Faire travailler l’orthographe aurait-il un effet magique sur tous les apprentissages ? C’est un peu ce qu’affirment les médias en s’appuyant sur une étude réalisée par Estelle Bellity, Fabrice Gilles, Yannick L ‘Horty et Laurent Sarfati (Univerités Paris Est, Lille 1 et CNRS) sur l’impact d’une expérimentation d’utilisation d’une plate forme d’apprentissage orthographique en université. Mais les résultats divergents selon les groupes d’étudiants interrogent.
Une étude portant sur 849 étudiants
L’orthographe a une valeur quasi religieuse dans le système éducatif français qui lui consacre beaucoup de temps. C’est aussi un marqueur social. Ne pas la maitriser pénalise l’accès aux diplomes de toutes natures et de nombreux établissements d’enseignement supérieur utilisent des tests d’orthographe pour sélectionner leurs étudiants.
L’étude d’ Estelle Bellity, Fabrice Gilles, Yannick L ‘Horty et Laurent Sarfati porte sur 849 étudiants en première année de licence d’économie gestion dans les universités de Lille 1 et Marne la Vallée. Ils ont été divisés de façon aléatoire en deux groupe, l’un étant vivement incités à utiliser une pate forme d’apprentissage de l’orthographe et l’autre non.
» Dans la moitié des groupes, dits à encouragement fort, les chargés de TD ont été volontaires pour imposer de façon intensive l’usage de la plateforme à leurs étudiants selon un protocole précis et identique pour tous les groupes traités. A chaque séance de TD, ils rappelaient l’importance de l’orthographe, reprenaient en une dizaine de minutes quelques règles orthographiques essentielles et insistaient sur l’usage de la plateforme et sa prise en compte dans l’évaluation finale. Dans l’autre moitié des groupes, dits à encouragement faible, rien de tout cela n’a été fait ». L’étude valide l’impact de ces incitations, le groupe incité ayant passé plus de temps sur la plateforme .
L’orthographe impacte le niveau en maths
Les résultats semblent sans appel. « Premièrement, le fait de bénéficier de l’encouragement à s’entraîner en orthographe accroît les notes dans plusieurs matières, que celles-ci soient littéraires (l’anglais), un peu plus formalisées (introduction à l’économie ou à la gestion ; monnaie-finance) ou plus abstraites (introduction à la microéconomie ; mathématiques ou statistiques descriptives et informatique). Les notes de contrôle terminal ou les notes finales sont plus particulièrement affectées. Deuxièmement, les mêmes constats qualitatifs peuvent être faits pour les effets de l’amélioration de la note en orthographe. Plus précisément, améliorer d’un point supplémentaire son niveau en orthographe entre le début et la fin du premier semestre entraîne une augmentation de 0,5 à 1 point de la note considérée. Cette augmentation apparaît comme étant plus forte pour les matières scientifiques ou très formalisées (de l’ordre de 0,8 à 1 point) que pour les autres (0,5 à 0,6 point) : 1 point d’amélioration supplémentaire dans la note d’orthographe accroît la note d’examen terminal de mathématiques 0,836 point et la note de microéconomie de 0,769 point, alors qu’elle accroît la note d’examen terminal d’introduction à l’économie de 0,552 point ou la note de contrôle continu d’introduction à la gestion de 0,494 point ».
Effet magique ou accompagnement ?
Faut-il en déduire que l’utilisation d’une plate forme d’apprentissage de l’orthographe impacte miraculeusement tous les niveaux y compris en maths ? Oui et non. L’étude n’évalue pas la façon dont les enseignants sanctionnent les fautes d’orthographe dans les différentes disciplines y compris scientifiques.
D’autre part, elle rend compte de résultats contrastés selon les catégories d’étudiants. Dans le premier groupe incité à utiliser la plateforme, les étudiants les plus forts en orthographe et notamment les filles souffrent de cette utilisation. Pour ce groupe de bons élève elle est visiblement une perte de temps qui pénalise les autres apprentissages.
Finalement les incitations n’ont un effet positif que sur les garçons faibles. Là il faudrait distinguer la part du fait que les enseignants encadrent beaucoup plus ce groupe et l’incite à travailler, bref celui de l’accompagnement de ce public fragile.
Ce que révèle cette étude ce n’est donc pas que payer des abonnements a une plate forme d’apprentissage à l’orthographe aurait un effet magique sur les études. C’est aussi le poids d’une convention sociale sur l’évaluation et celui de l’encadrement des étudiants pourles publics fragiles.
François Jarraud