« C’est la continuité dans le temps des politiques scolaires qui produit des effets ». La preuve, Nathalie Mons, présidente du Cnesco, la livre avec les analyses de la conférence de comparaisons internationales organisée par le Cnesco et le Ciep. Au terme d’une étude poussée des facteurs et des politiques de décrochage, le Cnesco montre la réussite de la France qui a su faire baisser nettement le volume du décrochage et le ramener en dessous de la moyenne européenne. L’autre enseignement de la conférence c’est qu’il vaut mieux prévenir qu’intervenir après le décrochage. Là il reste encore beaucoup à faire…
Un décrochage en recul
Impossible de faire le portrait du décrocheur type, explique Pierre Yves Bernard, professeur au CREN et responsable de cette conférence. La recherche dégage 4 types entre les désengagés, qui rejettent l’école, les discrets, les sous performants et les inadaptés.
La même difficulté se retrouve quand il faut compter les décrocheurs. En fait 4 définitions sont utilisées , la plus fréquente étant le taux de sorties scolaires sans diplôme autre que le brevet. Le taux est passé de 13% en 2007 à 8.8% en 2016, soit une belle baisse. La France se situe en dessous de la moyenne européenne (10.7) et fait mieux que l’Allemagne (10.2), le Royaume uni (11) ou l’Espagne (19).
Pourtant le décrochage est un fait coûteux pour la société et il y a urgence à apporter des solutions. Le décrocheur aura nettement moins accès à l’emploi. Une étude évalue le coût du décrocheur ,en manque à gagner, à 230 000 € sur une vie. Or ils sont près de 500 000… Et le décrochage joue aussi sur la participation politique, la santé etc.
L’école facteur de décrochage
L’étude réalisée par le Cnesco montre que cette nette baisse a eu lieu sur tout le territoire, même s’il reste des inégalités. Le Nord, les académies d’Amiens ou Créteil gardent un taux supérieur à la moyenne nationale. C’est dans l’ouest que les taux sont les plus faibles.
Cela veut dire qu’il y a des facteurs locaux de décrochage parmi les nombreux facteurs. Le décrochage est d’abord lié au niveau social et scolaire des parents et au parcours scolaire du décrocheur. Avoir redoublé à l’école ou au collège augmente le risque.
C’est dire que l’école a sa part. D’abord par les insuffisances de l’offre scolaire. Beaucoup de jeunes sont envoyés dans des formations professionnelles qu’ils n’ont aps demandé et n’obtiennent pas leur choix. L’environnement scolaire compte aussi : un établissement mixte socialement aura un taux de décrochage plus faible qu’un établissement défavorisé.
Mais l’étude met aussi en évidence le climat scolaire, le sentiment de justice ou injustice ressentie par les élèves. L’absentéisme est un signal de décrochage particulièrement valable selon l’étude. Le sentiment d’appartenance à son établissement est un élément aussi important. Mais Pisa montre que la France est le pays où il est le plus faible.
Prévenir mieux qu’intervenir
L’étude s’est intéressée aux politiques à mener. La France a développé de nombreux types d’interventions avec des missions locales, les dispositifs relais, les formations spécifiques etc. Ils ont leur efficacité et sont pour beaucoup dans le recul du décrochage. Mais le rapport souligne de forts écarts de coûts (24 000 € pour chaque élève en Epide !) et parle « d’offre de formation balkanisée ».
Mais la conférence met l’accent sur les politiques préventives. » Intervenir dès les premiers signes d’un possible décrochage quand le jeune est encore dans l’établissement est donc vital », dit N Mons. » Cet « effet-établissement » fort doit nous amener à renforcer plus encore les interventions des professionnels de l’éducation dans ce cadre. Attention au climat scolaire, identité de l’établissement, qualité de vie dans l’école, souci d’intégrer les plus jeunes à leur arrivée dans le niveau d’enseignement (en 6e, en seconde…), logiciel permettant à l’ensemble de l’équipe pédagogique de suivre efficacement les premières signes du décrochage dans l’établissement ».
Continuer les politiques
La conclusion qu’en tire N Mons c’est l’efficacité de la continuité des politiques éducatives. « C’est la continuité dans le temps des politiques scolaires qui produit des effets. Rapport après rapport, les évaluations du Cnesco le soulignent : les politiques scolaires, pour être efficaces doivent se fonder sur un consensus transpartisan et enjamber ainsi les échéances électorales. S’il est un domaine de l’enseignement scolaire qui le démontre clairement et positivement : c’est la lutte contre le décrochage scolaire. Porté par une impulsion européenne forte, ces politiques se sont déployées en France depuis 2008 dans une logique de continuité implacable, chaque gouvernement rajoutant à l’édifice réglementaire et législatif sa contribution pour parachever une politique appréhendée systématiquement et systémiquement. Pour une fois loin de tout débat idéologique stérile qui prend l’école pour otage ». Une vérité qu’il n’est pas inutile de rappeler aujourd’hui.
François Jarraud