Le mouvement vient de loin..Le rapport Stranes en 2015, celui de Terra Nova en 2016, ont délégitimé le droit d’accès aux études supérieures, ce qu’achèvent de faire les très récents propos d’E. Macron dans Le Point. Surtout les premières informations recueillies sur les groupes de travail organisés dans le cadre de la consultation lancée le 31 août par la ministre de l’enseignement supérieur, montrent que l’on s’oriente bien vers une sélection à l’entrée en université. Les victimes sont déjà désignées les bacs professionnels en premier lieu, les bacs technologiques ensuite et même les « petits 10 » chez les bacheliers généraux. Alors que le nombre de jeunes qui veulent entrer dans le supérieur augmente, le gouvernement répond par la stabilité du nombre de places. La sélection est évidente.
La France à un tournant
La France va vivre un tournant radical cette année. La page longue de 30 années de démocratisation du bac et de l’accès au supérieur va être tournée. Pour des raisons essentiellement budgétaires, le gouvernement s’apprête à mettre en place une sélection à l’entrée dans le supérieur qui laissera les bacheliers professionnels et technologiques à la porte ou avec des formations ghettos. La dimension sociale de cette politique semble assumée pleinement.
De Stranes à Terra Nova
Ce mouvement vient de loin. Déjà en2015 le rapport Stranes, commandé par G Fioraso, souhaitait mettre fin au droit d’accès dans le supérieur. » La proposition 13 met fin aux bacs professionnel et technologique sésame vers le supérieur », écrivions nous. « Elle recommande de « permettre l’accès de droit aux Licences générales aux bacheliers titulaires d’un baccalauréat général. Dans les autres cas, un examen du dossier des bacheliers permettra d’apprécier leurs points forts et les compétences acquises et débouchera sur un avis favorable, réservé ou défavorable. Dans tous les cas, une place dans une des filières publiques de l’enseignement supérieur sera proposée à l’issue d’un conseil d’orientation post-secondaire, en proposant si nécessaire le passage par une passerelle et/ou un parcours adapté ». Présenté comme une gentille passerelle permettant d’adapter le supérieur au jeune bachelier, le « parcours adapté » pourra conduire tout simplement à un examen d’entrée dans le supérieur ». Pour les bacheliers professionnels, G Fioraso envisage de créer un diplôme spécial bac +2, le « brevet professionnel supérieur » ,passé en alternance. Devenu symbole de ce projet d’apartheid scolaire, le PBS sera finalement enterré par le gouvernement de F Hollande.
L’année suivante, Terra Nova, un think tank passé du PS à En Marche va un peu plus loin que le rapport Stranes en liant l’accès au supérieur à des pré requis. C’est là qu’apparait l’idée de lier l’accès au supérieur à la formation réussie dans le cadre du lycée évaluée dans un bac réduit à quelques épreuves. On arrive ainsi à bloquer l’entrée aux milliers de jeunes qui ne détiennent pas les fameux pré requis.
Les bacs pros et techno déjà sacrifiés
A vrai dire c’est déjà le cas. Selon le Snes, qui a dévoilé ces chiffres le 31 août, sur 968 jeunes sans affectation dans le supérieur dans l’académie de Versailles, 509 sont des bacheliers professionnels et 352 des bacheliers technologiques. Tous s’étaient inscrits dans une licence « verte » c’est à dire avec un accès garanti.
On sait que nationalement sur 115 000 bacheliers professionnels qui souhaitent poursuivre des études supérieures (sur 175 000), 37 000 seulement trouvent une place en BTS. Moins de la moitié trouve une place dans le supérieur, 14 000 finissant par s’inscrire en université avec une très faible chance de réussite. Les autres restent exclus du supérieur. Ils découvrent que la promesse républicaine qui leur a été faite de poursuivre des études supérieures après leur bac n’est pas respectée.
Un exemple de sélection projetée : les STAPS
Les premières indications sur la réforme de l’accès au supérieur lancée le 31 août par F Vidal donnent à penser que le gouvernement va poursuivre dans cette voie.
C’est du moins ce qui remonte des premières réunions des groupes de travail mis en place officiellement le 31 août mais qui ont commencé à travailler cet été.
Un bel exemple est donné pour l’accès à la filière STAPS , selon des informations données par le Snes. Composé d’universitaires, le groupe de travail qui traite ce dossier a établi une longue liste de pré requis qui seront nécessaires pour pouvoir s’inscrire en Staps. Certains seront « coercitifs » d’autres « incitatifs ».
L’accès en Staps serait réservé aux élèves de S ayant validé des disciplines scientifiques (pas même de « faux S »). Les étudiants devraient aussi avoir un fort niveau en français et avoir manifesté un engament en ayant été arbitre sportif, pompier volontaire ou avoir obtenu le BAFA. « Toute cette liste se rapproche du profil de l’étudiant idéal plus que de pré requis réalistes » , estime le Snes. Socialement, cette filière qui était demandée par des bacheliers des classes populaires devrait se refermer et être réservée aux enfants des « bonnes » familles.
Le problème des places dans le supérieur et principalement en BTS et IUT est la clé de tout le dossier ouvert par E Macron. N. Vallaud Belkacem avait promis la création de 10 000 places , ce qui était insuffisant. Le gouvernement actuel semble parti pour enterrer cette idée, et ces jeunes avec. Il apporte de mauvaises réponses à de fausses questions.
François Jarraud