La rentrée, c’est un instant fort en émotion pour tout enseignant qu’il soit expérimenté ou débutant !
Encore plus si on est débutant !
Instants attendus et redoutés,
Temps des premiers regards,
On se jauge, on se juge…
Qui sont-ils, qui sont-elles ?
Temps de tous les possibles,
Premier de l’an pour un enseignant !
En écrivant ces quelques mots évoquant pour moi la rentrée, je me demandais ce que je pourrais dire à un collègue démarrant sa carrière ! Quels seraient, selon moi, quelques-uns des principes de base – souvent de fausses évidences – pour bien réussir son entrée en scène ?
Alors comment réussir son entrée en classe?
Chacun sa méthode, sans doute… mais il y a tout aussi sûrement des erreurs à éviter !
Il est important de se présenter reposé et donc disponible pour les élèves ! Pour ça, anticipation, préparation et équilibre entre temps contraints et temps personnels sont les maîtres-mots! La journée de rentrée ne se prépare pas, si possible, la veille au soir ! À condition, bien sûr, de connaître son affectation avant le jour «J »!
Les élèves sont très sensibles au contrat pédagogique qui s’installera plus ou moins implicitement – plus c’est explicite et mieux ce sera – entre eux et leur enseignant !
Ils percevront de toute façon très vite, dans ce qui n’est pas dit, si ce nouveau maître sait où il va, s’il est précis, rigoureux, clair, ce qu’il accepte ou n’accepte pas, son degré d’exigence et sa capacité d’écoute et d’accueil de la parole !
Les premiers instants de l’année, de chaque journée ensuite sont importants, même si contrairement à ce qu’on entend ici ou là, tout ne se joue pas au premier regard. Mieux vaut tout de même installer dès le départ les conditions de l’accueil de la parole du maître !
Comme au restaurant, les élèves doivent connaître le menu de ce qui les attend ! Ils vont l’apprendre dans le discours du maître, mais aussi à son insu, dans la mise en œuvre au quotidien des principes énoncés! « Je dis ce que je fais, et je fais ce que je dis ! »
Rien ne sert d’exiger verbalement des cahiers propres si on laisse passer des cahiers mal tenus ! Mais peut-être faudra-t-il prendre le temps de donner des exemples de cahiers bien tenus pour que les élèves en aient une représentation claire, peut-être faudra-t-il passer du temps à enseigner – explicitement – à bien présenter son travail ! On ne peut pas exiger des élèves ce que l’on n’enseigne pas! L’autonomie s’acquiert progressivement, et on apprend ensemble à connaître et maîtriser la façon de présenter un travail à rendre au maître… Accepter de perdre du temps au début pour en gagner ensuite !
Donner aux élèves le sentiment que le maître sait ce qu’il veut, ça repose sur quelques bonnes vieilles recettes !
Ce qui est important, c’est de faire de cette transition entre couloir et classe un instant symbolique : en franchissant la porte de la classe, l’enfant doit prendre conscience qu’il laisse ses habits d’enfants à la patère pour devenir élève !
Personnellement, je fais toujours attention à adresser dans ces instants de transition (cour, couloir, montées d’escaliers, temps de regroupement devant la porte de classe) un mot à chacun de mes élèves ! Si l’on n’y prend garde, on peut passer une journée entière sans adresser un mot à certains d’entre eux, souvent les mêmes d’ailleurs ! Donner à chacun le sentiment d’exister aux yeux de l’adulte qui passera tant de temps avec eux, une condition de l’alliance ?
Tu m’intéresses, et au-delà… ta réussite m’importe !
La contrepartie pour que ça fonctionne ? Les élèves doivent savoir ce qu’ils ont à faire quand ils entrent en classe ! Le maître a réfléchi à ces instants de transition qui doivent être clairs, prévus, ritualisés !
Personnellement, je suis très sensible aux messages indirects envoyés par le maître :
sa façon de prendre en charge le groupe dans la cour, sa démarche – calme et assurée – sa façon d’entrer dans la classe, sa première prise de parole… autant de messages implicites que chacun livre avec ou sans conscience !
Rien de pire que d’entrer en donnant le sentiment de chercher son matériel… temps vide, temps libéré pour autre chose que l’accueil de la parole du maître ! C’est d’ailleurs vrai tout au long de la journée.
Rien de pire que de commencer à parler au groupe alors que les uns ou les autres sont encore occupés à faire autre chose !
Le message implicite : « On peut donc s’autoriser à ne pas écouter le maître ! »
Attendre que les élèves soient assis, yeux posés sur le maître et silencieux pour commencer à parler ! Cette règle – une fausse évidence pédagogique tant la crise de temps presse les enseignants et fait parfois oublier ces principes de base – sera valable toute l’année : le maître ne commence jamais à expliquer avant que chacun ne soit prêt à écouter, ne connaisse le menu de ce qui l’attend !
« Aujourd’hui, nous allons apprendre à… ! »
Entrer en relation avec chacun avant de commencer ! Regard échangé, signe discret, geste de connivence….
