Les résultats de PIRLS 2016 montrent une nouvelle chute, encore plus importante, du niveau en lecture des écoliers. L’évaluation internationale observe le niveau en lecture de 50 pays de l’OCDE. La France se situe en bas du classement européen en lecture. Seuls la Belgique francophone et Malte font pire que nous en Europe. Pire que ce décrochage par rapport aux autres pays de l’OCDE, nous décrochons par rapport à nous mêmes puisqu’on observe une nette perte de niveau entre 2011 et 2016. Le niveau moyen des élèves de CM1 a reculé depuis PIRLS 2011 et même depuis PIRLS 2001. Ces résultats interrogent la façon dont l’Ecole est gérée . Mais aussi plus globalement la place du livre dans la société et les inégalités sociales comme le montrent les résultats.
Une nette baisse depuis 2000
C’est une très mauvaise nouvelle pour l’Ecole. Selon les résultats de PIRLS, une enquête internationale qui évalue le niveau en lecture des élèves de 9-10 ans (CM1), la France se situe au dessus de la moyenne des 50 pays participant (500) mais à la 34ème et presque dernière place en Europe. Avec un indice de 511 points nous sommes en dessous de la moyenne européenne (544) et loin de la Russie (581) , de Hong Kong, de la Finlande qui prennent les meilleures places. Nos voisins font nettement mieux : Allemagne 537, Angleterre 559, Italie 548 et Espagne 528.
Surtout nous reculons. La France avait fait un score de 525 points en 2001, puis de 520 en 2011. Depuis la baisse s’accélère.
La fuite par le bas
La baisse résulte de l’augmentation des élèves très faibles qui a aussi été reconnue par les enquêtes Cedre du ministère. Cèdre montrait déjà qu’en fin de Cm2 40% des élèves n’atteignent pas les objectifs attendus en lecture. Ainsi la part des élèves de haut niveau est passée de 7 à 4% depuis 2001. Celle des plus faibles atteint 39% contre 25% dans l’OCDE.
Les points faibles ce sont les textes informatifs plus que les textes narratifs. Surtout ce n’est pas le décodage mais la compréhension. Les jeunes français savent prélever des informations dans un texte mais ne savent pas en tirer des inférences pour comprendre les textes. Ils ont du mal à argumenter et à s’exprimer. Depuis 2001 nous avons perdu 8 points sur le prélèvement d’informations mais 21 sur l’interprétation.
Des facteurs scolaires
Comment expliquer cette baisse ? Ces élèves de Cm1 de 2016 ont fait toute leur scolarité avec les programmes de 2008 en maternelle et à l’école. Les nouveaux programmes ne sont entrés en application qu’en 2015 en maternelle et en 2016 à l’école.
Les élèves ne manquent pas d’heures de cours en lecture et en français en général. L’école primaire français est la championne européenne en ce qui concerne le temps dévolu aux fondamentaux et dispose d’un temps consacré à la lecture en CM1 dans la moyenne OCDE.
PIRLS met en évidence d’autres facteurs. Par exemple le faible niveau de formation des enseignants français en lecture du fait de la grande faiblesse de la formation continue. Les professeurs français sont deux fois moins nombreux à avoir suivi une formation récente que leurs collègues européens selon Pirls. Sur ce plan on peut dire que l’institution fabrique son échec.
Cette faiblesse de la formation continue se retrouve dans les pratiques pédagogiques. Les enseignants français demandent autant que leurs collègues de l’OCDE de retrouver des informations dans un texte ou de dégager les idées principales d’un texte.
Par contre ils sont nettement moins nombreux à demander de comprendre les textes. Ainsi ils sont deux fois moins nombreux à demander aux élèves de comparer le texte à des faits vécus ou à déterminer les intentions de l’auteur. Pour le premier point la France est tout en bas de l’échelle dans les 50 pays.
D’autres effets systémiques jouent aussi. La taille des classes est un élément à souligner, la France compte des classes nettement plus chargées que les autres systèmes d’enseignement. L’Education nationale concentre les faiblesses là où sont les difficultés et accompagne luxueusement les plus favorisés. C’est dans les écoles des quartiers défavorisés que l’on va trouver le plus d’enseignants contractuels ou très jeunes. Ce sont dans ces écoles que les professeurs sont le moins remplacés. C’est là que les problèmes d’AVS sont les plus criants et les Rased manquent le plus. Enfin c’est là où se concentrent les minorités ethniques qui ne parlent pas forcément le français à la maison.
… et non scolaires
Mais le faible niveau en lecture est surtout corrélé à la situation sociale. Ainsi les écoles privées ont de meilleurs résultats que les publiques. Les écoles prioritaires que les hors éducation prioritaire dans Pirls 2011.
Car PIRLS montre le poids des facteurs sociaux sur ce taux d’échec. L’école française y est décrite par les élèves comme une des écoles les moins sures et disciplinée parmi les pays de l’OCDE. Trois pays seulement font pire que nous. Le sentiment d’appartenance à la communauté éducative y est au plus bas (seulement 5 pays font pire). Seulement 43% des parents sont très satisfaits de leur école contre 65% dans l’OCDE. La France est avant avant dernière. Quant au degré de satisfaction des enseignants envers leur travail il est le plus bas de toute l’OCDE : 26 de très satisfaits contre 57% en moyenne.
Pirls pointe d’autres éléments de misère. On sait que la France compte près de 3 millions d’enfants pauvres. Pirls montre que , loi Lang ou pas, la France est un des pays où les parents aiment le moins lire : 22% aiment la lecture contre 32% dans l’OCDE. Qui oserait dire que ce désamour envers l’école des parents, ce déficit culturel est sans rapport avec la misère et sans effet sur la scolarité des enfants ?
La réponse à apporter est sans doute d’abord dans la formation continue des enseignants. Mais elle est aussi dans une refonte du système éducatif. Il est grand temps de mettre des moyens dans les écoles des quartiers. Mais aussi dans l’encadrement social, médical et économique des familles des quartiers. Ce que nous renvoie PIRLS ce n’est pas qu’un problème scolaire.
François Jarraud