« La relation entre un climat scolaire positif et la réussite scolaire des élèves est aujourd’hui établie par la recherche..La qualité du climat scolaire influe aussi sur la construction de l’adulte et du citoyen ». Pour sa 10ème Journée du refus de l’échec scolaire, l’AFEV, une association de soutien scolaire, a mis le climat scolaire au coeur des efforts à fournir par le système éducatif. Avec de grands témoins, P Meirieu, F Dubet, N Mons, E Debarbieux, le thème du climat scolaire s’est ouvert à la question de la bienveillance envers les personnels d’éducation ou encore à la question de la discipline à l’école. Car améliorer le climat scolaire ne concerne pas que le bien être des élèves mais aussi celui des enseignants.
Le climat scolaire une question idéologique ?
L’Afev avait deux invités très attendus. D’abord Jean Marc Huart, le nouveau directeur de l’enseignement scolaire (Dgesco), venu remplacer le ministre. Pour JM Huart, le climat scolaire est « un des principaux leviers » de la réussite scolaire. Il a présenté les « actions concrètes » menées par l’éducation nationale : la mise en place d’indicateurs sur la qualité de vie dans les établissements , la mobilisation des partenaires de l’Ecole comme l’AFEV. Inévitablement il a fait le lien avec les propos ministériels sur l’école de la confiance.
L’autre invité méconnu est Benjamin Moignard, directeur de l’Observatoire international éducation et prévention. Spécialiste de la question il élargit la réflexion à la dimension du système éducatif. » Nous sommes en difficulté sur le registre relationnel par exemple, avec un fort sentiment d’injustice de la part de nombreux élèves à l’égard de l’évaluation ou des usages autour des sanctions et des punitions. Il nous faut continuer à travailler collectivement sur l’amélioration des relations entre les acteurs scolaires, les élèves et les familles, et sur une forme de bienveillance nécessaire à la réussite des élèves. La première mission de l’école, c’est de permettre aux élèves d’apprendre. Mais cela ne peut se faire dans un contexte qui serait perçu défavorablement par les premiers concernés. En France, les marqueurs idéologiques autour de l’école sont plus forts que dans la plupart des pays européens comparables : c’est là un frein considérable à l’avènement d’une école plus juste. Les procès en laxisme ou en démagogie prononcés à l’égard de positions « pédagogistes » d’un côté, et les accusations d’immobilisme des « disciplinaires » obnubilés par des savoirs désincarnés de l’autre, sont un non-sens du point de vue scientifique. Mais ils structurent largement les débats sur l’école, là où il est sans doute nécessaire de dépasser les postures de principes, pour surmonter des difficultés qui se posent clairement. En ce sens, le climat scolaire n’est pas une marotte pédagogique ».
Une enquête confirmée
L’Afev présentait une enquête réalisée auprès de 447 collégiens de l’éducation prioritaire suivis par l’association. Si le nombre et le mode de recueil ne donnent qu’une valeur indicative à ce mini sondage, ses résultats sont sans surprise car confirmés par exemple par les enquêtes d’E Debarbieux. Selon l’AFEV 90% des collégiens sont heureux à l’école et s’y sentent bien. Ils décrivent de bonnes relations avec les enseignants. Mais l’enquête soulève deux points négatifs : 58% des collégiens déclarent qu’il y a peu de discipline en classe et la moitié ont été témoins d’humiliations d’autres élèves.
Ces résultats ne sont pas surprenants. La dernière livraison de Pisa montre des jeunes Français plutôt plus heureux que la moyenne de l’OCDE et plutôt moins anxieux à l’école que les élèves des autres pays. Par contre ils sont moins impliqués dans le travail scolaire : moins de la moitié cherche à bien faire quand c’est le cas de 80% des jeunes Américains ou Britanniques. Autre point noir : le très faible sentiment d’appartenance à leur établissement.
