SVT et YouTube : Regards croisés de Tania Louis et Mélanie Fenaert
Comment le temps long de l’apprentissage peut-il rejoindre l’instantané de YouTube ? Quelles sont les vidéos les plus fiables pour réviser les sciences ? Tania Louis, docteure en biologie, médiatrice scientifique et vidéaste sur YouTube réalise avec Mélanie Fenaert, enseignante de SVT au lycée Blaise Pascal d’Orsay (91) une vidéo pour réviser la génétique en terminale S. La production finale explique en 8 min la méiose et les brassages génétiques. Mises en relation via Twitter, ces passionnées de biologie décryptent pour le Café pédagogique les usages pédagogiques et raisonnés possibles via You Tube.
Que trouve-t-on sur vos chaînes You Tube ?
Tania Louis : Ma chaîne rassemble des productions de vulgarisation scientifique en biologie. On y trouve les différents formats des vidéos de Biologie Tout Compris (épisodes présentant un phénomène biologique, sessions de réponses à des questions posées par les spectateurs et développements plus approfondis de thématiques spécifiques dans les « Focus ») mais aussi des conférences ou autres extraits d’événements auxquels j’ai participé. Il y a également quelques captations d’échanges sur des problématiques liées à la vulgarisation sur YouTube. Le tout est organisé en playlists pour que le public puisse se repérer.
Mélanie Fenaert : On trouve sur ma chaîne des vidéos de différents types et différents usages : des capsules de notions et méthodes en SVT, des playlists regroupant ces capsules et celles d’autres collègues qui font un travail formidable comme Claire Lambert ou SVT Guilleray ; des vidéos créées par des élèves suite à des activités en classe et des vidéos de type « Mission », exploitées en classe dans le cadre du jeu sérieux numérique Survive On Mars.
Avez-vous des retours d’étudiants ou d’enseignants ? Quelles sont les questions les plus posées en SVT sur YouTube ?
TL : J’ai parfois des retours d’étudiants (plutôt de niveau universitaire) qui me signalent qu’ils apprécient de voir des sujets étudiés en cours traités sous un nouvel angle et qu’ils ont appris quelque chose quand même. J’ai plus souvent eu des retours d’enseignants (niveau lycée) me demandant l’autorisation d’utiliser certaines de mes vidéos comme supports pédagogiques en classe, ce à quoi je réponds toujours oui !
Je n’ai pas l’impression de voir revenir des questions sur des domaines particuliers, en général elles portent uniquement sur le sujet de la vidéo concernée.
MF : Les commentaires sont généralement des messages positifs et de remerciement. Certains posent des questions, surtout à l’approche des épreuves du Bac, sur les notions de Terminale S ou sur la méthode du commentaire rédigé en 1ères ES et L. Les questions les plus fréquentes portent sur les notions un peu difficiles, comme les brassages génétiques, la radiochronologie en Terminale S ou les failles transformantes en 1ère S. Je n’ai pas de commentaires d’enseignants, mais j’en rencontre parfois dans le cadre de formations, qui me disent les utiliser, ce qui est bien agréable.
Quel regard portez-vous sur les vidéos produites par des enseignants pour leurs élèves ?
TL : Ayant moi-même enseigné pendant trois ans en premier cycle universitaire pendant ma thèse, je me sens encore assez proche du milieu enseignant et je m’interroge beaucoup sur la portée pédagogique des outils que j’utilise pour faire de la vulgarisation, dont la vidéo.
Je trouve intéressant de voir que de plus en plus d’enseignants créent des vidéos conçues comme des supports d’apprentissage et/ou de révision. Il y a un public pour ça et la diversité des durées, des tons et des dynamiques de montage fait que le développement croissant de l’offre permettra bientôt à chaque étudiant de trouver un format qui lui convient.
Mais je suis surtout fascinée par les initiatives originales qui émergent et permettent d’utiliser la vidéo sous des angles nouveaux ; par exemple, en impliquant les élèves dans la réalisation de leurs propres supports numériques pour restituer des connaissances.
En quoi avez-vous collaboré avec Tania Louis vidéaste bien connue en biologie ?
