Comment aborder le codage en 6ème sans ordinateur ? Comment mettre en place un projet pluridisciplinaire avec Scratch ? Loïc Rouault, enseignant de technologie au collège Sainte Croix de Châteaugiron (35) et formateur numérique revient sur les nouveaux programmes de technologie au collège. Loïc Rouault nous livre son approche du codage avec ses élèves. « L’idée est de rendre l’élève actif et partie prenante de projets où la plus-value pédagogique est importante ». Après 30 ans de carrière, l’enseignant revient aussi sur la dématérialisation continue de l’enseignement de la technologie.
Quels ateliers avez-vous mis en place pour appréhender le codage au collège ? Comment se déroulent les séances ?
La première séance pour appréhender le codage en classe de sixième est l’une des premières fois où les élèves n’allument pas leur ordinateur ce qui ne manque pas de les étonner ! Pour les faire appréhender ces notions abstraites de langage, instructions, programme et algorithme, je pars de la situation suivante : « votre bras et votre main en forme de pince va imiter un robot qui positionne des gobelets. Comme pour un système automatisé vous allez utiliser un langage pour programmer votre robot… ». Après un exercice dirigé pour maitriser ce langage « flèches » de déplacement comprenant au total six instructions, les élèves par îlot créent leurs propres figures, écrivent les programmes correspondants et soumettent leur construction à leurs camarades d’îlot. Ils « jouent » à l’enseignant/élèves… Evidemment il y a du bruit, mais les élèves sont actifs, cherchent et proposent. Ils demandent à l’enseignant de venir arbitrer lorsqu’il y a doute sur un programme !
En quatrième, j’ai proposé aux élèves de créer une animation représentant un système automatisé avec Scratch. Cette année, j’ai limité à des éclairages ou à des volets. Et très vite on mesure le côté transdisciplinaire de ce projet : des compétences en mathématiques pour les déplacements et trajectoires, nécessité de distribuer une grille repère orthonormé aux élèves et de l’intérêt de lire les coordonnés d’un point…. L’animation sur la fenêtre Scratch permet à l’élève de s’évaluer visuellement et de se corriger sans que l’enseignant intervienne. Des compétences en SVT car se pose le problème de la représentation des déplacements du soleil et de la lune. J’ai constaté qu’une moitié de la classe représentait le déplacement de gauche à droite et pour l’autre moitié de droite à gauche… Et ils avaient aussi des droits à attribuer à leur production (droits d’auteur ou sous licence CreativeCommons). Dans le cadre de ce projet, la programmation n’est pas un but mais un moyen de production d’une simulation d’un système automatisé.
D’où vient cette approche ? Quels avantage voyez-vous à utiliser cette méthode ?
J’ai participé à des ateliers d’une association « Les voyageurs du code », le premier (déconnecté) est basé sur la manipulation de gobelets et représente bien un certain nombre d’activités automatisées. Il permet une approche des concepts de langage, d’instruction, de programme et d’algorithme en détachant ces notions de l’ordinateur.
La même association proposait des ateliers de découverte sur Scratch, utilisation d’une makey makey avec beaucoup de liberté d’imagination, de création… Les avantages de ces approches sont de rendre l’élève actif, partie prenante de projets et la plus-value pédagogique est importante. J’ajoute que nous étions une douzaine d’adultes pour deux animateurs !
D’une façon plus générale, quelle est la place réservée à la technologie au collège dans les nouveaux programmes ? En quoi ces programmes permettent-ils de nouvelles approches ?
Pour les aspects positifs de la réforme des programmes, ils permettent de travailler sur l’impact du numérique sur notre société : de la résolution automatisée de problèmes, ce qu’est un robot et ce qu’il peut faire avec ou sans l’homme, la réalité augmentée, les questions éthiques et écologiques… La technologie s’adapte aux évolutions rapides de notre société et prépare les jeunes aux enjeux à venir.
Pour les conditions matérielles, après trente ans de carrière en tant que professeur de technologie, force est de constater que de groupes à 18 élèves, on est passé à la classe entière jusqu’à 29 élèves, et que les horaires s’érodent. Ce qui pose des difficultés de disponibilité de l’enseignant pour accompagner nos élèves sur des parcours ou des projets personnalisés. D’autre part, l’évolution des programmes donnant une grande place à la conception, l’abstraction pose des difficultés à certains élèves qui ont besoin davantage de concret, de manipuler, de travailler la matière.
Vous êtes également formateur numérique au niveau départemental. Comment les demandes de formation ont-elles évolué ? Quels sont désormais les besoins des enseignants ?
Les contenus des animations s’orientent clairement vers les pédagogies collaboratives. Divers outils permettent des usages collaboratifs pour des productions collectives, qui mobilisent et responsabilisent les élèves. Les échanges entre collégiens favorisent la réflexion et l’autonomie et transforment petit à petit le métier d’enseignant de « transmetteur » à « accompagnateur ». De manière plus générale, les outils numériques peuvent favoriser la mise en activité des élèves.
Des ponts sont désormais plus faciles avec les mathématiques : nouveau brevet, codage, EPI… Que suggérez-vous aux enseignants lors des formations ?
Après une phase de prise en main de Scratch dirigée par l’enseignant, rapidement l’élève doit pouvoir expérimenter, tester en autonomie ses solutions. Il se trouve confronter à ses erreurs et par de nouveaux essais, il arrivera à un résultat. Lors de la mise en commun, on examinera différents scripts permettant de résoudre le problème et on partagera les améliorations. L’avantage est que l’élève ne subisse pas une attente pour une correction. Il a un feed-back permanent sur son travail.
Un mot sur votre site internet skell.fr … Que trouve-t-on sur ce site ? Pour quels usages ?
Skell est un site personnel conçu pour mes élèves, il s’agit d’accéder de la manière la plus simple possible (sans mot de passe) à une documentation, diaporama, quiz aussi bien au collège qu’à la maison.
En classe, grâce à cet outil, les élèves (quel que soit l’organisation : individuel, binôme ou en îlot) les élèves avancent à leur vitesse ; les plus rapides pouvant aller conseiller leurs camarades ou voir des activités d’approfondissement
Entretien par Julien Cabioch
Dans le Café