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Première rencontre frontale du nouveau ministre et des acteurs de l’Ecole, la réunion du Conseil supérieur de l’éducation du 8 juin doit étudier en urgence les premiers éléments de la contre réforme de JM Blanquer. Deux sujets principaux au programme : les « expérimentations » annulant la semaine de 4 jours et demi au primaire et les textes revenant sur la réforme du collège. L’avantage va au ministre dont les initiatives fragmentent les syndicats, fortement divisés sur ces deux questions.

Le retour de la semaine de 4 jours

Le ministre présente le 8 juin un projet de décret qui prévoit d’expérimenter le retour aux 4 jours de classe par semaine au primaire. Le nouveau texte autorise la semaine de 4 jours de classe avec un maximum de 6 heures de classe par jour, sans augmentation du temps scolaire sur l’année ou la semaine. Le texte prévoit que la demande soit déposée par la commune et un ou plusieurs conseils d’école. Le Dasen pourra appliquer à toutes les écoles d’une commune ces nouveaux rythmes s’ils sont adoptés par la majorité des conseils d’école.

« Là ou la communauté éducative et la commune sont satisfaites de la situation actuelle, je ne changerai rien », a expliqué JM Blanquer le 3 juin. « On ne reviendra pas à la semaine de 4 jours pour l’ensemble de la France… Mais dans les endroits où il y a l’insatisfaction des parents, où les enfants sont fatigués » la semaine de 4 jours sera mise en place.

« La certitude c’est qu’on doit mieux étaler le temps. Il ne faut pas seulement examiner le temps hebdomadaire des élèves mais le calendrier scolaire annuel.. Il y a 10 ans, le plus innovant c’était 4 jours avec début de l’année vers le 20 août. La discussion permettra la formule la plus adaptée ». JM Blanquer entend aussi plus tard rouvrir la question de la réduction des congés d’été, un serpent de mer qui ressort à chaque alternance.

Des syndicats divisés

Sur ce texte, les syndicats sont divisés. Le Sgen Cfdt a dénoncé ce projet. « Le texte proposé revient à faire demi-tour. Il ouvre la boîte de Pandore des demandes contraires à l’intérêt de l’enfant.. L’École s’engagerait ainsi vers une reconcentration des heures de classe sur un trop petit nombre de jours, une réintensification du travail des élèves comme des personnels, une dégradation des conditions d’apprentissage et des conditions d’exercice des enseignants ».

Le principal syndicat du primaire, le Snuipp Fsu, est plus réservé.  » L’organisation d’une semaine scolaire, sur quatre jours ou quatre jours et demi, doit être cohérente à l’échelle d’un territoire et réfléchie pour permettre de meilleures conditions d’apprentissage pour les élèves, et de travail pour les personnels. Elle doit être définie en prenant en compte l’avis des enseignants et des conseils d’école, sous la responsabilité du ministère de l’Éducation nationale », écrit le Snuipp, mettant au même niveau les 4 et les 5 matinées de cours.

La contre réforme du collège

Le second sujet important du CSE c’est la contre réforme du collège. JM Blanquer propose des textes qui mettent entre parenthèses les EPI et laissent les établissements gérer le volume horaire supplémentaire offert par la réforme Vallaud Belkacem.

Le nouveau texte ne supprime pas pour autant les EPI. Il supprime leur liste et l’obligation d’en faire. Il n’y a plus de temps de référence pour l’AP ni de nombre d’EPI à faire. Il y a toujours 3 heures d’enseignements complémentaires en 6ème et 4 h de la 5ème à la 3ème. La répartition entre AP et EPI reste décidée par le Conseil d’administration sur proposition du conseil pédagogique.

La dotation horaire complémentaire attribuée à l’établissement , toujours fixée à 3 heures, « lui permet de favoriser le travail en groupes à effectifs réduits et les interventions conjointes de plusieurs enseignants ainsi que de proposer un ou plusieurs enseignements facultatifs… Les enseignements facultatifs peuvent porter sur : a) les langues et cultures de l’Antiquité au cycle 4, dans la limite d’une heure hebdomadaire en classe de cinquième et de trois heures hebdomadaires pour les classes de quatrième et de troisième ; b) l’introduction d’une deuxième langue vivante étrangère en classe de sixième, dans la limite de deux heures hebdomadaires ; c) le renforcement de l’enseignement de l’une des deux langues vivantes étrangères dans la limite de deux heures hebdomadaires au cycle 4 ; d) les langues et cultures régionales, dans la limite d’une heure hebdomadaire en classe de sixième et de deux heures hebdomadaires pour les classes du cycle 4 ». La notion de bilangue de continuité disparait.

