A quoi peut bien servir une imprimante 3D au collège et au lycée ? Philippe Cosentino, enseignant de SVT au lycée Rouvière à Toulon (83) explique l’intérêt de s’équiper pour un établissement. Valvule mitrale, failles transformantes, molécule d’amidon ou bifaces, les supports pédagogiques imprimables ne manquent pas. « Dès la rentrée prochaine, notre lycée comportera un Fab lab » s’enthousiasme Philippe Cosentino. Eclairages sur les applications possibles en classe par l’enseignant.
Quels sont vos usages pédagogiques des imprimantes 3D en biologie ? Et en géologie ?
Il faut distinguer deux types d’usages : la production par le professeur d’objets qui serviront de supports pédagogiques et l’utilisation de l’imprimante par l’élève, par exemple en TPE.
En ce qui concerne l’impression d’objets pédagogiques en biologie on pourrait citer : des crânes et artefacts (bifaces, statues) d’hominidés, des maquettes d’organes dont le célèbre clitoris, des molécules …
Pour la géologie, nous avons imprimé surtout des reliefs (massif du Chenaillet, failles transformantes des dorsales …) mais aussi des portions de croûtes afin de mettre en évidence la racine crustale.
Nous avons également conçu et imprimé un dispositif permettant de modéliser de manière analogique les figures de compression. Ce dispositif sera publié sur le site académique de Nice. Un dispositif plus élaboré a d’ailleurs été présenté récemment sur le Café pédagogique.
Quels sont vos équipements en imprimante 3D ? Pour quel budget ?
Notre lycée comporte des séries technologiques (BTS, STI2D, ST2A, STL) et une section professionnelle (techniciens d’usinage), ce qui explique que notre lycée soit doté d’au moins 7 imprimantes 3D, dont une à poudre et une à résine. L’une de ces imprimantes est installée dans le laboratoire de SVT. Je suis conscient de la chance que nous avons …
Quel est l’intérêt de disposer d’un objet imprimé en 3D par rapport à une visualisation à l’écran ?
Sans rentrer dans la caricature voire le neuromythe des élèves « visuels/auditifs/kinesthésiques », j’ai pu constater que certains élèves avaient besoin de « toucher » l’objet pour en acquérir une connaissance spatiale plus forte, plus directe. En séance d’inspection (correction de devoir maison), un élève ne comprenait pas comment une molécule ayant la forme de l’amidon pouvait inhiber l’amylase. En lui montrant sur le modèle imprimé, il a immédiatement compris alors que sur le document papier ça ne lui évoquait rien. Je pense avoir convaincu un inspecteur ce jour-là !
Les élèves ont-ils accès aux imprimantes ?
Pour l’instant les élèves qui souhaitent imprimer un objet en général dans le cadre de TPE, ou de projets en STL/STI2D en font la demande à leur professeur, qui lance alors l’impression. Il est très rare qu’un élève se heurte à un refus.
Mais dès la rentrée prochaine notre lycée comportera un « Fab lab » qui permettra un « libre » accès (sous le contrôle d’un adulte tout de même) à différentes machines de production, dont plusieurs imprimantes 3D. Les élèves et les professeurs qui souhaiteront imprimer des objets pour leurs projets, y compris « personnels » auront ainsi un accès facilité à ces appareils.
Où vous procurez-vous les modèles (fichiers) prêts à imprimer ?
Plusieurs sites mettent à disposition gratuitement des modèles 3D, je pense en particulier à Thingiverse où l’on trouve des milliers d’objets hétéroclites, de la valvule mitrale au support pour téléphone. Certains sites proposent également des collections de fossiles (ex. « African fossils », « MorphoSource »).
Est-ce possible de créer ses propres modèles ?
Oui, et j’insiste sur ce point, absolument tous les collègues peuvent le faire sans formation. Prenons l’exemple des molécules : notre collègue Paul Pillot a programmé un outil de visualisation moléculaire (Libmol) dont il a été question sur le Café pédagogique récemment. Cet outil permet, en 2 clics, d’exporter une « surface » moléculaire au format STL (le format le plus courant en impression 3D).
De même, avec le logiciel « Profil crustal », il est possible d’exporter des fichiers STL correspondant à des portions de croûte terrestre, avec ou sans racine.
Enfin, les professeurs qui maîtrisent des logiciels comme Blender ou SolidWorks (très utilisé dans nos établissements) pourront imprimer les objets qu’ils modélisent. Rappelons que dans beaucoup d’établissements, les élèves utilisent déjà des logiciels de 3D notamment dans les séries technologiques.
Conseillerez-vous une imprimante 3D pour un usage en collège ?
En collège, l’un des obstacles pourrait être le prix. Cependant, pour un budget commençant à 300€ (coût à partager entre plusieurs disciplines) on commence à trouver des imprimantes 3D tout à fait fonctionnelles. Sachant que le matériau coûte environ 25€ le kg, le prix de revient à l’impression est faible (un objet pèse souvent entre 10g et 50g, soit environ 1€ de matériau).
Ainsi, à terme l’opération est rentable : l’enseignant pourra imprimer de nombreux supports pédagogiques, et les élèves pourront, éventuellement, produire leurs propres objets dans le cas de projets par exemple.
D’autres disciplines utilisent-elles aussi les imprimantes 3D dans votre lycée ? Pour quelles utilisations ?
Bien entendu ! Inutile de préciser que les plus gros utilisateurs de ces appareils sont les professeurs de SI et ceux des disciplines technologiques (notamment en série ITEC ou SIN). En collège, les professeurs de technologie l’utilisent également beaucoup, notamment pour aller au bout du processus de production avec leurs élèves. Dans notre lycée, les personnels techniques du laboratoire de sciences physiques l’utilisent également souvent pour réparer certains boutons ou supports cassés, ou pour imprimer des caches pour l’optique.
Vous avez participé à la conception d’un modèle de clitoris dont la presse s’est fait écho. Pouvez-vous nous expliquer en quoi a consisté votre travail ?
J’ai été contacté par la chercheuse « indépendante » Odile Fillod, qui souhaitait réaliser un modèle du clitoris plus fidèle à la réalité anatomique que le précédent. S’en est suivi une longue série d’échanges passionnants, au cours desquels Odile Fillod m’envoyait ses desideratas ainsi que divers documents qui me serviraient de guide (IRM, photographies de dissections, croquis …). De mon côté, j’ai utilisé le logiciel Blender (gratuit) pour réaliser le modèle, en « calquant » d’aussi près que possible les différentes vues dont je disposais.
Entretien par Julien Cabioch
Ressources pour l’impression 3D :
Retours d’expérience sur le site académique de Nice
Collection de modèles de l’université de Dundee
Profil crustal pour imprimer des fragments de croûte)
Dans le Café
Philippe Cosentino : Explorer la cellule en réalité virtuelle
Sciences : Paul Pillot : Visualiser les modèles moléculaires avec LibMol
Jouer l’éducation au développement durable : Sim Agro de Philippe Cosentino