MF : Tout est parti d’une réflexion de Tania sur Twitter à propos de son activité de youtubeuse, phrases qui sont entrées en collision dans mon cerveau avec différents articles que j’avais lus sur les sites académiques de Créteil : YouTubers et SVT et de Paris : YouTube et les YouTubeurs. Le format m’intéressait pour son côté accrocheur pour les élèves, sans pour autant que j’aie envie d’en réaliser moi-même. Tania fait des vidéos dans ce format, avec une diction et un contenu très rigoureux, l’association de nos compétences pouvait donner quelque chose d’intéressant, à la fois adapté au programme et attirant dans la forme. Nous avons donc pris contact. Concrètement, elle a sélectionné des points du programme de TS qui lui plaisaient, j’ai fourni mes supports de cours afin qu’elle repère l’approche pédagogique, elle a conçu le script que nous avons ensuite corrigé et amélioré ensemble. Elle a réalisé le tournage face caméra, m’a envoyé les rushs, dans lesquels j’ai opéré une sélection pour monter la vidéo, et sur laquelle j’ai ensuite ajouté des images et créé des animations. Son regard critique m’a été très utile pour apprendre les subtilités du montage « à la youtubeur », notamment sur le rythme et les transitions.
Faites-vous des différences entre des capsules de profs et des vidéos de youtubeurs professionnels ?
TL : Avant toute chose, j’aimerais rappeler que « youtubeur » (ou vidéaste, terme qui me semble plus approprié car non rattaché à une plateforme) n’est pas un métier. J’ai réalisé une étude sur la situation professionnelle des vidéastes vulgarisateurs l’an dernier et moins de 5% considèrent leurs vidéos comme leur source principale de revenus. Il y a donc très peu de vidéastes professionnels (au sens financier du terme) parmi les vidéastes vulgarisateurs francophones, ce qui n’enlève rien à la qualité du travail fourni !
Cela étant dit, oui, je fais des différences entre les capsules de profs et les vidéos de vulgarisateurs, professionnels ou non. C’est d’ailleurs pour cela que je suis très sceptique face aux articles qui, régulièrement et surtout en période d’examen, conseillent des chaînes YouTube de vulgarisateurs comme supports de révision. Les enseignants travaillent dans le cadre d’un programme dont ils connaissent l’étendue et sont capables de poser les limites. En général leurs capsules sont de vrais supports d’apprentissage, liés à ce programme, qui le traitent de façon claire et exhaustive. De leur côté, les vidéastes font un travail de vulgarisation plus ou moins poussé. Certains cherchent à éveiller la curiosité plus qu’à transmettre du contenu (ce qui est intéressant en soi), d’autres ont comme objectif de faire passer des connaissances à un public non spécialiste, mais dans tous les cas chaque vidéaste définit les limites du contenu qu’il veut transmettre. Et sauf exceptions rarissimes, elles ne coïncident pas avec les programmes scolaires.
Par ailleurs, la vulgarisation sur YouTube comme ailleurs a une particularité qui à mon avis mériterait d’être plus souvent intégrée par les enseignants. Le public n’étant pas captif, le vulgarisateur doit en permanence l’intéresser à son sujet ! Cela demande une vraie réflexion sur la façon d’aborder les choses et est à mon avis enrichissant sur le plan pédagogique pour favoriser l’attention en classe et faciliter la mémorisation. Je n’ai pas vulgarisé la structure de l’ADN comme je l’enseignais à l’université… Et si j’enseignais encore, j’adapterais mon cours sans hésiter.
En ce sens, je pense que des vidéos de vulgarisation peuvent constituer de très bons éléments d’introduction de cours tout en permettant d’exercer l’esprit critique des élèves, ce qui est toujours bienvenu. Je conseille de parcourir le site du Café des sciences, qui regroupe du contenu scientifique vulgarisé sous forme de vidéos ou d’articles de blogs, et qui est équipé d’un moteur de recherche.
MF : Le style « Youtubeur » est très reconnaissable par le narrateur face caméra, le débit rapide voire très rapide du texte et des images… le contenu est très variable, certains sont très pointus scientifiquement (Dirty Biology parmi les plus connus, mais on peut citer aussi Passé sauvage, sans oublier Biologie Tout Compris bien sûr). Il y a parfois un côté racoleur dans le titre, ou dans certains contenus ou exemples. Tous ces points génèrent de l’attirance pour ce format chez les ados et les adultes aussi, mais sont généralement assez peu compatibles avec les apprentissages, qui nécessitent un temps plus long, et une ré-exploitation des notions dans un autre contexte. De plus, tout n’est pas nécessairement adapté au programme et au niveau des élèves. Par contre, si un professeur prend le temps de sélectionner les bonnes vidéos, en illustration de notions déjà vues par exemple, cela peut être une bonne manière de revoir ou approfondir ces notions, le fun en plus.
