Jean-Michel Blanquer avait promis de ne pas tout bousculer car le système a besoin de continuité. Il a pourtant pris plusieurs mesures qui marquent des ruptures. Sans parler du changement rhétorique. Voici une douzaine de » nouveaux » mots de la macronie en éducation.
Confiance : mot passe-partout, consensuel, un peu vide, cher au ministre qui espère ainsi ratisser large.
Il promet de » bâtir l’école de la confiance, de » rétablir la confiance dans le système « , de renforcer celle des élèves en eux-mêmes, celles entre les enseignants et la hiérarchie, entre les parents et l’école, etc. Les débuts laissent dubitatifs.
Égalitarisme : terme fourre-tout qui résume tous les maux de l’éducation, voire de notre société.
» L’ennemi du service public, c’est l’égalitarisme, « , clame Jean-Michel Blanquer. Le ministre n’explicite pas beaucoup. Mais on comprend que, à force de vouloir que tout le monde soit égal, les » égalitaristes » ont rabaissé les exigences, fait chuter le niveau des petis Français, dévoyé le bac, etc.
Évaluation : mot qui revient à tout bout de champ.
Le ministre veut évaluer les écoliers en début de CP, les collégiens en début de 6è, les enseignants en général, les établissements, le système éducatif… Pour lui, évaluer aide à » piloter » et rend le système plus efficace. Grâce à des évaluations objectives – dans l’idéal, des batteries de tests mises au point par la science – , on peut aussi comparer, classer, trier.
Excellence (voir Internats) : l’école doit permettre à chacun d’atteindre l’excellence en fonction de ses capacités et quelque soit le milieu social.
Pour surmonter les inégalités de départ, le ministre a deux recettes : le dédoublement des CP et CE1 en éducation prioritaire (opération qui sera menée sur trois ans) et les internats d’excellence. Suivez le raisonnement : on donne de bonnes bases aux enfants de milieux défavorisés. Puis on réserve des internats à ceux qui en veulent – les » méritants » (voir Mérite).
Globale (voir Syllabique) : méthode honnie d’apprentissage de la lecture mise au point par les » pédagogistes » et autres » gauchistes « , qui a rendu des cohortes de Français nuls en orthographe et faibles en maths car il faut savoir lire les consignes.
Le ministre reconnaît lui-même que la méthode globale n’a plus cours. Il a tout de même jugé opportun de raviver une vieille querelle à la veille de la rentrée, histoire de bien montrer de quel côté il penchait.
Internats (voir Excellence) : vieille marotte de Jean-Michel Blanquer, illustrant le » donner plus à ceux qui ont moins « .
L’idée des internats d’excellence est simple : on repère des élèves de milieux défavorisés ayant des capacités et qui sont motivés, on les sort de leurs quartiers et on les met dans des internats avec de gros moyens.
Sous Sarkozy, Jean-Michel Blanquer en avait ouvert plusieurs. Une évaluation avait conclu mi-chèvre mi-chou : des résultats scolaires sont obtenus à cause des moyens supplémentaires. Mais que deviennent ceux restés dans les collèges-ghettos qui doivent se débrouiller avec les moyens du bord ?
La Fontaine : à cause des Fables.
Le ministre a fait distribuer un recueil des Fables de la Fontaine aux 150 000 élèves de CM2 (1) afin qu’ils les lisent pendant les vacances. L’idée est que les petits Français n’ont pas suffisamment accès aux grands textes. Et que si on leur en propose, ils y prennent goût.
Sa fable préférée à lui est » Le laboureur et ses enfants « . A cause de la morale de l’histoire : » Le travail est un trésor « . Comprenez : c’est à force d’efforts qu’on arrive (et que le champ donne).
Lire-écrire-compter-respecter autrui : c’est le grand défi assigné par Jean-Michel Blanquer à l’école primaire, sa priorité.
Accessoirement, c’est la fonction même de l’école de la République et ce à quoi s’emploient tous les jours les enseignants dans leurs classes. Là, on ne voit pas trop ce qu’il y a de nouveau. Mais on signale tout de même l’expression, très usitée.
Mérite, méritants : incompatible avec l’égalitarisme-qui-nivelle-par-le-bas (voir Egalitarisme).
Neurosciences : la science par excellence pour le ministre et l’argument ultime lorsqu’il veut imposer ses vues – » les neurosciences ont conclu que « , » selon les neurosciences « … Logiquement, Jean-Michel Blanquer boude les termes » pédagogie » et » sciences de l’éducation « .
Pragmatisme : une vertu dont le ministre aime se parer.
Il veut se distinguer de ses précédesseurs qui auraient été des idéologues rigides. Dans le sillage du président Emmanuel Macron, lui entend transcender la droite et la gauche et se rêve en rassembleur autour de l’éducation.
Réussite : mot à employer au singulier, la réussite étant, pour le ministre, d’abord individuelle.
L’élève va réussir grâce à ses efforts et à ses talents. Le dédoublement des CP en éducation prioritaire est baptisé » 100% de réussite au CP « . Qu’adviendrat-il d’un élève sortant de CP sans maîtriser la lecture et qui aura donc échoué ? Mystère.
Syllabique (voir Globale) : l’ennemie de la méthode globale.
Pour Jean-Michel Blanquer, la méthode syllabique est la seule valable : c’est démontré par la science.
Véronique Soulé