Comment par un projet annuel créer une dynamique et une communauté d’apprentissage ? En Savoie, tout au long de l’année scolaire 2016-2017, la classe de CM1/CM2 de Champagneux a « fait son cinéma ! » Enseignante depuis 6 ans à l’école élémentaire du Mont Tournier, Romance Cornet choisit chaque année un thème où « s’immergent » les élèves pour mener des activités pluridisciplinaires. Au menu de cette année : dispositif « Ecole et Cinéma », réalisation de films d’animation, spectacle déambulatoire, création d’un épisode de « Scènes de classe » à la manière de Pascal Jousse, participation au projet d’écriture collaborative AnimeHistoire, partages sur les réseaux sociaux. Eclairages…
Comment se concrétise cette immersion dans un projet annuel ?
Cela commence dès le premier jour d’école par la décoration de la classe pour mettre les élèves dans l’ambiance. Cette année, nous avons décidé avec mes collègues de faire un projet d’école autour du cinéma car nous avons toujours dans l’idée d’ouvrir culturellement nos élèves, habitant à la campagne. A l’origine de ce projet : la volonté d’un projet commun aux classes, mais aussi une envie de rendre nos élèves acteurs. Ainsi, chacune, dans sa classe, a élaboré ses programmations en y intégrant cette thématique.
Pour la partie collective, j’ai inscrit l’école au dispositif « Ecole et cinéma ». J’ai trouvé des compagnies proches géographiquement nous permettant de pratiquer : la compagnie Studio Patamm et la compagnie des Muettes Bavardes.
Pour le premier, chaque classe a réalisé un court film d’animation en utilisant les techniques de pixilation, découpage, dessin et pâte à modeler. Pour le second, en juin, un travail autour de l’album « Loulou » ou des Fables de La Fontaine a permis de réaliser un beau spectacle déambulatoire intégrant les notions d’amitié, de partage, de morale, de sentiments… Nous avons même intégré dans le spectacle nos travaux sur le cinéma pour réinvestir totalement.
Pouvez-vous nous donner des exemples d’activités pédagogiques menées lors de ce projet au long cours ?
Pour ma part, j’ai essayé de mettre les élèves en confrontation toute l’année avec le cinéma par nos rencontres-lectures avec des personnages réels (Mlle Alice qui inventa le cinéma, petit Charlie qui deviendra Charlot…), par la tenue d’un carnet de cinéma, la découverte de l’histoire du cinéma et de son évolution, des recherches documentaires, des réalisations plastiques en lien avec nos séances de cinéma…
Et, grâce à Hélène, une collègue d’une école voisine, j’ai découvert les Scènes de classe tournées dans sa classe par Pascal Jousse : dans ce projet, des élèves d’écoles primaires avec la complicité de leur professeur coécrivent avec un auteur et mettent en scène des perles ou des situations drôles liées à la vie de leur classe. J’ai tout de suite pris contact pour élaborer la suite de mon projet cinéma. Nous allions tourner ! Pascal Jousse a planifié sa venue de la semaine du 15 au 19 mai et tout au long de l’année, il a fallu préparer sa venue : comprendre l’idée des Scènes de classe (voir des exemples sur sa chaine youtube, aller au cinéma voir la projection spéciale de la classe d’Hélène) ; trouver des idées originales, les noter, les formuler ; envoyer nos idées à Pascal pour qu’il les valide ou pas ; penser aux décors, accessoires ; organiser la semaine de sa venue ; réaliser le casting, la répartition des rôles.
La semaine fut très dense puisque les élèves ont appris ce que Nicolas Boileau voulait dire par « Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage » ! Ce fut formidable et nous attendons avec impatience la diffusion sur la chaine youtube en juillet.
Par ailleurs, nous avons aussi participé à d’autres activités complémentaires telles que le projet AnimeHistoire. C’est la deuxième année que je participe avec ma classe à ce projet.
Pourriez-vous nous en dire plus sur « AnimeHistoire » : de quoi s’agit-il exactement ?
C’est un projet francophone qui lie la production écrite, les arts visuels et les outils numériques. Une fois la classe inscrite au projet, nous sommes intégrés à une équipe « Les Kangourous bleus » de 5 classes. Chaque classe écrit une partie de l’histoire et en illustre une autre, mais l’illustration n’est pas que du dessin… Il s’agit de faire de petits films qui seront incrustés au texte via Aurasma.
