Déjà de nombreuses questions se posent aux acteurs et décideurs. Quel lycéen cultivé, lucide, autonome, physiquement et socialement éduqué veut-on ? Pour quels enjeux ? Quels axes de travail, quelles priorités donner ? C’est un vrai chantier qui s’ouvre et devra mener dans les prochains mois à la rédaction de nouveaux programmes pour le Lycée. L’inspection générale y travaille comme en témoigne son intervention à la biennale AE EPS. Le Snep aussi.
Le rapport Juanico-Deguilhem comme base de travail ?
C’est probablement une entrée par laquelle le travail peut être mené. En effet, ce rapport publié en septembre 2016 pose les problématiques des conditions et de l’accès aux pratiques physiques. Le Café Pédagogique avait déjà souligné à l’époque l’importance de ce document et des propositions qui ont été faites en les questionnant et en les débattant. Ce travail et les constats qui sont écrits dans ce rapport demeurent d’actualité et montrent un état assez fidèle des réalités de terrain.
Une priorité pour l’inspection générale
Au cours de l’intervention faite par Valérie Debuchy lors de la 2ème Biennale de l’AE-EPS, nous avons mesuré la priorité accordée par le groupe Inspection Générale aux enjeux du Lycée. Valérie Debuchy a ainsi énoncé un certain nombre d’axes de travail et de réflexions.
L’EPS est-elle suffisamment engagée dans la lutte contre le décrochage de la pratique physique et sportive ? En EPS et aussi dans le cadre du sport scolaire. Le groupe IG n’a de cesse d’alerter sur le nombre de jeunes filles déclarées inaptes en Lycée professionnel. Dans certaines académies, il y a des taux qui atteignent 12 à 13%. Alors que nous savons que 50% des jeunes n’ont de pratique physique que l’école et parce que c’est obligatoire.
Le décrochage de la pratique est constaté dès la 4ème voire la 5ème chez les jeunes filles. Ce décrochage (constat unanime) intervient dès lors que la pratique n’est plus obligatoire et d’autant plus fortement qu’on avance en âge.
Le décrochage constaté à l’université alors que les cours ne sont plus obligatoires nous amène à nous interroger sur le rôle du Lycée. Dans la continuité de la réforme de la scolarité obligatoire il faut s’intéresser au maillon suivant. Le lycée actuel prépare-t-il suffisamment les lycéens à poursuivre une activité physique régulière dont nous connaissons maintenant tous les bénéfices ? Dans le prolongement de la scolarité obligatoire, quel rôle de l’EPS au lycée, quelle EPS proposer aux lycéens, quelles compétences construites en et par l’EPS deviennent prioritaires ? L’EPS ne doit-elle pas résolument s’inscrire dans une formation globale redéfinie ? La réforme du baccalauréat peut être pensée comme une réforme très technique d’un outil de certification mais peut être beaucoup plus ambitieuse en allant jusqu’à retravailler sur tout le cursus lycée et y compris dans une perspective de poursuite d’étude.
Valérie Debuchy poursuit son propos en faisant l’analyse critique des 30 années de CCF (14 ans avec commission nationale) et s’interroge sur les orientations souhaitées et souhaitables pour l’EPS. Le groupe IG s’interroge sur une EPS à 14 de moyenne en constante évolution, sans vraie visibilité sur les élèves décrocheurs, en difficulté, et avec de fortes disparités selon les filières. Les résultats montrent qu’il n’y a pas (ou trop peu) de réussite en EPS dans les filières technologiques et professionnelles. L’inspectrice générale se questionne aussi sur les arrangement évaluatifs : combien d’élèves maîtrisent réellement le niveau 4 en terminale ? Enseigne-t-on toujours en lycée ou ne passe-t-on pas notre temps à préparer les élèves aux épreuves du baccalauréat ?
Des réponses encore timides…
Pour résumer, Valérie Debuchy amène beaucoup de questions et d’axes de travail sans véritablement apporter de réponse. Ces questions doivent amener tous les acteurs à prendre position pour réussir cette fois l’écriture des programmes des Lycées, ceux des collèges ayant laissé trop de frustration dans la profession.
L’AE-EPS travaille également le sujet en ayant constitué un groupe de travail qui devrait publier prochainement ses conclusions. Le SNEP (syndicat majoritaire) travaille aussi actuellement en donnant quelques indications : des épreuves identiques quelles que soient les filières ; la formation obligatoire pour tous de la seconde à la terminale avec des épreuves en CCF en classe de terminale et des horaires renforcés ; le développement des options sur l’ensemble du territoire ; la création de voies de réussite et d’approfondissement au baccalauréat dans le vaste champ des APSA. Ces indications sont une première réponse, notamment à certaines propositions du rapport Juanico-Deguilhem et montrent l’attachement du syndicat à des épreuves évaluées en terminale (CCF).
Pour une nation de sportifs et pas seulement de champions
Plusieurs acteurs institutionnels nous amènent actuellement à considérer que l’attribution des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 sont une opportunité historique pour montrer en quoi la profession dans son ensemble peut apporter à la nation, à travers notamment la reconnaissance des compétences dites « non-académiques », motrices, artistiques, psycho-sociales, à travers aussi tous les bienfaits qu’apporte une pratique physique régulière pour la santé (les décideurs publiques parlent eux de « coûts »). Nous souscrivons à cet élan en considérant que cet événement doit être une opportunité pour proposer une EPS ambitieuse qui permettent la réussite de tous en construisant une nation de sportifs « génération 2024 » !
Antoine Maurice et Benoît Montégut