« Nous sommes assez inquiets des discours du ministre, de l’état d’esprit qu’il développe envers le système éducatif ». Le 11 janvier, Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, a fait devant les syndicats de la fédération, la liste des griefs envers JM Blanquer. La FSU dénonce le scientisme du ministre, le gel salarial, la multiplication des chantiers ouverts et la sélection instaurée à l’entrée des universités. Elle annonce des actions dès février et une mobilisation nationale en mars.
« Nous ne croyons pas que les sciences doivent piloter le système éducatif »
« On a un ministre qui avait promis que sa règle était de ne pas faire de grande réforme éducative. Or il a ouvert tous les chantiers… Ce n’est pas la méthode qui inquiète. C’est ce qui est distillé comme discours ». Devant les représentants du Snuipp, du Snes, du Snesup, du Snuep, du Snep et du Snetaa, Bernadette Groison a longuement détaillé ses inquiétudes le 11 janvier.
En première ligne arrive la nomination du conseil scientifique faite le 10 janvier. « Le discours récurrent sur les sciences nous inquiète », explique B Groison. « Nous ne croyons pas que les sciences doivent piloter le système éducatif ». « Tous les discours du ministre vont dans le sens que les neurosciences pourraient expliquer comment résoudre les difficultés de l’école.Il y aurait eu des années d’obscurantisme et on ne se serait pas rendu compte que l’on avait sous la main les outils » pour faire face à ces difficultés, résume B Groison.
La FSU « s’interroge sur la nécessité de ce comité » et dénonce les risques amenés par lui de voir les enseignants rendus responsables par les parents des échecs. « Si on explique qu’avec les neurosciences on peut tout régler quand on va s’apercevoir des réalités il va y avoir une déception et les familles se tourneront vers les enseignants… C’est injuste car les difficultés se jouent en raison de l’environnement des élèves. Le point noir de l’école française c’est la corrélation entre inégalités sociales et scolaires ».
B Groison a également dénoncé la « sélection » qui est mise en place à l’entrée dans le supérieur. « On se contente de gérer les flux en organisant la sélection ».
Tensions dans les établissements
Dernier point d’opposition : les postes et les moyens. B Groison observe que le ministre crée 3800 postes au primaire là où il en faudrait 6400. « On prend d’un coté pour mettre de l’autre », explique-t-elle en faisant allusion aux « plus de maitres » et aux remplacements. La FSU estime aussi que Blanquer « déshabille le second degré » alors que le nombre d’élèves augmente.
Ces propos ont été développés par les représentants des syndicats, chacun pour son secteur.
Benoit Teste, secrétaire général adjoint du Snes, décrit des « tensions » dans les établissements secondaires notamment du fait des incertitudes sur l’orientation des lycéens. « Les conseils de classe du second degré vont arriver sans qu’on ait de précisions sur la manière dont le Parcours sup va fonctionner », dit-il. « Quelles informations donner aux élèves ? » Il souligne aussi les difficultés pour recruter le second professeur principal promis par Blanquer. « On nous demande de nous prononcer sur des milliers de formations sans les connaitre. On ne va pas donner de consignes mais on appellera les collègues à ne pas donner d’avis bloquant ».
Le Snes est aussi inquiet des suppressions de postes qui s’annoncent avec la réforme du lycée du fait de la baisse du nombre d’heures d’enseignement et de la volonté gouvernementale de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires.
Exclusion des bacs pros
La réforme de l’orientation a aussi été soulevée par Pierre Chantelot, secrétaire national du Snesup. « Les attendus doivent être adoptés avant le 17 janvier or plusieurs universités bloquent », explique t-il. Pour lui les universités vont trier les candidats avec les notes faute de moyens de faire autrement. « Il n’y aura pas de problème pour les meilleurs mais les élèves entre 10 et 12 de moyenne devront attendre septembre pour avoir une place ». Pour lui la réforme « va renforcer les déterminismes sociaux ».
Pour le Snuep, Sigrid Girardin dénonce « l’exclusion » des bacs pros du supérieur. « 100 000 bacheliers professionnels veulent faire des études supérieures. Faute de place en BTS 14 000 se sont orientés vers les universités. Ils en sont exclus mais la ministre n’annonce que 7000 places supplémentaires en BTS sur 5 ans ». Le Snuep Fsu demandera au ministre de conforter la double finalité du bac pro : insertion et poursuite d’études supérieures. Le Snuep souligne son exclusion des consultations sur le bac et la mise à l’écart de l’enseignement professionnel dans la réforme du lycée. La réforme de l’apprentissage l’inquiète aussi. « Il y a une volonté d’orienter vers l’apprentissage. On va démontrer que le système public est plus efficace ». Le Snuep organisera un colloque le 8 février.
Actions en février et mars
Que faire face à ces défis ? La Fsu évoque « la sidération sur le terrain » mais aussi des « bouillonnements » dans les établissements avec les difficultés qui se profilent suite à la publication de la carte scolaire.
Les syndicats FSU devraient lancer des actions en février. Un site sera ouvert fin janvier pour accueillir les remontées de terrain. Et une action nationale est annoncée pour mars, au moment du rendez vous salarial.
François Jarraud