L’année 2017 aura finalement été celle du détricotage des mesures adoptées depuis 2012. 2018 s’annonce comme une année qui posera les premiers jalons d’une réforme de fond appliquée à partir de 2019. Année charnière ce sera aussi une année de ruptures et donc une année difficile pour le ministre.
2017 une année efficace
Rarement ministre aura été aussi efficace. En 6 mois, JM Blanquer a réussi à détruire les plus importantes réformes introduites depuis 2012 et cela presque sans y toucher. Fin connaisseur d’une maison qu’il a co-dirigé en fait entre 2006 et 2012, il sait déclencher les forces internes qui sommeillent dans ce ministère. Sur les rythmes et le périscolaire, il use de la même force que Darcos en 2008 : le laisser faire.
Il peut faire confiance aux maires, tenus financièrement par la politique gouvernementale, pour se renier et aller dans le sens qu’il souhaite, le retour des 4 jours. Il peut, sans grande crainte d’être contredit par d’autres que par quelques chercheurs, ramener les grosses journées de classe et en même temps prétendre lutter contre la difficulté scolaire au primaire. Il peut aussi laisser les collèges, pris dans la concurrence entre établissements et dans les suites d’une réforme très médiocrement amenée, recréer les filières ségrégatives au sein du « collège unique » tout en se proclamant le plus social des ministres.
A peine les réformes de ses prédécesseurs mises à mal, il s’attaque déjà au lycée qui sera la grand oeuvre de 2018.
L’année du serrage de ceinture salarial
Pour les enseignants, l’année 2018 sera d’abord celle du serrage de ceinture. A la veille de Noël, le gouvernement a publié le décret reportant d’un an les mesures indiciaires des accords PPCR. Un autre texte est sorti au même moment , celui sur la récupération partielle de la hausse de la CSG. Enfin le point fonction publique, sur lequel sont calculés les salaires, est lui aussi gelé. L’addition de ces mesures va se traduire par un baisse du pouvoir d’achat des enseignants et même une baisse en net du fait de la hausse de la CSG. L’année ne devrait pas non plus voir les écarts salariaux se réduire : un texte récent fait bénéficier les professeurs de chaire supérieure d’une hausse salariale…
Primaire : Réforme impossible
En principe, le ministère devrait poursuivre l’application des dédoublements de classe en CP et en CE1 des rep+ et des rep. En principe, car il y a une légère cacophonie entre les déclarations présidentielles, qui parlent d’un programme mené sur tout le quinquennat, et celles du ministre qui a fixé un autre calendrier. Selon JM Blanquer tous les CP de Rep et Rep+ seront dédoublés en 2018 et on aura « un début de dédoublement des CE1 de Rep et Rep+. 2019 devrait voir la fin des dédoublements avec tous les CE1.
Ce que montre en réalité la carte scolaire 2018, c’est que le ministère ne compte pas effectuer les dédoublements qu’il a annoncé. Les postes budgetés ne permettraient pas de le faire. L’écart entre les classes à ouvrir et les postes est très important. Lille a 312 postes pour ouvrir 640 classes dédoublées. Amiens 103 pour 221, Nancy 36 pour 142, Nantes 34 pour 137, Orléans 26 pour 149, Reims 20 pour 121, Rouen 63 pour 185 et Caen 0 pour 47 classes, par exemple. Créteil a 682 postes mais doit ouvrir 919 classes. Le ministère ne manquera pas de mettre la responsabilité de cette situation sur les communes, dont les budgets sont cadrés par l’Etat…
La grande réforme sociale du gouvernement, celle qui doit lutter contre l’inégalité sociale dans l’école, le dédoublement des classes de l’éducation prioritaire, part en quenouille. Par contre 2018 devrait voir la quasi généralisation de la semaine de 4 jours. Le ministre répète partout que des études montrent que 4 jours ou 5 jours de classe se valent. Mais il se garde bien de les citer car seules des études anciennes portant sur une autre organisation annuelle du temps scolaire permettant des journées de classe peu chargées vont relativement en ce sens. La réalité c’est que la semaine de 4 jours pourrait bien largement annuler le bénéfice des dédoublements là où ils auront lieu.
