Nous avons tous des « moments champagne », au milieu de cette morosité ambiante, au milieu de déclarations « tonitruantes » de mini-ministre aux déclarations populistes, si loin de la réalité de la vie de classe sur le terrain, si loin de la fatigue quotidienne, de la misère sociale à laquelle on fait face chaque jour avec si peu de moyens … Cette année ma classe est difficile, très difficile … comme de plus en plus de mes collègues avec qui j’ai rendez-vous cet après-midi pour notre réunion de Groupe Départemental Freinet. Et là, j’ai envie de parler de cette réunion, avec la joie de nous retrouver, malgré la fatigue, malgré les kilomètres, malgré les obstacles et le peu d’accompagnement et confiance de notre chère hiérarchie …
« En ce mercredi après-midi, il fait froid, très froid. Il y a du brouillard et on se méfie des prévisions météo pour le retour… et pourtant nous sommes là devant chez moi à se répartir dans les voitures pour covoiturer vers le nord du département de la Vienne. Certains ont déjà une heure de voiture, ils habitent dans le sud Vienne. Et pourtant nous sommes heureux d’aller visiter la classe de notre jeune collègue qui nous a invité dans sa classe unique de cycle 3 pour notre réunion mensuelle. Bienvenue à Leugny, petit village à une bonne heure de route de campagne au nord est de Poitiers.
Sandra, jeune collègue fraîchement diplômée, a effectuée sa rentrée dans cette belle et grande classe avec ses 27 élèves de CE2-CM1-CM2. En mai dernier, lors d’une intervention-débat de notre association elle était venue nous voir enthousiaste à l’issue en nous disant : « c’est « ça » que je veux faire, c’est comme « ça » que je veux enseigner ! ».
Oh ça n’a pas été facile ! Sandra s’est heurtée aux parents d’élèves gourmands de devoirs et de notes, rassurés qu’ils étaient des batteries d’exercices des vieux manuels stériles de l’ancien prof avec qui « ça » ne bronchait pas. L’Administration l’a visitée, l’a encouragée à suivre les programmes, à produire des fiches de prep’, à se débrouiller malgré les deux élèves laissés sans « aide de vie scolaire » cette année …
Pourtant cet après-midi, entre les traits tirés et les bacs de fiches en tout genre, le sourire est là. Les tableaux de conférences et les coins défi-sciences aussi, le coin puzzles de 1000 pièces et la pile des textes libres également. L’organisation de l’espace en témoigne. Ici « ça » vit, ici on tâtonne, on cherche, on se confronte, on travaille en groupe, on coopère. Et ça fait du bien !
L’atmosphère est studieuse et décontractée, les échanges entre nous sont cordiaux et attentifs. On reçoit les appels à comment faire, on partage nos expériences, on échange nos réussites et nos tâtonnements. Tout le monde en profite, débutant ou plus expérimenté, l’écoute est bienveillante, les conseils nombreux. Les tasses de cafés ou de thé circulent, les bons gâteaux faits-maison aussi.
L’après-midi défile, il est l’heure de se séparer. On se revoit bientôt, dans un mois, début janvier. On reparlera de nos essais en recherche mathématiques, on a dressé les grandes lignes de l’organisation de notre stage régional en avril, on s’est répartis les tâches et les mails à envoyer. On se promet d’essayer tel ou tel outil, on a hâte de tester une nouvelle méthode de faire. Dehors la nuit est tombée, dans une heure ou deux on sera rentrés chez nous.
On a pris un bon coup de boost et ça fait du bien. »
Philippe Gilg
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