« Cherchez des entreprises où les relations sont aussi bonnes ! » Pour Fabienne Rosenwald, directrice de la Depp (division des études du ministère de l’éducation nationale), les résultats de l’enquête de climat scolaire sont vraiment bons. Qu’on en juge : 94% des collégiens se sentent bien dans leur établissement. 87% déclarent avoir de bonnes relations avec leurs enseignants, 90% estiment qu’on apprend bien dans leur collège. Un vrai referendum qui prend à rebrousse poil l’image donnée fréquemment des collèges. Des résultats qui s’améliorent, preuve que la prise de conscience initiée par Eric Debarbieux est réelle dans l’Education nationale. Mais il reste des progrès à faire notamment pour le bien être des enseignants.
Quand les collégiens plébiscitent leur établissement profs inclus…
Lancée par E Debarbieux, délégué ministériel à la lutte contre la violence scolaire, en 2011, l’enquête de climat scolaire et de victimation est un vrai baromètre de l’état des collèges. En 2017 21 600 élèves, issus de 360 collèges représentatifs, ont été interrogés.
Cette troisième enquête montre des progrès sensibles. Ainsi le sentiment d’être bien dans son collège est passé de 90 à 94% depuis 2010. 88% des élèves déclarent de bonnes relations avec les enseignants, soit 1% de plus qu’en 2013. 86% des élèves jugent les notes justes, en hausse de 2% depuis 2013.
Les points noirs restent les punitions jugées justes que par 70% des élèves (+3%). Et encore la violence : 22% des collégiens jugent qu’il y a de la violence dans leur établissement.
Des écarts généralement faibles entre Rep+ et autres établissement
Autre élément important : dans beaucoup de domaines les écarts sont faibles entre Rep+ et urbain hors rep. Ainsi 93% des collégiens Rep+ se sentent bien contre 94% ailleurs, 85% ont de bonnes relations avec les enseignants contre 88%, 82% trouvent les notes justes contre 84%.
L’enquête montre aussi peu de changement dans les types de victimation. » Les brimades (insultes, surnoms, humiliations, ostracisme) sont toujours beaucoup plus courantes que les violences physiques graves ou les violences à caractère sexuel (voyeurisme, baiser ou caresse forcés). Les insultes (subies par 51 % des collégiens), le vol de fourniture (48 %), les surnoms désagréables (46 %) et les mises à l’écart (39 %) sont les quatre atteintes les plus fréquentes », note la Depp.
51% des élèves déclarent des insultes sans grande différence entre Rep+ et non prioritaire. La particularité des Rep+ c’est l’insulte à connotation religieuse (12% soit 2 fois plus qu’ailleurs) ou relative à l’origine (18% contre 12%) et le racket (13% soit 2 fois plus). Par contre les Rep+ pratiquent peu la mise à l’écart (30% contre 39%). Le vol et le voyeurisme sont moins fréquents en Rep+. Les bagarres collectives ou le lancer d’objet sont par contre plus fréquents.
Il y a d’autres différences plus globales : seulement 64% des élèves de rep+ estiment qu’il y a peu de violence dans leur collège rep+ (contre 78% hors rep+) et 27% des élèves de Rep+ ne se sentent pas en sécurité dans le quartier (contre 25% hors rep).
Des progrès qui résultent d’une politique continue
Ces assez bons résultats confirment des enquêtes internationales. Selon l’enquête internationale HBSC (Health Behaviour in School-aged Children), menée tous les quatre ans dans 42 pays auprès de collégiens, le harcèlement a diminué en France de 15 % au collège entre 2010 et 2014. La baisse atteindrait 33% en sixième. Pisa 2015 relève lui aussi une nette amélioration du bien être chez les collégiens français.
Tout cela ne résulte pas du hasard. La lutte contre le harcèlement à l’école est un des rares exemples de continuité dans l’action politique sur deux quinquennats. Sous le quinquennat Sarkozy, Eric Debarbieux a réussi à convaincre Luc Chatel d’abandonner les rodomontades politiciennes pour aborder de façon réaliste la lutte contre la violence scolaire. On est ainsi entré dans la lutte contre le harcèlement. Reconduit comme délégué ministériel sous V Peillon, il a pu continuer une action de formation dont on récolte les fruits. Cette continuité politique est assez rare pour être soulignée dans un ministère où le détricotage est la règle à chaque changement de majorité. C’est cette constance qui a obtenu des résultats.
Or cette constance est maintenant menacée. Le 8 novembre le délégué ministériel à la lutte contre la violence scolaire, André Canvel, a démissionné. On était à la veille de la Journée de lutte contre le harcèlement… Le ministère avait assuré au Café pédagogique que la mission continuait. Mais plus d’un mois après cette démission subite, A Canvel n’a toujours pas de successeur.
Et si on parlait du ressenti des enseignants ?
Que le ressenti des élèves s’améliore on ne peut que s’en réjouir. Malheureusement la situation s’inverse du coté des enseignants si l’on en croit E Debarbieux. Dans son dernier livre « Ne tirez pas sur l’Ecole » il donne des données inquiétantes tirées de ses dernières enquêtes. Dans le second degré, 38% des personnels se disaient en 2012 insatisfaits du climat scolaire de leur établissement, selon Debarbieux. Ils sont 48% en 2016 et c’est 51% des professeurs de l’enseignement général et 64% de ceux des filières professionnelles. Au primaire, 25% des enseignants parlaient de climat dégradé en 2011. C’est 34% en 2016. En 2012 32% des personnels du 2d degré se disaient insatisfaits du métier. Ils sont 41% en 2016. Son bilan c’est celui d’un « ras le bol » qui va croissant. Un épuisement qui tire sa source du fonctionnement de l’institution éducation nationale.
Ce que montre E Debarbieux c’est la cécité du système pour les problèmes rencontrés par les enseignants. Cela ne surprendra pas les intéressés, habitués à se débrouiller seuls face aux problèmes. Mais ce n’est que rarement perçu a l’extérieur. Et Eric Debarbieux n’hésite pas à donner l’exemple des élèves difficiles. Il montre qu’on parle, à raison, d’école inclusive. Mais qu’on laisse les enseignants se débrouiller sans formation ni aide face à des difficultés qui relèvent de l’enseignement spécialisé. Il demande une véritable aide de terrain pour les enseignants qui souffrent et se retrouvent dans des situations intenables. Troisième facteur du malaise de l’école, le mépris pour la pédagogie qui est devenue une véritable rente pour de pseudo intellectuels et qui s’est banalisé.
François Jarraud
Les résultats d’une politique continue