Les parents sont indifférents au épreuves des enseignants ? Ils sont tellement inquiets de la réussite de leurs enfants que c’est sans doute souvent vrai. Raison de plus pour souligner la publication par la Fcpe, première association de parents d’élèves, d’une Note sur le malaise enseignant. Ancienne professeure du secondaire, sociologue reconnue et auteure de deux livres sur le malaise enseignant, Anne Barrère réussit à faire le tour de la question en 4 pages. Pourquoi le malaise enseignant est-il si fort ? Comment la relation à la classe le nourrit-il au quotidien ? Quelle place y tiennent les réformes et la « résistance » des enseignants ?
Les contours d’un malaise
« Le relatif confort statutaire des enseignants français, pour la plupart fonctionnaires, est contrebalancé par un travail complexe, en forte évolution, et du coup la relative modération salariale aidant (rappelons que les enseignants français sont payés en moyenne 20 % de moins que leurs collègues européens), il n’apparaît plus aujourd’hui pour certains une contrepartie suffisante ». Anne Barrère le rappelle dans la Note publiée par le Conseil scientifique de la Fcpe : 90% des enseignants reconnaissent l’existence d’un malaise enseignant et 60% disent l’éprouver.
Pour ceux qui en douteraient, rappelons que le Baromètre Unsa en a décrit le périmètre chaque année. Ainsi moins d’un professeur sur trois recommanderait sa profession à un proche. Seulement 24% des sondés sont en accord avec les choix politiques effectués en éducation. 24% des enseignants souhaitent partir travailler dans une entreprise privée dans les prochaines années. Seulement 32% des enseignants trouvent leurs conditions de travail satisfaisantes et 15% la paye convenable.
La cyclothymie de la classe
Revenons à Anne Barrère. Comment explique -t-elle ce malaise ? Elle met en avant deux facteurs sociologiques. Le premier c’est le changement des élèves du fait de la démocratisation et la pression exercée par la cours eau diplôme. Le second c’est l’irruption de la culture adolescente dans le monde scolaire.
Ajoutons y un troisième ingrédient : la cyclothymie de la classe, toujours à surveiller car elle peut basculer des yeux qui brillent à l’avachissement hostile. « Les risques du métier d’enseignant sont très majoritairement liés à cette usure relationnelle, parfois émaillée de conflits plus ou moins graves, auquel le succès médiatique du thème de la violence scolaire a pu donner un écho. La solitude des enseignants reste grande à cet égard, accentuée par une culpabilité latente devant ce qui est perçu comme un indice synthétique de compétence professionnelle », écrit A Barrère.
L’impuissance pédagogique
Mais il y a pire encore : le sentiment d’impuissance pédagogique. « Malgré l’accent mis par les textes sur les compétences pédagogiques de motivation, d’adaptation et de remédiation, bien des enseignants ont le sentiment d’échouer à faire réussir les élèves. … Cette impuissance pédagogique est parfois accentuée du sentiment d’être poussés à « évacuer vers le haut, cyniquement », comme le disait une enseignante, des élèves qui ne pourront pas, selon eux, tirer leur épingle du jeu ultérieurement ».
Anne Barrère rappelle que le fameux effet maitre est en réalité dépendant du contexte où il s’exerce. Un point qui « mérite d’être rappelé à l’heure de la tentation d’une partie des chercheurs et des décideurs en éducation de raisonner en termes de bonnes pratiques ».
Réforme et inaction ministérielle
Anne Barrère revient aussi sur l’effet de la succession des réformes. « La première cause du malaise enseignant est pour 66 % des répondants l’absence de prise en compte des difficultés réelles du métier. C’est ainsi que les enseignants, souvent décrits à tort comme résistants globalement à des « réformes » de petite et moyenne portée qui se succèdent quelle que soit la couleur politique des ministères, font face à des propositions de changements qui ne constituent pas forcément, loin s’en faut, des ressources face aux deux premières épreuves du métier ».
Quelle solution ? Une vraie formation initiale suivie d’une formation continue, estime Anne Barrère. Mais les ministres sont plus prompts à financer des réforme où ils accrocheront leur nom qu’à faire vraiment face aux problèmes.
Le malaise enseignant, très perceptible depuis des années, dure et rien ne donne à penser qu’il soit réellement pris en compte dans les années à venir. Au moins voici les parents informés.