« On a appris à coopérer ». Depuis le petit village de Pontiacq-Vieillepinte, dans les Pyrénées Atlantiques, et la classe de Laëtitia Vautrin, c’est tout un réseau d’une vingtaine d’enseignants des cycles 1 et 2 qui s’est déployé au service de la poésie. Avec Twittter, les enseignants ont ouvert une école de printemps de la poésie qui a fait s’exprimer et échanger des enfants très jeunes dans un esprit de création et de coopération. Le numérique c’est aussi poétique…
De Portland aux Pyrénées atlantiques
Au démarrage de l’opération trois jeunes enseignants, Laëtitia Vautrin, Antonia Carriquiry et Laurent Vergracht, tous membres de la « Superteam CP », et tous impatients de création et d’expression. « J’avais envie de mettre en place un projet d’écriture collective », nous dit Laëtitia. « On s’y est mis à trois ».
De Portland (USA) aux Pyrénées atlantiques en passant par la Martinique, une vingtaine d’enseignants les rejoint dans le projet Twittenrimes.
Développer sa sensibilité
« On a écrit en binomes », explique Laëtitia. Les classes construisent deux par deux des poèmes, phrase après phrase, chaque classe devant poursuivre le poème commencé par son correspondant. C’est Twittter, et sa contrainte des 140 caractères, qui sert d’outil d’échange.
« En classe les enseignants se sont organisés de diverses façons. Soit les groupes d’élève se succèdent ,soit chaque groupe propose un texte qui est soumis au vote ».
« Les enfants ont appris ce qu’est une poésie. On a fait tout un travail sur le champ lexical retenu, la nature. Des problèmes de grammaire et d’orthographe sont apparus. Il a fallu les résoudre », explique Laëtitia. Chaque poème est accompagné de dessins ou de vidéos.
Mais le principal apport est ailleurs. « Il faut accepter le vers que l’autre classe propose et laisser son imagination et sa sensibilité s’exprimer ». Des compétences sociales que l’Ecole a intérêt à développer davantage.
» Ce projet a véritablement été très riche, tant pour moi que pour mes élèves », explique Laurent Vergracht. « Pour mes élèves, ils ont d’abord découvert la poésie comme texte en rimes. Mais leur discours est resté très descriptif. Cela ne rendait pas comme les poésies qu’ils ont pu découvrir en amont. Nous avons donc travaillé sur le langage poétique : le vocabulaire, les images. Cela a été complexe, tous n’ont sûrement pas saisi ce qu’était la poésie. Mais pour certains, cela leur a permis de se dépasser. Et leurs idées, leurs productions nous ont épatés par leur inventivité. »
» Dans un premier temps, on a pris plaisir à faire connaissance avec notre classe binôme et nous avons ré-utilisé les acquis de notre, recherche en janvier-février qui amenait à utiliser les outils pour se repérer dans l’espace. On a trouvé leur adresse et on leur a rendu visite par Google Earth interposé », explique Laurence Le Mercier. « Avec la classe partenaire, nous avons choisi 2 formes de poésies autour du thème de la nature: la 1ère sous forme d’acrostiche aura beaucoup plu aux enfants parce qu’il y avait un réel travail de collaboration et de création collective. Chaque classe devait écrire une partie et c’était un réel plaisir pour les enfants de trouver la suite de la poésie sur leur ligne Twitter. Ce que mes CP préfère, c’est aussi le challenge des 140 caractères. Une fois les idées formées et écrites sur papier, ils attendaient avec impatience de voir si tout « rentrait » en 140! Et lorsqu’on dépassait, les idées fusaient pour changer les mots ici ou là tout en restant dans le caractère poétique du projet. Un vrai plaisir ces moments qui, encore plus que le produit final, représentent un vrai travail de lecture et d’écriture. Le bouquet final aura été de décider comment « illustrer » la poésie. Comme nous sommes en plein projets d’animations de Contes du Pourquoi que nous avons inventé, notre écran vert nous semblait parfait et, ce qui est incroyable, c’est qu’en 15 minutes on avait tout bouclé! Pas une seule répétition. On avait tellement joué à dire la poésie au fur et à mesure qu’elle se construisait, que tout le monde la connaissait ».
Coopérer entre enseignants
Voilà pour les élèves. Les enseignants « ont beaucoup appris de leurs collègues », assure Laëtitia. « On se montre comment on s’organise, comment on aménage la salle. Tout cela remet en question sa propre routine. On se pose des questions nouvelles. On se sent aussi moins seule face aux difficultés des élèves ».
La vieille pratique de la correspondance scolaire prend un nouveau rythme avec le numérique. Ce n’est sans doute pas par hasard si c’est la poésie qui est la première convoquée sur Twitter. C’est presque comme si l’outil avait été créé pour ces échanges entre classes.
Pour les enseignants comme pour les élèves, le numérique est au service de l’imagination, de la sensibilité et de la création collective. Une belle expérience qui redémarre à la rentrée.
François Jarraud