Chez les professeurs, il existe aujourd’hui une grande diversité de chaînes sur YouTube, Dailymotion, ou sur les scolawebtv académiques, pour tous les niveaux et toutes les matières du primaire au supérieur. Les formats de capsule sont très variés dans leur durée (de 1 à 30 minutes, voire plus) généralement croissante avec l’augmentation de l’âge des élèves ; le rythme est plus lent, plus adapté à l’appropriation du contenu. Elles sont réalisées avec des diaporamas filmés, avec des logiciels d’animation, avec des avatars, avec des Prezi… mais rarement avec le visage du professeur. Citons une exception, l’excellente chaîne Bio Logique, à destination d’étudiants en biologie, donc post-bac. Toujours est-il que les profs n’aiment pas vraiment se mettre en scène, moi incluse. La voix suffit à faire passer le contenu, si la scénarisation et les illustrations sont dynamiques.
Quels usages font vos lycéens des vidéos disponibles en ligne ?
MF : Mes premières vidéos, et une bonne partie de celles sur ma chaîne, ont été conçues pour travailler en classe inversée, au lycée. Ce sont des vidéos de 4 à 8 minutes en moyenne sur une notion ou un point de méthode en SVT, destinées à être visionnées par les élèves avant une séance ; cela les prépare aux activités qui vont y être réalisées, dégage du temps pour aller plus loin et favoriser le travail collaboratif et créatif. D’autres vidéos sont plutôt à voir en classe, comme les « Missions » Survive On Mars qui déclenchent une séquence ludifiée de type tâche complexe. Pour les Terminales S, j’utilise souvent les vidéos des niveaux précédents pour les rappels, et d’autres conçues pour être vues avant la classe ou après, en révision. Ce sont ces dernières qui sont les plus vues, notamment par des élèves des pays francophones.
Pensez-vous reconduire l’expérience ? Sur quels thèmes ?
TL : On a décidé d’attendre que l’épreuve de SVT au bac S soit passée pour faire le point sur la réception de la vidéo et sur nos envies personnelles… et réfléchir à la façon dont on renouvellera ou non l’expérience.
Personnellement j’ai envie de produire des supports pédagogiques depuis que j’ai commencé à faire des vidéos mais je n’avais pas eu le courage de me plonger dans les détails des programmes scolaires. J’ai trouvé ça vraiment enrichissant de collaborer avec une enseignante pour mieux cibler le contenu du script. Et c’était aussi très confortable de ne pas avoir à gérer seule tous les aspects techniques, qui ne sont clairement pas ce qui m’intéresse le plus !
MF : Nous allons dresser dans quelques jours un bilan des retours sur cette première vidéo, et peut-être nous lancerons-nous sur des vidéos de ce format sur des notions de biologie, qui est le domaine de compétences de Tania. Créer de nouveaux supports pour mes élèves et d’autres partout dans le monde est un challenge très stimulant (et moi j’adore l’aspect technique du montage vidéo, même si cette capsule a été ma plus complexe à monter jusqu’à présent). Si jamais un Youtubeur passionné de géologie est tenté par l’expérience, ce serait aussi avec grand plaisir !
Entretien par Julien Cabioch
La vidéo « Méiose et brassages génétique »
Chaîne YouTube de Mélanie Fenaert
Dans le Café
Un jeu sérieux pour explorer la planète Mars
FEI16 : Un MOOC pour le bac de sciences
Science in school : Faites les sciences autrement !
Attention il sera question de caca dans cet article… Amoureux des sciences, vous êtes servis ! Le nouveau numéro de Science in school, la revue pédagogique des sciences soutenue par l’Union européenne, est une véritable mine d’or de pratiques pédagogiques pour faire entrer les sciences dans la salle de classe de façon attractive et scientifique. Toutes les sciences sont invitées dans ce numéro et souvent de façon particulièrement efficace.
