La science peut-elle sauver l’Education nationale ? La réponse est proclamée le 10 janvier par JM Blanquer qui met en place un conseil scientifique de l’éducation nationale présidé par S Dehaene. A quoi pourra bien servir ce conseil ? Est il susceptible d’améliorer les résultats de l’Education nationale ? Autant de questions auxquelles JM Blanquer devra répondre…
Une composition problématique
« Il s’agit de pouvoir consulter des scientifiques de différentes disciplines, notamment dans les sciences cognitives, afin d’avoir une vision fondée des politiques publiques… Cela permettra d’avoir un accompagnement pédagogique à la lumière de ce qu’en pensent les scientifiques. C’est une étape importante pour l’Éducation nationale ». Le 24 novembre, JM Blanquer avait confirmé la création d’un « conseil scientifique », et annoncé, sans grande surprise, qu’il en confiait la présidence à Stanislas Dehaene, un spécialiste des neurosciences très proche du ministre.
Le conseil sera composé « de personnes venues de différentes sciences » avait expliqué le ministre. » Il sera saisi sur tous les sujets, comme l’intelligence artificielle, afin d’apporter des éclairages pertinents ». Le ministre a précisé au Point que le conseil n’interviendrait pas sur les programmes, précisant qu’il y a le CSP pour cela, et rappelé aussi l’existence du Cnesco. Mais on voit mal à quoi pourrait servir un conseil scientifique qui n’émettrait pas d’avis sur ce que fait l’Education nationale…
La composition du conseil sera un signal fort envoyé à la hiérarchie de l’éducation nationale. Autour de S Dehaene on devrait retrouver Bruno Suchaut, Pascal Bressoux, Maryse Bianco, Michel Fayol, Liliane Sprenger Charolles, Marc Gurgand, Franck Ramus. Le nom du très contesté Jérome Deauviau a aussi été prononcé par le ministre. Quelques philosophe set sociologues pourraient compléter ce conseil.
Le conseil scientifique restera dominé par la personnalité de Stanislas Dehaene et par les neurosciences. Autour de lui est réunie une famille de chercheurs qui naviguent autour de l’Institut Montaigne et de la fondation Agir pour l’école. On peut y lire aussi en creux les effets des querelles de chapelle à l’intérieur des neurosciences…
La science peut-elle sauver l’Ecole ?
La science peut-elle améliorer les résultats de l’école ? IL y a bien sur des informations à glaner dans les apports des neurosciences. Mais il y en a aussi dans ceux des autres sciences à commencer par les sciences de l’éducation qui pourraient être les grandes absentes du conseil.
Surtout la recherche montre que le changement en éducation est une chose complexe où l’art de l’accompagnement est plus important pour les résultats que l’idée de départ. Calquer sur tous les établissements la bonne pratique qui a fait ses preuves ne donne pas de résultats.
» Craignons plus que tout l’élaboration annoncée d’une « science de l’enseignement » : vieux mythe de la toute-puissance et de la fabrication de l’homme par l’homme, dangereuse songerie des pires scénarios de science fiction », explique P Meirieu, qui a peu de chances d’être entendu du conseil… « Si les neurosciences peuvent éclairer et alerter l’éducateur, elles ne peuvent se substituer à son inventivité ni l’exonérer d’une réflexion éthique. La transmission des savoirs requiert la mobilisation d’un sujet dans une relation singulière… Parce que « le Moi n’est pas une clé USB » (Markus Gabriel), mais « un sujet en projet », la question de l’apprentissage ne peut être traitée à partir des seules connaissances scientifiques ».
L’apprentissage et l’enseignement sont des pratiques sociales qui se situent dans un contexte façonné par la société et qui engagent des êtres qui en sont aps des cobayes anonymes mais des humains complexes et multi facettes. L’école n’est pas un laboratoire et les certitudes des savants s’y cassent souvent les dents.
Blanquer face aux chercheurs
L’annonce du conseil scientifique a déjà suscité des inquiétudes dans le monde des chercheurs. Un appel signé par 56 chercheurs, parmi lesquels C Baudelot, S Boimare, S Bonnery, M Brigaudiot, R Brissiaud, B Cyrulnik, E Debarbieux, M Duru-Bellat, A Florin, E Gentaz, R Goigoux, Y Jean, B Lahire, P Merle, P Rayou, H Romano, a pointé en novembre la nécessité d eprendre en compte toutes les disciplines de recherche et de ne pas limiter le conseil aux neurosciences.
Il aurait pu ajouter la nécessité d’éviter les usages politiques de la science. On se rappelle les tentatives à répétition d’imposer une méthode syllabique pour l’apprentissage de la lecture en flattant l’opinion publique. En 2006, la campagne de Gilles de Robien, présentée au nom de la science et de l’efficacité scientifique, s’était fracassée sur le mur des chercheurs. Las d’être utilisés par le ministre, de nombreux chercheurs avaient pris position contre le ministre et entrainé le naufrage de sa campagne.
Rien appris, rien oublié. Dix ans après 2006, il semble que le nouveau ministre reprenne la stratégie du populiste G. de Robien. Car JM Blanquer sait aussi faire fi des résultats de la recherche. Il l’a bien montré en décidant le retour de la semaine de 4 jours eu primaire ou en facilitant le retour du redoublement.
François Jarraud