C’est un puissant appui à l’enseignement des compétences sociales à l’école que l’OCDE apporte avec ce nouveau volume de Pisa 215. Cette nouvelle évaluation incluse dans Pisa 2015 montre la capacité des élèves à travailler ensemble en collaboration. Une compétence qui semble à l’OCDE nécessaire pour s’insérer dans une économie moderne. Parmi les enseignements de cette étude, on notera le fort écart entre filles, aux compétences sociales plus développées, et garçons et aussi un lien établi entre EPS et compétences sociales. L’OCDE invite les états membres à intégrer ces compétences dans les curriculum. Une recommandation particulièrement valable pour la France dont les élèves se situent en dessous de la moyenne.
Des compétences sociales devenues indispensables
Il y a plus d’un moyen pour résoudre un problème de sciences. En 2015, PISA, la grande enquête internationale de l’OCDE, a voulu évaluer pour la première fois les compétences collaboratives des élèves dans la résolution de problème. Près de 125 000 élèves âgés de 15 ans ont passé ces épreuves dont 1825 jeunes français issus de 251 établissements.
Pourquoi lancer ce test dans Pisa 2015 ? Pour l’OCDE, « la collaboration entre les individus est essentielle pour vivre dans une société moderne… Un nombre croissant d’emplois nécessite un haut niveau de compétences sociales ». Inversement les emplois demandant peu de compétence en ce domaine ne cessent de diminuer. Mais le développement de la collaboration entre les élèves est aussi un levier pour améliorer les performances dans les compétences de base et le bien être à l’école. Si l’OCDE isole ces compétences c’est visiblement parce qu’elles sont pur l’organisation une clé d’un développement général des systèmes éducatifs.
Comment les évaluer ?
Pour évaluer les compétences collaboratives, les élèves ont répondu à des tests sur ordinateur où ils interagissaient avec des personnages virtuels pour trouver une solution à des problèmes. » Les items de cette évaluation demandent aux élèves d’établir une compréhension commune avec les autres membres du groupe, d’entreprendre les actions adéquates pour résoudre le problème et de maintenir l’organisation du groupe, comme devraient le faire les élèves dans des situations de la vie réelle », explique l’OCDE. En même temps l’enquête a relevé de nombreuses informations sur les élèves comme l’état du climat scolaire ou les relations entre parents, élèves et enseignants.
Filles et garçons : deux visions des compétences sociales
L’évaluation apporte de nouveaux éclairages sur les systèmes éducatifs et leurs performances. Les filles obtiennent de meilleurs scores que les garçons dans la résolution collaborative de problèmes dans tous les pays. L’écart le plus important est en Finlande, Australie et Suède. L’écart le plus faible en Amérique latine (Pérou, Colombie). Globalement les élèves issus de l’immigration ont de moins bons résultats que les natifs. C’est particulièrement le cas auu Danemark ou en France.
Pourtant les élèves jugent généralement positivement la collaboration entre élèves. En moyenne 85% des élèves se déclarent bonne élève, se réjouissent du succès de leurs camarades, déclarent prendre en compte les intérêts des autres et aiment coopérer avec les autres élèves. Les filles accordent plus de valeur à ces compétences. Par contre les garçons accordent plus d’intérêt au seul travail en équipe et préfèrent travailler en équipe que seuls. Il y a là une distinction entre valeurs collaboratives et travail d’équipe que l’on retrouve aussi entre élèves favorisés et défavorisés.
Un fort lien avec les compétences fondamentales et l’EPS
Globalement il y a un lien entre les compétences collaboratives et le niveau atteint dans Pisa. La moitié des élèves très performants en maths science et littératie sont aussi excellents en résolution collaborative de problèmes. 74% des élèves faibles en maths et sciences ont aussi un niveau faible en ce domaine.
Pisa montre aussi un lien entre la collaboration et l’activité physique. Plus on suit de cours d’EPS plus les compétences collaboratives sont développées. Les élèves qui ont des charges familiales (prendre soin d’une personne, avoir des responsabilités familiales) développent davantage de compétences collaboratives. Pisa montre aussi le lien avec le harcèlement, les élèves déclarant ne jamais être menacés ont davantage de compétences.
Selon Pisa il y a aussi un lien entre ces compétences et les pratiques pédagogiques. Les élèves qui discutent de leurs idées ou travaux en classe, qui expérimentent , qui participent à des débats, expliquent leurs idées, développent davantage leurs compétences collaboratives.
L’Asie et des pays occidentaux en tête
Singapour dépasse de loin tous les autres pays avec un score de 561 points (moyenne OCDE à 500). Les pays qui réussissent le mieux sont d’abord les pays d’Asie : Japon, Corée du Sud, devant l’Estonie, la Finlande, le Canada, l’Allemagne, le Danemark, les Pays Bas. Ces pays ont peu d’élèves aux compétences de collaboration très faibles (28% des élèves en moyenne). En moyenne 8% des élèves ont de grandes capacités collaboratives, c’est à dire qu’ils savent participer à la dynamique d’un groupe, résoudre les conflits, identifier les moyens de résoudre les problèmes. A Singapour c’est 21% des élèves ! Certains pays réussissent bien mieux dans les compétences collaboratives que dans les compétences évaluées classiquement par Pisa (langue nationale, maths ou sciences). C’est le cas des pays anglo saxons : Australie, Etats Unis, par exemple. A noter que les écarts sont plus importants entre les écoles qu’entre les pays.