L’indiscipline des élèves français est un point récurrent des enquêtes Pisa. La particularité de la France c’est que l’indiscipline y est dans les plus forts taux moyens mais aussi que l’écart entre écoles favorisées et défavorisées y est le plus élevé. On retrouve le même phénomène en ce qui concerne les relations avec les enseignants. Autrement dit la question du climat scolaire est totalement liée à celle des inégalités sociales à l’école.
Climat scolaire et performances
Une autre question soulevée par la Journée c’est celle du lien entre climat scolaire et performance scolaire. En effet certains résultats de Pisa peuvent interroger. Parmi les pays qui ont de bons résultats, Singapour et la Finlande ont des élèves qui vivent moins bien leur vie à l’école. Inversement la France brille plus par le bonheur de ses élèves que par leur réussite.
Dans une note de synthèse publiée par le Café en 2012, E Debarbieux mentionne plusieurs études qui confirment qu’un bon climat scolaire influence positivement la réussite scolaire. » La synthèse nord-américaine proposée par Kris de Pedro montre que le climat scolaire influence la réussite des élèves: le fait de promouvoir une culture de travail coopérative et d’avoir des professeurs dévoués à la mission de l’école conduit à l’obtention de meilleurs résultats en mathématiques, en écriture et en lecture. Cette synthèse insiste sur l’importance du sentiment d’appartenance… Astor et Benbenishty (2005) en arrivent à la conclusion suivante : le bon climat scolaire augmente les résultats scolaires, indépendamment des facteurs socio-économiques initiaux. Il a une influence significative sur les capacités d’apprendre et d’augmenter les compétences scolaires. Les enseignants et l’administration devraient donc investir la problématique du climat scolaire, en développant des relations positives, respectueuses, protectrices à l’égard des élèves, et en prenant le temps de résoudre les problèmes de violence à l’école. » Une étude récente portant sur un millier d’élèves californiens établit que le lien climat scolaire et performances est élastique et pas automatique. Des analyses convergentes mais qui montrent que la réussite scolaire lie le climat scolaire à des pratiques pédagogiques et au rapport entre l’Ecole et la société.
Le climat scolaire une question pédagogique ?
C’est sur ce terrain que les grands témoins, P Meirieu, F Dubet, N Mons, E Debarbieux, sont allés. N Mons a montré que l’échec scolaire peut concerner tous les élèves et pas seulement les élèves défavorisés. C’est ce que montrent les résultats de Timms, l’évaluation en maths des écoliers, où la France se retrouve avant dernière. Beaucoup s’interrogent sur la valeur des diplômes, détenus là aussi par l’élite sociale.
Pour François Dubet la particularité du système éducatif c’est que , « n’étant pas capable de changer ce qui se passe en son centre, la classe, il multiplie les dispositifs de remédiation », qui ne sont jamais évalués, plutôt que revoir la formation des enseignants.
Philippe Meirieu revient sur la question de l’indiscipline. « Les questions de discipline apparaissent très vite dans les préoccupations des professeurs et c’est un problème que la discipline ait cette place là ». Pour lui la discipline est un problème parce que « le travail est peu organisé », c’est à dire qu’il est moins organisé au collège qu’à l’école primaire ou le cadre est davantage installé. Il lie cela au manque de situations d’entraide entre élèves.
Pour Eric Debarbieux » le climat scolaire ce n’est aps que les élèves ». Il souligne « le ras le bol des professeurs qui pensent que la bienveillance ce n’est pas pour eux ». Un thème qu’il a développé dans son dernier livre.
En conclusion de la journée, l’Afev demande « une véritable prise de conscience collective » sur la question du climat scolaire en lien avec trois points : l’amélioration de la formation des enseignants sur cet enjeu, la systématisation des enquêtes de climat scolaire et le renforcement des moyens humains dédiés à la vie scolaire.
François Jarraud
Climat scolaire : synthèse d’E Debarbieux
Debarbieux Ne tirez pas sur l’école