« Le moindre mot, le moindre geste contribuent à la réussite ou à l’échec de l’activité pédagogique ». Professeure des écoles, formatrice, Martine Boncourt montre dans un petit livre, (L’autorité à l’école mode d’emploi, ESF), les gestes, les postures, les paroles qui contribuent à « tenir » la classe et à asseoir l’autorité. Une approche très concrète mais qui est toujours reliée à une finalité éducative et une démarche pédagogique globale. Parce que Martine Boncourt en est persuadée : la vraie autorité c’est la confiance. Une confiance qui se gagne et qui nécessite un engagement de l’enseignant.
Des conseils pratiques..
« L’autorité n’est pas une capacité innée. Il s’agit bien d’un art de faire qui se travaille ». Philippe Meirieu, qui ouvre le petit livre de Martine Boncourt, rappelle que ce livre est d’abord un « mode d’emploi » sans pour autant être un cahier de recettes.
Le livre donne des conseils sur les gestes et les attitudes qui facilitent l’entrée dans le métier. Mais il les relie à des savoir faire et des savoir être et plus globalement à l’acte d’enseigner. Proche du mouvement Freinet et de la pédagogie institutionnelle, M Boncourt ne sépare pas la question de l’autorité de l’enseignement en général et des pratiques pédagogiques du maitre.
L’ouvrage commence par évoquer la voix , notamment s’abstenir de crier et de répéter. Elle invite à « parler juste », c’est à dire à avoir un langage ni familier ni démagogique. Maisla règle d’or c’est d’être adulte de confiance, c’est à dire qui fait ce qu’il dit. Et là déjà on est sur une posture pédagogique. M Boncourt parle de « professeur debout ». Dans un chapitre elle évoque le langage du corps et invite à travailler ses gestes et sa position dans la classe.
Pour arriver à la pédagogie
L’ouvrage aborde ensuite les postures pédagogiques qui sont le prolongement de ces recommandations pratiques. M Boncourt plaide pour une règle discutée en conseil avec les élèves dans une pédagogie où ils sont actifs.
Cette seconde édition (la première a été publiée en 2013) a été enrichie , par exemple sur les apports des débats philosophiques en classe. L’ouvrage s’adresse aux enseignants débutants et à tous ceux qui ont du mal à « tenir » leur classe. Et ça , ça guette tous les enseignants…
François Jarraud
Martine Boncourt, L’autorité à l’école, mode d’emploi, ESF Editeur, ISBN 978-2-7101-3364-3
Martine Boncourt : Oser franchir la ligne de démarcation dans la classe
Comment concilier la règle élaborée collectivement avec les enfants et la posture d’adulte « debout » ? Martine Boncourt revient sur le fait de dire non, sur les punitions et sur la posture des enseignants dans la construction de l’autorité en classe.
A qui ce livre sur l’autorité s’adresse-t-il ?
Il ne concerne les enseignants qui ont des difficultés à tenir leur classe. Ce qui m’intéresse c’est de montrer quels petits gestes, à coté de pratiques pédagogiques comme le conseil d’enfants, participent à l’atmosphère de la classe. Ces gestes peuvent générer chez l’élève du calme ou au contraire de la nervosité. Je fais une sorte de catalogue qui aboutit à la construction du livre :la voix, les gestes, les mots, la posture… On peut parler de recettes mais c’est en lien avec une éthique comme la confiance dans l’adulte.
Elaborer les règles de vie de la classe pour vous c’est l’affaire des adultes ou des enfants ?
C’est l’affaire de l’adulte avec les élèves. La règle ne peut être comprise et admise que si l’enfant sent son bien fondé. S’il ne voit que du coercitif il y a peu de chance que la règle soit respectée. Si elle est édictée par la classe c’est plus probable. Mais cela n’a de sens que dans l’atmosphère d’une classe coopérative. Si les élèves ne produisent que les règles de vie ça ne marchera pas. Il faut de la cohérence. Les élèves doivent aussi être habitués à produire ensemble de nombreuses choses, des textes par exemple.
Aujourd’hui la plupart des enseignants ont dans leur classe des élèves perturbateurs et souvent perturbés. Cette conception de l’autorité c’est efficace aussi pour mieux les gérer ?
Aujourd’hui il y a peu de structures pour accueillir ces enfants et ils sont dans les écoles. C’est justement dans des cas comme cela que l’on voit la nécessité d’une pédagogie de production. Si les élèves ont des « métiers » dans la classe, si la classe est leur affaire aussi au niveau de tout ce qui s’y produit, cela aidera beaucoup à faire face à ces enfants. Ainsi les enfants perturbateurs peuvent arriver à canaliser leur énergie quand la classe propose des lieux de réflexion et d’action à la mesure de leur énergie. En tous cas ils seront moins dans un comportement négatif que dans une structure traditionnelle.
Vous dites que le maitre doit être « debout » dans la classe. C’est à dire ?
Un adulte debout c’est un adulte à qui l’enfant peut faire confiance. C’est un adulte qui fait ce qu’il dit et qui ne laisse pas tout faire. Il est contenant et autorisant.
Il faut savoir dire non ?
Bien sur. L’enfant cherche toujours les limites. Dire non c’est créer des limites structurantes. On ne peut s’appuyer que sur un mur qui ne cède pas. Tout n’est pas négociable. Il faut dire non aux pulsions dures. F. Oury disait que le cadre est la condition de la liberté et du désir..
Il faut des sanctions ?
Tout un chapitre du livre y est consacré. La sanction est éducative car elle est réparatrice. Mais il y a des sanctions qu’il ne faut pas prendre : tout ce qui humilie, qui exclue définitivement. Ne jamais se moquer d’un élève. Car on ne peut apprendre qu’en se trompant. Il faut donc être sur qu’il n’y aura pas de moquerie.
Quel conseil de posture donneriez vous aux enseignants ?
Il faut ne pas avoir peur du face à face et aussi du coude à coude avec les élèves. Oser franchir la ligne de démarcation dans la classe et aller s’asseoir avec les élèves qui travaillent.
Finalement l’autorité c’est une affaire individuelle ou collective ?
C’est forcément collectif car c’est relationnel. Mais il y aune forte dimension individuelle car son histoire personnelle marque le type d’autorité qu’on utilise.
Propos recueillis par François Jarraud