Le Snes et les réformistes s’opposent

Là aussi , JM Blanquer peut compter sur la division des syndicats. Le premier syndicat du secondaire, le Snes Fsu, n’est pas fâché de la mise à mal de la réforme. Il salue  » la suppression du carcan des EPI (remplacement possible par de l’AP, disparition des 8 thèmes devant être abordés par les élèves) » et « le retour, sous la dénomination d’ « enseignements facultatifs », des Sixièmes bilangues, des classes euros, des anciens horaires pour les langues anciennes et les langues régionales en Quatrième et en Troisième. »

Mais pour le Snes,  » la conduite des EPI est toujours conditionnée à « une démarche de projet conduisant à une réalisation concrète, individuelle ou collective », et les grilles horaires font toujours apparaître 3h d’enseignements complémentaires en Sixième et 4h en cycle 4. Le renvoi au local des arbitrages entre AP et EPI risque de renforcer les inégalités territoriales : 4h d’AP pour les uns, 4h d’interdisciplinarité pour les autres ? L’ouverture décidée localement des enseignements facultatifs et leur financement sur la marge horaire de 3h va renforcer ces inégalités et engendrer des débats cornéliens : bilangue allemand ou petits groupes en accompagnement personnalisé, par exemple ? »Le syndicat demande une rallonge horaire et une carte des enseignements facultatifs. Pour lui,  » l’étau est donc desserré, mais cela ne doit pas faire illusion sur le fond : ce qui nous est proposé n’est rien d’autre qu’un pas supplémentaire vers davantage d’autonomie des établissements ».

A l’opposé le camp réformiste veut mener la bataille des EPI. Le Sgen Cfdt, le Se Unsa, la Fcpe, des organisations lycéennes (Unl, Sgl), les parents de la Fcpe, des associations complémentaires, demandent au ministre de ne pas « marginaliser les EPI ».  » Avec les EPI, des compétences vraiment fondamentales sont développées, compétences indispensables à tous les élèves : capacité à travailler en groupes, à faire un exposé oral, à mener des recherches en vérifiant les informations… Nous demandons à monsieur le ministre… de ne pas mettre en péril une pièce maitresse de la rénovation de notre école, ce qui nous ramènerait au collège d’il y a cinq ans, lequel n’a nullement fait la preuve, lui, de son efficacité. Pour le moins, il faut maintenir l’obligation pour les établissements de mettre en œuvre des EPI à tous les niveaux d’enseignement, avec un horaire suffisant, en impliquant le maximum de disciplines et en gardant un cadrage, certes souple, mais effectif ».

Le Sgen Cfdt s’élève aussi contre le sort fait aux classes de 3ème prépa pro dans le projet de décret.  » Ce projet de texte amène les élèves de ces classes à avoir comme seul enseignement complémentaire possible la découverte professionnelle. Ces classes deviennent donc des classes préparatoires à l’entrée en Lycée professionnel (LP) ou en apprentissage. Nous sommes loin des intentions affichées dans l’arrêté du 2 février 2016 qui indique que : « Les enseignements complémentaires concourent à la découverte de différents champs professionnels afin de permettre aux élèves de construire leur projet de formation et d’orientation, sans se limiter à ce seul objectif. » C’est pourquoi le Sgen-CFDT, seul, est intervenu pour refuser ce projet ministériel qui est celui d’une pré-orientation vers le Lycée Professionnel ou l’apprentissage qui cache bien son nom ».

La Blitzkrieg contre les réformes de F Hollande

Il a beau dire qu’il est hostile aux « zig zag » des alternances. Deux semaines seulement après son arrivée rue de Grenelle, JM Blanquer annule avec ces textes les deux principales réformes du quinquennat Hollande.

Le ministre a raison de mettre en avant le fait que ces textes redonnent de l’autonomie au terrain. Mais le mot désigne les responsables locaux, communes et chefs d’établissement, et non les acteurs directs du terrain comme les enseignants. Pour ceux -ci, JM Blanquer utilise la méthode Darcos : faire passer la dérégulation en misant sur le soulagement plus ou moins honteux apporté par les textes….

Car le point commun aux deux mesures c’est qu’elles vont renforcer les inégalités à l’intérieur du système éducatif. Quoiqu’en dise le ministre, 4 matinées pour faire du français et du calcul ce n’est pas la même chose que 5. Et la réduction se fera aux dépens des enfants qui ont le plus besoin de l’école.

Quoiqu’en dise le ministre aussi, le rétablissement des filières bilangues, latin grec, européennes, si elle vient à l’appui de stratégies locales des collèges que l’on peut comprendre, relance la mise en concurrence de ces établissements et va dans le sens de la ségrégation entre et à l’intérieur des établissements.

Le dispositif prépa pro revisité par JM Blanquer va dans le même sens et touche à la grande réforme à venir. La réforme du bac inscrite au programme d’Emmanuel Macron. Il propose de créer une filière du supérieure spéciale pour les bacheliers pros. C’est à dire de boucler par en haut leur mise à l’écart que l’on veut commencer dès 14 ans.

Pour le moment ce que propose JM Blanquer est bien à l’opposé des textes passés depuis 2012. Mais c’est bien dans la continuité de son action au ministère de 2009 à 2012 sous Luc Chatel.

François Jarraud

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