D’où vient cette forme scolaire qu’est la classe ? Que sait-on de son efficacité ? Comment évolue-t-elle ? Si décriée, si promise à démantèlement, si « dépassée » par le progrès technique, la classe se maintient envers et contre tout. Le livre de Philippe Veyrunes, Université de Toulouse Jean Jaurès, fait l’histoire des formes scolaires depuis leur apparition, souvent lointaine, à aujourd’hui. Alors immuable la classe et ses formats d’enseignement ? En apparence oui. Mais en réalité tout se transforme. Connaitre ces réalités devient essentiel pour les futurs essentiels mais aussi pour les politqiues qui découvrent un peu tard que si leurs réformes échouent c’est parce qu’ils ignorent la réalité de la classe…
Ce livre sur la classe s’adresse à qui ?
C’est un livre pour les étudiants et les chercheurs. Mais c’est aussi un livre pour les décideurs par ce qu’il dit des réformes pédagogiques et de leur échec. Une des raisons des difficultés des réformes c’est qu’on ne prend pas en compte suffisamment le travail enseignant dans la classe. C’st à dire la culture du métier, les savoirs que les enseignants ont construit au fil des années et qui sont peu visibles car ils sont devenus « transparents » pour eux.
Les réformes pédagogiques qui viennent d’en haut, qui sont peu négociées, sont mal comprises et rejetées car elles ne tiennent pas compte des formats pédagogiques qui permettent aux enseignants de faire leur travail dans des conditions de santé acceptables.
Typiquement, le cors dialogué ou le travail individuel écrit sont des formats de fonctionnement de la classe qui permettent aux professeurs et aux élèves d’atteindre un certain niveau de confort. C’est généralement très méconnu par les décideurs.
On a l’impression que ces formats ne changent jamais et que la classe est immuable. Est ce vrai ?
Je ne crois pas. Dans le livre, je montre qu’il y a des dispositifs qui sont des archétypes très liés à une forme scolaire qui traverse les siècles et les disciplines. Mais ça ne veut pas dire qu’ils soient immuables.
Certes on retrouve le cours dialogué, par exemple, à travers les siècles, tout comme le le travail individuel écrit. Mais ces formats connaissent des modifications. Par exemple le cours dialogué servait il y a un siècle à faire réciter la leçon. Aujourd’hui il sert à faire participer et comprendre les élèves.
Ce qui reste c’est que ces formats produisent finalement peu d’apprentissage chez les élèves. Ils amènent un certain confort mais les enseignants perdent de vue l’idée d’apprentissage. Par exemple dans le cours dialogué, des évaluations montrent que l’enseignant occupe les deux tiers du temps, que les réponses des élèves sont souvent très courtes,qu’il y a peu d’institutionnalisation des réponses. Par conséquent il est peu efficace.
Alors il faut faire évoluer la classe ?
Oui. Et ça peut être simple. Par exemple, pour le cours dialogué il suffit de poser des questions ouvertes et de solliciter des réponses plus longues. Ca pourrait être appris en formation mais ça ne l’est pas.
Qu’est ce qui pousse à cette évolution des formats scolaires ?
Il y a leur relative efficacité que je viens d’évoquer. Mais il y a aussi la prise de conscience de la dimension politique de ces formats. On a vu lors de la campagne des présidentielles le cours magistral défendu par la candidate d’extrême droite. Il y a aussi la pression des TICE, même si l’exemple anglais de généralisation des TBI montre qu’ils n’ont pas changé les formats scolaires.
L’école elle-même est attaquée Est elle durable ?
C’est cette réflexion qui sous tend mon travail. Je suis effaré par certaines propositions qui envisagent la disparition de l’école au profit par exemple de l’enseignement à distance rendu possible par les nouvelles technologies. C’est inquiétant car l’école a une vocation essentielle de transmission d’une culture commune et d’émancipation. Cela suppose une institution, un travail en présence d’un enseignant et d’un groupe classe. L’existence de ce groupe est quelque chose d’irremplaçable. On met trop en avant l’individu et on minore trop la dimension collective. Or les apprentissages sont des processus sociaux qui se font en interaction avec l’enseignants et aussi les autres élèves.
Propos recueillis par François Jarraud
Philippe Veyrunes, La Classe : hier, aujourd’hui et demain ?, Presses Universitaires du Midi, ISBN : 978-2-8107-0501-6