La science de terrain, ça marche
Les enquêtes de terrain ont un effet bénéfique sur l’enseignement des sciences, affirme un doctorant québécois de l’Université du Québec à Montréal. Selon une étude réalisée par Jean-Philippe Ayotte-Beaudet auprès d’élèves du collège, les sorties scientifiques sur le terrain peuvent susciter l’intérêt des élèves, un effet mesuré auprès de 2000 collégiens.
SVT : Travail numérique ou manipulation ?
Apprend-on mieux dans un environnement ludique et numérique ? » Vous êtes un coach sportif à la salle de sport la plus grande de Cergy, et vous faites passer à vos nouveaux abonnés des tests physiques pendant la première séance, afin d’évaluer leur niveau physique. Après l’un de vos tests, vous prenez la tension artérielle à l’un de vos clients, qui vous demande comment ses valeurs de pression artérielle reviennent à une valeur normale après avoir fait un effort prolongé. Afin de lui répondre, vous réaliserez un diaporama que vous lui présenterez à sa prochaine visite ». Conçu avec la plateforme ELEA, dans l’académie de Versailles, cette séquence de seconde de Marie Sophie Delannoy veut » tester un dispositif gamifié en classe de Seconde autour de l’étude de la boucle de régulation de la pression artérielle, tout en mettant l’accent sur l’acquisition d’une autonomie en classe ».
Sciences : La science en question
Le site Internet de l’Union des Professeurs de Physiologie, Biochimie et Microbiologie (UPBM), propose plusieurs ressources en ligne accessibles à tous sans inscription préalable. C’ets le cas du fascicule téléchargeable « La Science en Question ». Il s’agit d’un « collector » reprenant les 47 rubriques qui ont été publiées de 2005 jusqu’à 2016 dans la revue « L’Opéron » publiée par l’UPBM. Ces rubriques permettent de découvrir des chercheurs célèbres qui ont contribué à l’histoire des sciences et de la biologie médicale : Jean Dausset, François Jacob, Jacques Monod, Louis Pasteur, etc. Chaque rubrique est assortie d’un petit jeu.
Turquie : La théorie de l’évolution ne sera plus enseignée.
Présentée comme « controversée » et « trop compliquée » par le ministre turc de l’éducation, la théorie de l’évolution ne sera plus enseignée en Turquie. Le chapitre de 3ème qui la présentait sera retiré des programmes a annoncé le 23 juin le ministre turc, A. Durmus, selon le Guardian. Le ministre a aussi annoncé une diminution du temps consacré à l’étude d’Ataturk, le fondateur de la laïcité en Turquie et une augmentation des heures consacrées à l’étude de la religion.
Un « abécédaire citoyen » pour partager les sciences
« La démocratie ne fonctionne que sur la base d’une décision éclairée que permet l’éducation ». Or les états actuels doivent prendre des décisions sur les choix scientifiques et technologiques. Il est donc impératif que les citoyens soient éclairés sur les débats scientifiques. Et c’est ce à quoi prétend ce petit « abécédaire citoyen des sciences » publié par Le Pommier. En quelques pages il apporte des synthèses claires sur les enjeux des débats scientifiques actuels comme le changement climatique, la procréation ou encore l’évolution. Tous thèmes qui renvoient aux programmes et aux débats de la salle de classe…
La Hulotte toujours aussi chouette…
C’est la chouette chevêche qui est la star du numéro 105 de La Hulotte, la sympathique revue destinée aux amoureux de la nature. Pourquoi la chevêche fait-elle du jogging dans les prairies ? A t-elle vraiment des yeux dans le dos ? Pourquoi cet air toujours grognon avec ces grands yeux jaunes et ses sourcils froncés ? La Hulotte fait découvrir un animal à la fois commun et l’oiseau préféré d’Athéna…
Des sciences pas bêtes
Pourquoi le ciel est-il bleu ? Comment naît un volcan ? Pourquoi les dinosaures ont disparu ? Que contient la bosse du dromadaire ? D’où vient le vent ? Où partent les cigognes ? Que celui qui a toujours su répondre à ces questions d’enfants lève la main ! Pour les autres, il y a le livre de Bertrand Fichou, Marc Beynié et Pascal Lemaître. Tous trois savent aborder ces questions scientifiques avec simplicité et clarté dans un livre destiné aussi bien aux parents qu’aux enfants. Voilà 47 questions réunies dans un bel ouvrage et autant d’occasions de lectures en commun pour se forger une culture scientifique.