie autant au tuteur qu’au tutoré. Pour celui ci il le fait bénéficier d’un accès facile et immédiat aux explications. Mais le tuteur est obligé à reformuler et finalement à meiux comprendre et à s’intéresser à ses mécanismes d’apprentissage. Le risque c’est de stigmatiser certains élèves. Là aussi des rotations sont envisageables.
Enseigner la coopération explicitement
Mais ce que montrent C Buchs comme Y Volpé, c’est que la coopération doit s’enseigner dans les deux cas évoqués. Dans le cadre du tutorat, Y Volpé invite les enseignants à expliciter ses objectifs aussi bien pour les habiletés sociales que pour les habiletés cognitives.
Céline Buchs relève que les élèves ne sont pas naturellement prêts à coopérer. L’enseignant doit faire des interactions sociales un objet d’apprentissage explicite. « Il faut enseigner les habiletés coopératives ». Elle recommande une discussion collective sur le mode de fonctionnement du groupe, sur ce qui a été utile et ce qu’il faut améliorer, sur l’efficacité aussi du travail sur le plan scolaire. Même si ce retour fait perdre du temps en apparence, en fait il est la base de gains de temps plus tard et améliore la qualité du travail, remarque t-elle.
La coopération apparait donc comme une démarche exigeante nécessitant uen forte intervention en amont de la part de l’enseignants alors même que pendant le travail des élèves sa posture change et se diversifie.
La coopération est aussi une façon efficace de différentier le travail des élèves en trouvant un équilibre nouveau entre travail collectif et travail individuel.
Comment engager les élèves ?
De nombreuses questions ont été posées par les enseignants participant à distance à la conférence. Comment engager les élèves ? C Buchs et Y Volpé ont apporté plusieurs réponses. D’abord dans l’introduction du travail, il faut proposer un temps de réflexion individuelle ou d’échange sur un travail précédent pour amener le groupe au dialogue. « Les élèves doivent aussi comprendre que c’est uen compétence sociale à acquérir », estime C Buchs. On revient ici sur la nécessité d’enseigner explicitement la coopération.
L’élève qui refuse de se lancer dans la tâche peut être freiné par la peur de la faute. Une solution peut être de travailler le role de chacun dans le groupe pour le rendre trasnparent et indispensable, explique Y Volpé. C Buchs invite à mettre aussi l’accent sur ce qu’apporte le fait d’aider les autres. ‘Travailler en coopération ce n’est pas être une bonne poire c’est saisir l’occasion de mieux apprendre ».
Un travail chronophage ?
La question des conflits dans le groupe est aussi posée. Là aussi s’il faut distinguer conflit personnel et cognitif, le travail de coopération s’avère efficace car il génère ces conflits. Pour C Buchs, le travail de groupe pose la question du climat dans la classe et permet de le faire évoluer si on arrive à monter la place de chacun dans le groupe. Il éduque à la régulation. Il génère aussi des conflits cognitifs intéressants à exploiter, explique Y Volpé.
C’est dire que la coopération entre élèves exige beaucoup de l’enseignant. Est-elle chronophage ? Oui reconnaissent les deux intervenants. Mais l’implication de l’enseignant va devenir moindre au fur et à mesure que le travail de groupe s’installe. Et il regagne dans la qualité des apprentissages et du climat de classe le fruit de son travail.
François Jarraud