Les rituels d’entrée en classe et de transition sont nombreux et peuvent varier au long de l’année et en fonction des modèles pédagogiques retenus ! Il n’y a pas une seule façon de faire et ceux-ci sont sans doute variables d’un contexte d’enseignement à un autre.
On trouvera des exemples chez nos amis blogueurs ci-dessous.
Au-delà des contenus possibles, une première journée doit répondre aux mêmes principes pédagogiques de base que toute journée au cour de l’année.
« Rythme et Alternances » en sont les maîtres-mots !
Alternance entre temps collectifs et temps individuels, alternance entre les supports (oral et écrit, cahiers du jour ou d’essais, ardoises, tableau, …), alternance entre temps d’échanges et temps personnels, alternance entre temps d’appropriation et temps d’entraînement, alternance entre mouvement et immobilité (relative)…
J’observe que la première journée est parfois de ce point de vue déséquilibrée, souvent consacrée à la distribution de matériel, à la préparation des cahiers, à la lecture commentée du règlement, plus rarement à des évaluations qui peuvent d’emblée confronter certains à des difficultés …
Ne pourrait-on pas démarrer cette première journée par une séance permettant de créer le groupe, tant ce sentiment collectif d’appartenance influe sur le climat de classe qui va se développer? (Voir blog ci-dessous)
Reste l’angoisse de l’enseignant qui débute, submergé par la tâche, entre prise de contact avec l’école et la classe, la multitude des enseignements à planifier, organiser, élaborer…
Alors bien sûr, je pourrais vous proposer une liste non exhaustive de sites proposant des contenus attractifs – séances toute faites, outils, exercices, programmations – mais on les trouve facilement et, je ne pense pas que ce soit la meilleure façon de commencer son année… Une autre façon de se perdre !
Personnellement, je préfère vous renvoyer aux collègues de votre école, au directeur qui vous accueillera, aux manuels dont vous disposerez … Les uns vous donneront mille et un tuyaux, vous donneront les programmations d’école si elles existent, vous informeront des pratiques mutualisées, et les manuels et/ou outils vous permettront, dans un premier temps, d’assurer un enseignement structuré… Il sera bien assez tôt ensuite, de s’en libérer !
Grâce à nos nombreux collègues partageurs, le web est devenu un outil précieux pour tout enseignant … à la condition de savoir ce que l’on vient y chercher !
Quatre concepts universels
Quatre autres concepts me semblent enfin universels, et mériteraient sans doute un plus grand développement !
1/ La clarté pédagogique du maître qui repose sur la préparation des séances, et donc sur l’identification précise de ce que l’on veut enseigner ! Comment être clair si l’on ne sait soi même avec précision ce que l’on attend !
2/ Le besoin pour l’élève de faire l’expérience de la réussite ! Tout individu a besoin de sentir qu’il progresse, qu’il a des chances d’y arriver pour s’engager dans l’effort et le travail qu’imposent parfois les apprentissages!
3/Exigence et bienveillance, au-delà des polémiques récentes, stériles et partisanes de ces dernières années, restent pour moi des attitudes interdépendantes : « Je suis là pour exiger, ne rien lâcher, mais aussi pour t’aider à réussir ce que j’exige de toi ! »
Le maître exigeant et bienveillant sait à quel point ce parti-pris est contraignant pour lui : vigilance et disponibilité de tous les instants limiteront les temps passés assis au bureau ! Passer dans les rangs, regarder comment ils s’y prennent, intervenir, rappeler, comprendre l’erreur, … aider !
Si l’écriture du titre est demandée à cinq carreaux de la marge, alors le maître passe dans les rangs vérifier, observer, rappeler, pointer l’erreur, identifier ce qui, dans la réalisation, pose problème (le comptage des 5 carreaux ?) !
Pointer l’erreur, enseigner le savoir-faire… et rappeler l’exigence : demain, nous vérifierons que tu y arriveras !
4/ La mise en appétit
N’oublions à qui nous nous adressons ! Si travail, effort, ténacité sont nécessaires aux apprentissages, envie et plaisir sont aussi des moteurs puissants de la mise en œuvre de la pensée enfantine !
« Je sais des choses que j’ai envie de partager avec vous ! Je vais vous montrer que l’on peut éprouver du plaisir, que l’on va progresser, nous allons ensemble réaliser un projet qui va nous mobiliser… »
Conclusion
Vous l’avez compris, ces réflexions se situent au-delà des modèles pédagogiques dont se revendiquent les uns ou les autres, et évidemment au-delà des illustrations choisies ! Enseigner, c’est mettre en œuvre un savant dosage de toutes ces composantes.
Élixir du maître, effet maître … qui se travaille en conscientisant son attitude face aux élèves !
Mais attention, hein… Le propos n’est pas culpabilisant ! Tout ne repose pas sur le maître et enseigner est un métier qui s’apprend !
Bon, tout ceci n’est peut-être qu’évidences ! Bonne rentrée à tous !
Sylvain Obholtz
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