Quel accueil les enseignants font-ils aux nouvelles évaluations nationales du CP ? Après la publication sur un site académique d’une version quasi définitive des évaluations, plusieurs enseignants ont réagi à ces nouvelles évaluations imposées par le ministère. Pas toujours jugées utiles, elles suscitent des réaction variées. Le Snuipp demande un droit d’inventaire et d’adaptation pour les enseignants.
Selon le ministère, la version des évaluations nationales mise en ligne le 2 septembre sur un site académique, que le Café a diffusée, n’est pas la version définitive. Elle comporte encore quelques erreurs notamment dans l’encodage et la présentation. La version définitive devrait être disponible en début de semaine.
Des évaluations anxiogènes
Mais qu’en pensent les enseignants ? Catherine Da Silva, directrice de l’école Taos Amrouche de Saint-Denis (93), juge les évaluations « anxiogènes car complexes ». Elle craint que beaucoup d’élèves de cette école en Rep+ soient en échec. A Saint Denis, comme ailleurs, les enseignants n’avaient pas attendu ces évaluations. « L’année dernière on a fait passer des évaluations réalisées par les enseignants mais c’était au fil de l’eau avec des exercices aérés. Tout le contraire des batteries d’exercices de ces évaluations », nous dit-elle.
En français, « l’évaluation induit ce qu’on attend des enseignants : il n’y a que des exercices sur la grapho-phonologie. On attend de nous de la syllabique. L’exercice de passage de la cursive à l’attachée est difficile. Le vocabulaire utilisé est difficile (écureuil, igloo…) Il n’y a qu’un seul exercice de compréhension mais il est difficile à comprendre pour les petits. D’une façon générale ca va être la galère pour faire comprendre aux élèves ce qu’on attend d’eux ».
En maths là aussi il y a de problèmes de vocabulaire et de mise en page. « On va mettre en difficulté même les élèves qui savent ».
Quel impact sur la maternelle ?
Mais la plus grande crainte c’est que ces évaluations inspirent les professeurs de maternelle. « On était sorti des feuilles d’exercices dans les cahiers de vie. Il y a des chances qu’elles reviennent ».
Pour C Da Silva, ces nouvelles évaluations montrent que « l’on peut changer les habitudes des enseignants sans changer les programmes. L’évaluation va impacter leur façon de travailler et remettre en question le travail fait en maternelle ».
Savoir ce que savent les bons élèves
Directrice de l’école rue d’Oran, Véronique Bavière a un regard plus positif sur les évaluations. Pourtant là aussi les enseignants ont regretté les évaluations qu’ils avaient mises au point. « En français il n’y a pratiquement rien sur la compréhension, qui est pourtant un problème. Tout est axé sur le code. Globalement les évaluations vont permettre de savoir ce que savent les bons élèves. Ca évitera de ne pas leur faire refaire des choses qu’ils connaissent. Il faudra essayer de comprendre pourquoi les autres n’ont pas réussi ».
Pour elle, ces évaluations « de bon niveau », vont permettre « de voir de quoi les élèves sont capables » et éviter « de travailler en dessous du niveau des élèves ». V Bavière relève la difficulté à se repérer dans les exercices et leur longueur.
En français, l’évaluation devrait permettre d’éviter des malentendus sur certains mots que l’on pourrait penser acquis.
La mise en page était souvent relevée comme trop dense dans les réactions d’enseignants sur Twitter. « Chez nous ils vont répondre au pif », dit une enseignante.
A coté de la plaque en français
» Si une des fonctions de l’évaluation est d’être un outil permettant aux enseignants d’adapter les réponses pédagogiques pour aider les élèves à progresser, y compris en maternelle avec le carnet de suivi des apprentissages, la finalité des évaluations présentées ici est ambiguë. En quoi peuvent-elles aider les élèves et leurs enseignants ? Serviront-elles à classer les écoles ? « , interroge le Snuipp dans un communiqué.
« Placées durant le premier mois du cours préparatoire, ces évaluations risquent fort d’aboutir à un jugement hâtif sur les élèves et d’être fortement anxiogènes pour eux et leurs parents. De même elles risquent d’exercer une forte pression sur l’école maternelle », estime le syndicat.
Le Snuipp relève l’écart entre ces évaluations » centrées sur la correspondance entre la lettre et le son (la grapho-phonologie) » et le fait que les difficultés des élèves soient « dans les tâches les plus complexes, comme la compréhension des textes et leur interprétation ».
Un droit d’adaptation
« En proposant d’évaluer le déchiffrage et le repérage de lettres ou de syllabes, le ministère réduit la lecture au simple décodage et peut enfermer les enseignants dans des pratiques tournées vers cette seule approche, tournant le dos aux objectifs d’égalité devant l’entrée dans la culture écrite. De plus, le repérage des difficultés de certains élèves pour réussir l’apprentissage de la lecture n’est pas ce qui pose problème aux enseignants. Ce sont bien les solutions pour les surmonter qui manquent et sur ce point le ministère n’apporte aucune réponse ».
Le Snuipp demande au ministère « que les enseignants puissent adapter (ces évaluations) au contexte de la classe et s’en emparer s’ils le jugent utile. C’est la condition pour qu’elles deviennent ainsi un outil pour les enseignants de l’école au service des apprentissages ».
F Jarraud
Version quasi définitive