Qu’est-ce qu’apprendre à écrire ? Comment prendre en compte la diversité des écrits dans l’enseignement (brouillons, textes complexes, notes, etc.) ? L’orthographe et la grammaire s’apprennent-elles en écrivant ? Faut-il encore apprendre à écrire « à la main » ? Comment intégrer le numérique dans les pratiques d’écriture ? Le Cnesco et l’iFé organisent les 14 et 15 mars une conférence de consensus pour laquelle les inscriptions s’ouvrent le 10 janvier. Michel Fayol et Jean-François Chesné expliquent les motifs de cette conférence et en fixent quelques enjeux.
Un niveau en production d’écrit en baisse
Mars 2016, le Cnesco organisait une conférence de consensus sur la lecture qui concluait notamment à la nécessité de travaux d’écriture avec la lecture. Mars 2017, Cnesco et IFé reviennent sur ces compétences fondamentales. Sous la présidence de Catherine Brissaud et de Michel Fayol, un groupe de chercheurs travaille depuis des mois à préparer cet événement.
Si cette conférence s’impose c’est que si le niveau en compréhension de texte des jeunes français est resté stable selon l’enquête Cedre depuis 2003, il n’en va pas de même pour l’orthographe et la production d’écrit.
Une étude publiée par la Depp en 2016 montre une nette dégradation des compétences orthographiques depuis 1987. Là où l’écolier de 1987 faisait en moyenne 11 fautes, celui de 2007 en a fait 14 et celui de 2015 18.
Les enquêtes Cedre évaluent aussi la production d’écrits. En fin de collège, » pour près de 70 % d’entre eux, les élèves tiennent compte des consignes proposées et élaborent des contenus adaptés à la situation de communication, qu’il s’agisse d’un texte d’invention ou d’un texte argumentatif. Environ 60 % des élèves sont capables d’assurer l’organisation et la cohérence du texte, c’est-à-dire de respecter une structure textuelle ou une organisation appropriée au texte à produire et d’assurer la continuité textuelle par un jeu approprié de reprises ». Un pourcentage sensible des élèves en est donc incapable. Notamment Cedre constate qu’il n’ya plus de lien entre le niveau orthographique et la compréhension de l’écrit. On constate aussi un écart entre garçons et filles.
Les 6 thèmes de la conférence
Alors six thèmes seront abordés les 14 et 15 mars. D’abord une réflexion sur les enjeux de la maitrise de l’écriture (avec notamment Y Reuter et S Plane). Puis S Andreu et Anne Vibert feront le point des connaissances sur les performances des élèves en France. Le troisième thème concernera la variété des écrits avec notamment la question du brouillon et des usages (O Lumbroso). La conférence s’interssera ensuite aux « premiers écrits » avec la question de l’apprentissage sur tablette ou manuscrite (JL Velay). Les questions de l’orthographe et de la gramaire (L Allal et P Gourdet) seornt abordées dans la 5ème vague d’interventions. Les nouvelles pratiques d’écriture, notamment numériques, boucleront la conférence avec J Crinon, F Amadieu et MC Penloup.
Un jury composé de professionnels (enseignants , inspecteurs, formateurs etc.), présidé par JP Bronckart, remettra ses conclusions en avril. Les inscriptions à la conférence à Paris ou à distance ouvrent le 10 janvier.
Pour s’inscrire
Michel Fayol : » Partout la production d’écrit est plus difficile que la lecture »
Michel Fayol, président de la conférence de consensus et Jean-François Chesné, directeur scientifique du Cnesco, présentent quelques questions traitée slors de la conférence.
Il y a moins de deux ans le Cnesco a organisé une conférence sur la compréhension de l’écrit. Pourquoi mettre l’accent maintenant sur l’écriture ?
Michel Fayol : La lecture est une activité où on reconnait des mots et on se fabrique une représentation. La production d’écrit c’est l’inverse.On pourrait penser que quand on maitrise l’un on maitrise l’autre. C’est exact dans des systèmes d’écriture très symétriques comme le finlandais , mais pas en français. Savoir lire n’est pas une garantie de savoir orthographier. Ce n’est pas parce qu’on est un bon lecteur qu’on est un bon rédacteur.
La production d’écrit a plusieurs composantes. Quand on veut rédiger on doit faire plusieurs opérations mentales : organiser sa pensée et aussi orthographier. C’est très difficile et c’est pour cela que l’orthographe fait partie des questions étudiées.
Partout la production d’écrit est considérée comme plus difficile que la lecture. Il y a un vrai problème d’apprentissage et aps seulement pour l’orthographe. La conférence a pour thème « l’écriture et la rédaction » pour bien marquer qu’on ne se focalise pas sur l’orthographe.
Jean-François Chesné : Le programme est large. Il ne concerne pas que le primaire. Il s’intéresse aux modalités de production de l’écrit sans restrictions.
La question du brouillon est au programme de la conférence. C’est un sujet de recherche ?
MF : On l’a inclus car c’est une stratégie parmi d’autres. On s’interrogera pour savoir s’il doit être obligatoire ou optionnel. Avec le brouillon c’est la question de la gestion du passage entre l’idée et la rédaction qui est posée.
Une autre question vive c’est celle de l’écriture manuscrite. Doit on continuer à apprendre l’écriture manuscrite ou ne plus enseigner que l’écirture dactylographique ? Et quel est le rapport entre la forme d’écriture et l’apprentissage orthographique ? JL Velay , qui intervient dans la conférence, estime, en se basant sur l’imagerie cérébrale, qu’il faut maintenir l’écriture manuscrite. Mais des états américains l’ont abandonnée.
Le numérique est-il en train de tuer l’écriture ?
MF : On peut s’en faire un motif de frayeur. Mais on peut aussi le considérer comme une aide. Les gens de mon âge font plus de fautes avec l’écrityre dactylographiée que manuscrite. Mais est ce la cas des nouvelles générations ? Le traitement de texte peut aussi être une aide pour chercher une forme orthographique ou syntaxique. Il permet de modifier facilement son écrit. Il peut aussi avoir des avantages pour peu que les élèves y soient initiés.
JFC : La conférence s’intéressera aussi à l’écriture collaborative , une dimension facilitée par le numérique et qui se pose aux enseignants français.
A quoi les enseignants peuvent -ils s’attendre après la conférence ?
MF : Le jury va s’emparer des informations collectées à l’occasion de la conférence et élaborer des recommandations sur les apprentissages. Elles seront publiées avec comme objectif d’accompagner les enseignants, de les aider dans leur vie quotidienne.
Vous pouvez dès le 10 janvier vous inscrire.
Propos recueillis par François Jarraud