Si la réforme phare se perd dans la brume, son accompagnement pédagogique, lui, va s’amplifier en 2018. Ce qu’il restera du programme ministériel ce sera la disparition d’une grande partie des maitres + et des injonctions jamais vues sur le plan pédagogique.
Le ministre a fait fort particulièrement sur le plan de la lecture en relançant le débat syllabique – globale. Un séminaire national très orienté a eu lieu cet été pour « former » les cadres. Le ministre prétend maintenant vérifier les manuels scolaires avec l’aide d’un « conseil scientifique » dont il choisira les membres.
Secondaire : La réforme et les postes
Dans le secondaire l’année 2018 sera marquée par la réforme du bac et du lycée mais aussi par la réalité des postes disponibles. Ces deux faits vont apparaitre rapidement début 2018 avec l’arrivée des dotations horaires dans les établissements et les décisions sur el lycée et l’accès au supérieur.
Le second degré va devoir absorber 26 000 élèves en plus à la rentrée 2018 avec le même nombre d’enseignants. La carte scolaire prévoit des suppressions massives de postes sur la moitié nord du pays (sauf Versailles et Créteil) et des créations dans le sud. Lille perd 136 postes, Amiens 91, Rouen 77 et Caen 87, Nancy 100, Reims 62, Dijon 71 par exemple. Les académies les plus gravement ponctionnées sont celles où la situation sociale est la plus dégradée et le taux d’élèves en Rep le plus fort. Les cas de Lille, Amiens, Reims par exemple sont significatifs. Dans beaucoup d’établissements il va falloir accueillir à la rentrée 2018 plus d’élèves avec moins de moyens.
Mais la grande affaire de 2018 ce sont les réformes de l’entrée dans le supérieur et celle du lycée. Au lycée, les scénarios avancés actuellement laissent prévoir une baisse de volume des enseignements et une réduction du nombre de postes à partir de la rentrée 2019.
La réforme de l’accès au supérieur, portée par la loi Vidal, sera discutée à l’assemblée en février. Le projet de loi rompt avec des années de démocratisation de l’enseignement supérieur en généralisant la sélection. Certains élèves de terminale et même de première vont se retrouver piégés par les « attendus » exigés dès 2018 pour entrer dans le supérieur. C’est le cas par exemple des élèves de L qui n’ont pas choisi de faire des maths et des sciences et qui voudraient faire psychologie. De tels changements des règles au dernier moment, la philosophie générale du projet qui met à l’écart la partie la plus fragile de la jeunesse, vont rendre l’application de la loi délicate. Et les enseignants seront en première ligne pour porter les mauvaises nouvelles auprès des jeunes.
2019 l’année du changement
Si 2018 est l’année de la charnière c’est que 2019 devrait être celle des changements. Changement sur le bulletin de paye ? En principe les points indiciaires des accords PPCR devraient entrer en application. Les prévisions budgétaires du gouvernement prévoient une hausse de 700 millions du budget 2019. Mais qu’en sera t-il réellement ? Avec l’application de la réforme du lycée en première, 2019 devrait voir une baisse des effectifs enseignants du secondaire qui est déjà prévue avec la baisse des postes mis aux concours 2018.
Mais 2019 pourrait voir éclore les réformes que JM Blanquer a annoncé sans fixer leur calendrier. La réforme de la territorialisation déjà lancée avec l’académie expérimentale de Normandie. A terme c’est la disparition des anciennes académies qui se profile. L’intérêt pour le ministère c’est une autre gestion, locale, des postes et des affectations.
JM Blanquer ne cache pas sa préférence pour un recrutement régional et par des établissements du premier comme du second degré. 2019 pourrait être l’année de la transformation..
François Jarraud
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