Le gouvernement a présenté le 16 janvier aux syndicats la circulaire rétablissant le jour de carence à compter du 1er janvier 2018. Institué sous Sarkozy pour réduire l’absentéisme des fonctionnaires, le jour de carence avait été supprimé par la gauche en 2012. Les syndicats protestent. Mais que sait-on des absences des enseignants et pourquoi rétablir cette journée ?
Que sait-on de « l’absentéisme » enseignant ?
Selon une étude de la Depp, 43% des enseignants ont pris en 2012-2013 un congé maladie ordinaire pour une durée moyenne de 16,2 jours. Si l’on rapporte cette durée en moyenne par enseignant on obtient une absence moyenne de 6,7 jours. Un nombre apparemment tellement considérable qu’en octobre 2014 un rapport de l’Institut Montaigne, un think tank proche du ministre actuel, avait proposé de faire pointer les enseignants pour lutter contre cet « absentéisme ». Pourtant la même étude montre que ces congés sont liés pour à la féminisation importante du corps enseignant qui génère des congés de maternité.
Les enseignants sont -ils plus souvent absents que les autres fonctionnaires ? Selon la Depp, la durée moyenne du congé maladie ordinaire (CMO) est de 6,6 jours par enseignant ce qui est inférieur à la moyenne de la fonction publique (7,1 jours). Parmi les ministères au plus fort nombre, signalons les services du premier ministre (10,2), la Justice (8,7), l’Intérieur (8) et… le ministère du travail (8,5).
Les enseignants sont ils plus absents que les salariés du privé ? Une étude de la Dares (ministère du travail) de février 2013 a calculé le taux d’absentéisme par branche professionnelle. Ce taux est de 3,2% pour les enseignants soit moins que la moyenne nationale (3,6%). Les taux les plus élevés se trouvent dans le bâtiment ou la santé. D’une façon générale, le taux varie selon le niveau de souffrance physique ou psychologique au travail et selon la catégorie sociale. Les ouvriers sont trois fois plus absents que les cadres. Des réalités qui résistent aux leçons de morale…
Est-ce efficace ?
Le motif avoué du rétablissement du jour de carence c’est l’économie que le gouvernement en attend. La mesure est censée rapporter 400 millions (sur 12 mois) selon la Cour des comptes. Et le budget 2018 anticipe sur cet apport financier. Pour l’Education nationale la mesure rapporterait 40 millions.
Mais est-ce réel ? Une étude de l’Insee publiée en novembre 2017 étudie les effets du rétablissement du jour de carence par Sarkozy. Selon l’Insee, » Le jour de carence a conduit à une baisse importante des absences de deux jours… La prévalence des absences de deux jours aurait diminué de plus de 50 % en raison de la mesure. L’effet dissuasif du jour de carence sur le fait de commencer un arrêt maladie peut expliquer cette baisse. Cependant, la part des absences d’une journée ne change pas. En effet, pour éviter une retenue de salaire due au jour de carence, les agents peuvent préférer substituer à un arrêt maladie un autre type d’absence (jour de RTT, jour de congé annuel, autorisation d’absence…) », écrit l’Insee.
Par contre, cette réduction tout en apparence des absences courtes conduit à une hausse des longues. » La prévalence des absences d’une semaine à trois mois a augmenté dans la fonction publique de l’État pendant la période d’application du jour de carence et diminué après sa suppression… Cette hausse des absences longues pourrait s’expliquer par trois mécanismes. Tout d’abord, le jour de carence engendre un coût fixe pour le salarié à chaque prise d’arrêt maladie. Un agent n’a donc pas intérêt à hâter son retour au travail avant d’avoir la certitude d’être guéri. Ainsi, il peut trouver prudent de prolonger son arrêt, pour éviter une rechute synonyme d’une nouvelle pénalité. Ensuite, du fait de ce coût fixe, certains agents connaissant un problème de santé pourraient hésiter à s’arrêter de travailler pour se soigner. Leur état de santé se dégraderait et conduirait in fine à des arrêts plus longs. Enfin, la mise en place d’un jour de carence pourrait générer chez des agents prenant un arrêt maladie le sentiment d’être injustement mis à contribution, les conduisant, par réaction, à prolonger un peu cet arrêt ».
Loin de faire faire des économies à l’Etat, la suppression du jour d ecarence semble surtout une mesure démagogique nous souffle l’Insee…
Les réponses syndicales
« Sous prétexte d’équité avec les salariés du privé et de lutte contre l’absentéisme, le gouvernement a choisi de pénaliser financièrement l’ensemble des agents publics sans pour autant responsabiliser les employeurs publics en matière d’organisation du travail et de santé au travail », affirme l’Uffa Cfdt qui l’estime injuste, la plupart des salariés du privé bénéficiant d’une compensation. La FSU souligne elle aussi l’injustice. Pour elle, « cette mesure va donc amputer le pouvoir d’achat des fonctionnaires pour 2018 et les années à venir : elle s’ajoute au gel du point d’indice, à la compensation non intégrale de l’augmentation de la CSG, au report des mesures de revalorisation de PPCR ».
François Jarraud