La France en dessous de la moyenne
Et la France ? « Avec un score national moyen de 494 points, la France se situe entre le 19e et le 23e rang dans le classement des 32 pays de l’OCDE qui ont participé à l’évaluation de la résolution collaborative de problèmes, et entre le 24e et le 28e rang dans le classement des 52 systèmes d’éducation participants », déclare l’Ocde. Les élèves français obtiennent des niveaux de performance similaires à ceux des élèves vivant dans l’entité Pékin-Shanghai-Jiangsu-Guangdong (Chine), en Espagne, en Islande, au Luxembourg, au Portugal et en République tchèque. La France se situe de façon claire en dessous de la moyenne de l’OCDE.
Les élèves français sont moins performants en résolution collaborative de problèmes que ne le laisseraient penser leurs performances en sciences, en compréhension de l’écrit et en mathématiques. En France, environ un élève sur 15 (6.6 %) parvient à se hisser au niveau 4, soit le plus haut niveau de l’échelle de résolution collaborative de problèmes. Ces élèves sont capables de mener à bien des tâches compliquées de résolution de problèmes dont la composante collaborative est très complexe, à rester conscients des dynamiques de groupe, et à prendre l’initiative d’entreprendre des actions ou de formuler des requêtes afin de surmonter les obstacles et de résoudre les désaccords. Mais, en moyenne, dans les pays de l’OCDE, c’est 7.9 % des élèves qui parviennent à se hisser à ce niveau de compétence.
L’écart entre garçons et filles en France est identique à celui de la moyenne Ocde. Par contre l’étude montre un net écart entre les zones rurales et les grandes villes. Les compétences collaboratives sont nettement moins développées dans les grandes villes (plus de 100 000 habitants). C’est en France que l’écart est le plus élevé de toute l’OCDE.
Quel impact sur l’Ecole ?
Quelles conséquences cette étude peut avoir sur le pilotage des systèmes éducatifs ? D’abord les systèmes éducatifs peuvent aider au développement des compétences collaboratives. On peut développer des pratiques pédagogiques qui développent les compétences sociales en général. C’est facile à faire en EPS où la notion d’équipe est fondamentale. Mais cela peut aussi etre fait dans d’autres disciplines.
L’étude montre aussi l’importance du lien entre école et parents. Les élèves qui ont de bons résultats en collaboration sont ceux qui pensent que leurs parents suivent leurs efforts scolaires, ceux dont les parents connaissent plusieurs camarades de classe ou ceux qui aiment parler avec les enseignants. La qualité de la relation entre élève sest donc nettement associée à celle de la relation entre professeur et élèves ou entre professeur et parents.
Les systèmes éducatifs peuvent aussi être plus actifs dans le développement de relations positives avec les élèves. Il y a un lien entre le climat scolaire de l’établissement et les compétences collaboratives. Ainsi « les élèves français qui ont déclaré qu’il ne leur arrivait jamais ou presque jamais que leurs professeurs les punissent plus durement que les autres élèves, ou que leurs enseignants ne devaient jamais ou presque jamais attendre un long moment avant que les élèves ne se calment, obtiennent de meilleurs résultats sur les aspects purement collaboratifs de l’évaluation, après contrôle de la performance en science, en compréhension de l’écrit et en mathématiques, du sexe, ainsi que du statut socio-économiques des établissements et des élèves », note l’OCDE. Exposer les élèves à une plus grande diversité participe aussi à cela selon l’OCDE , ce qui plaide en faveur de la mixité sociale.
Mais l’étude montre aussi que le développement de ces compétences est lié à ce qui se passe avant et après l’école. Ainsi les élèves qui passent beaucoup de temps sur les jeux vidéo ont un niveau plus faible que les autres. Mais ceux qui utilisent beaucoup les réseaux sociaux sur Internet obtiennent de meilleurs scores. Il y a u lien aussi entre le développement des compétences sociales et ce qui se passe dans les familles comme les responsabilités familiales.
Pour la France , qui a un faible niveau en compétences collaboratives, le rapport Pisa ouvre un nouveau défi. Lors du colloque Antibi, en novembre, JM Blanquer a longuement disserté sur l’écart entre les élèves français , incapables de s’exprimer et d’émettre des opinions personnelles, et les élèves américains. Ces résultats ne surprendront pas le ministre. Face aux tenants de la transmission à l’ancienne, à lui d’encourager la collaboration entre enseignants et entre élèves.
François Jarraud
Site Pisa OCDE
L’école doit-elle enseigner les compétences sociales ?
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« Les activités d’écriture sont permanentes et articulées aux activités de lecture et d’expression orale. On prend l’habitude de faire alterner des écrits courts et des travaux de longue durée qui peuvent donner lieu à publication et diffusion au sein de la classe et de l’établissement. » (Nouveaux Programmes Cycle 4, p. 228) Patricia Bonnard, professeure de lettres, a mené en ce sens à Genas un projet annuel particulièrement ambitieux : la rédaction par des 3èmes d’un roman policier se déroulant dans un quartier de Lyon en pleine restructuration. Intitulée « Cadavre exquis à la Confluence », l’entreprise témoigne des vertus de la collaboration : entre enseignants (professeure documentaliste et professeure d’arts plastiques ont activement participé) et entre élèves (qui ont appris à s’entraider, à écrire à plusieurs, à partager leurs compétences pour les enrichir). Au bout de ce beau parcours dans la ville et dans la littérature, il y a la fierté d’avoir réalisé un livre papier et numérique : un « chef-d’œuvre de classe ». Mais aussi, par la pratique vivante, le développement de capacités de rédaction et d’analyse littéraire. Et même un nouveau rapport à l’Ecole : « on n’a pas eu l’impression de faire du français cette année » !