Dans la classe, j’ai choisi de travailler cette écriture collectivement : nous lisons la partie déjà écrite ; nous écrivons toutes les idées au TBI (soit en classe entière, soit en groupes) ; nous trions les propositions, les organisons ; nous rédigeons un texte structuré.
Une fois le chapitre fini, nous le déposons sur un document collaboratif et nous nous attaquons la partie la plus lourde : la création des films (1 film par groupe). Les étapes sont les suivantes : mise en groupe et réalisation du storyboard du film (quelle technique ? combien de photos ? quels outils ? quels matériaux ?) ; mise en œuvre et répartition des outils (pâte à modeler, legos, playmobil, les élèves eux-mêmes, fabrication des décors, accessoires…) ; montage des films (imovie, animation en volume, windows movie maker) ; ajout du texte (enregistreur, micro, directement avec l’application) ; mise en ligne sur la chaine youtube de la classe, puis mise en page pour la réalité augmentée avec Aurasma ; envoi du travail au chef d’équipe qui transmet aux organisatrices pour synthèse.
Quelles compétences avez-vous plus particulièrement travaillées ?
Les compétences travaillées durant toute l’année sont multiples puisqu’il y a des compétences relevant du domaine du langage oral, écrit, des arts visuels, du numérique, de l’EMC… C’est vraiment un projet global qui permet de valider de nombreuses compétences aussi bien de savoir-faire que de savoir-être puisque la notion de travail en groupe est souvent présente.
De plus, faire venir des artistes en classe permet aux élèves d’être confrontés à des professionnels et non pas seulement à leur maitresse. Ils apprennent aussi à connaitre des métiers, à s’ouvrir à la culture tout en pratiquant eux-mêmes !
Vous nous dites avoir publié sur Youtube. Pourquoi avoir choisi de publier sur un réseau social le travail de vos élèves ? Quelle plus-value y avez-vous trouvée ? Avez-vous pris des précautions particulières ?
La question de la publication est très importante pour moi, car elle met en valeur le travail fourni par les élèves au quotidien et permet de communiquer avec d’autres. Un gros travail est fait tout au long de l’année sur l’éducation aux médias, sur les règles d’internet, les usages du numérique dans la classe.
J’ai choisi de travailler avec les réseaux sociaux car de nombreux élèves dans ma classe sont en possession de tablettes, téléphones, comptes Facebook, snapchat ou autres. Leurs parents et eux n’ont pas toujours les clés de l’impact de ces usages, aussi j’ai choisi d’en montrer une utilisation raisonnée et pédagogique strictement encadrée et très détaillée aux parents dès le début de l’année.
Nous élaborons chaque année une charte pour la twittclasse, je demande des autorisations pour chaque activité en lien avec une publication et je fais très attention à ce que les publications soient celles que j’autorise. Mais je fais confiance aux élèves, car ils respectent les règles établies. Je fais intervenir la gendarmerie pour le permis internet, nous parlons régulièrement des risques mais aussi des possibilités offertes. Sur notre ENT Beneyluschool, je leur mets souvent des liens vers des sites intéressants, des jeux pour qu’ils puissent s’en saisir personnellement.
Les réseaux sociaux offrent une possibilité accrue d’élaborer des projets entre classes du monde entier, de communiquer, poser des questions aux classes mais aussi aux professionnels. Cela n’empêche en rien la correspondance traditionnelle (papier à lettres ou cartes postales), mais c’est un complément formidable pour rencontrer des gens très éloignés.
Pour la question de Youtube, j’ai expliqué aux parents que nous y publierons nos travaux mais que j’avertirai les parents pour chaque publication dans laquelle on verrait leur enfant. Ainsi, je sais à chaque fois qui a le droit ou pas d’être vu : je ne filme pas l’enfant, je floute. Par contre, pour le projet des Scènes de classe, les productions sont strictement encadrées et ne seront diffusées que sur la chaine youtube du réalisateur sans copie possible.
Finalement, les élèves aiment beaucoup le mélange fait dans la classe, car le numérique apporte une plus-value, une valorisation rapide et étendue. Mais ce n’est pas le numérique en tant que tel qui fait des miracles… c’est l’intégration dans le quotidien avec des objectifs particuliers. Ma classe étant déjà une classe coopérative avec des projets, le numérique a juste apporté une richesse en plus.
Propos recueillis par Delphine Barbirati
La chaine youtube de la classe
Les Scènes de classe tournées dans sa classe par Pascal Jousse