Quelles méthodes, quelles organisations sont les plus efficaces pour améliorer l’enseignement des sciences ? Intitulé « Politiques et pratiques pour des établissements performants », le volume II des résultats de Pisa 2015 vient de sortir. Il propose des analyses fines des différents facteurs qui influent sur le niveau en sciences. Certains concernent l’organisation du système éducatif comme le nombre d’heures de cours ou d’élèves en classe, ou encore le salaire du professeur. D’autres renvoient à ce qui se passe en classe depuis la discipline aux méthodes utilisées.
Des résultats globaux inquiétants
Publiés en décembre 2016, les premiers résultats de Pisa 2015, la grande évaluation commune des systèmes éducatifs des pays de l’OCDE, ont été accueillis avec un relatif soulagement. c’est la stabilité qui l’emporte avec des scores qui tournent autour de la moyenne de l’Ocde. Si les résultats arrêtent une dégringolade qui a commencé au début du siècle, les écarts entre les disciplines augmentent. Alors que le niveau en français se redresse, celui des sciences ne bouge pas mais le niveau en maths décroche. Surtout, les écarts se creusent entre les élèves favorisés et les défavorisés, entre les autochtones et les immigrés, entre la filière professionnelle et la générale. Avec Pisa 2015, au pays de l’égalité revendiquée, le système éducatif français montre encore un peu plus le chemin des inégalités…
En sciences, qui est la matière principale dans Pisa 2015, la France est un peu au dessus de la moyenne Ocde (493) avec 495 points. Un niveau stable. On compte 29 % d’élèves performants et très performants, soit un peu plus que la moyenne. Mais on a 22% d’élèves en difficulté (21% en 2006); ce qui est un peu plus que la moyenne Ocde. On observe là l’éclatement du système éducatif.
La publication en français du volume II des analyses de Pisa donne l’occasion d’aller voir plus loin et de dégager les facteurs qui influent sur ces résultats. L’OCDE va ainsi jusqu’à avancer des recommandations pour les politiques éducatives
Quelles méthodes d’enseignement sont efficaces ?
Quelles méthodes pédagogiques sont efficaces pour enseigner les sciences ? » Les résultats de l’enquête PISA montrent que lorsque les enseignants expliquent et démontrent fréquemment les concepts scientifiques, et discutent des questions des élèves (une méthode d’enseignement appelée communément l’enseignement dirigé par l’enseignant), les élèves obtiennent de meilleurs résultats en sciences, affichent de plus fortes convictions par rapport au bien-fondé de la démarche scientifique (ou convictions épistémiques) et sont plus susceptibles d’envisager exercer une profession scientifique à l’âge adulte. Lorsque les enseignants adaptent leurs pratiques aux besoins des élèves, par exemple en apportant une aide personnalisée quand un élève a des difficultés à comprendre un sujet ou un exercice, ou en modifiant leurs cours quand la plupart des élèves trouvent le sujet difficile à comprendre, les élèves obtiennent de meilleurs scores en sciences et affichent de plus fortes convictions épistémiques. « , affirme le rapport.
Le rapport valide aussi la pratique du feedback, sous ses 5 formes : » « le professeur me dit quels sont mes résultats à ce cours » ; « le professeur m’indique quels sont mes points forts dans cette matière » ; « le professeur me dit dans quels domaines je peux encore m’améliorer » ; « le professeur me dit comment je peux améliorer mes résultats » ; et « le professeur me donne des conseils sur la façon d’atteindre mes objectifs scolaires »… Dans les pays de l’OCDE, plus les élèves estiment que leurs enseignants leur fournissent fréquemment un feedback, plus ils sont susceptibles d’envisager une carrière scientifique et plus leurs convictions épistémiques sont importantes ».
Inversement la démarche d’investigation, fortement promue en France, n’est pas efficace selon l’OCDE. » Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe aucun système d’éducation dans lequel les élèves ayant déclaré être fréquemment exposés à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation (qui leur demande d’effectuer des expériences ou des travaux pratiques) obtiennent un score plus élevé en sciences. Après contrôle du statut socioéconomique des élèves et des établissements, une exposition plus importante à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation est corrélée à de moins bons résultats des élèves en sciences dans 56 pays et économies », dit le rapport.
La pédagogie différenciée, sous ses trois formes (« le professeur adapte son cours aux besoins et aux connaissances de la classe » ; « le professeur apporte une aide personnalisée quand un élève a des difficultés à comprendre un sujet ou un exercice » ; et « le professeur modifie son cours quand la plupart des élèves trouve le sujet difficile à comprendre ») est perçue positivement. Le gain serait de 20 points. Or c’est un point où la France est particulièrement mal placée puisque seuls le Luxembourg et la Belgique font moins appel que nous des 54 pays ou zones étudiés par Pisa.
Heures d’enseignement et discipline
On le savait déjà mais Pisa permet de l’évaluer précisément. Il y a un lien direct entre l’exposition à l’enseignement et la discipline en cours et les résultats en sciences.
En moyenne les élèves des pays de l’OCDE ont 3h30 d’enseignement en sciences par semaine et autant en maths. Chaque heure d’enseignement supplémentaire entraine un gain moyen de 5 points. Les clubs science, les compétitions de sciences sont fortement corrélés à des résultats supérieurs (+21 points).
Les experts de l’OCDE ont par contre calculé que les heures de travail en dehors du cadre scolaire sont contre productives. Plus le temps de travail en sciences hors école est long moins bons sont les résultats. Voilà qui fait réfléchir…
Mais un autre critère prend une grande importance dans la réussite : c’est la discipline. L’absentéisme en cours est fortement lié à des résultats faibles. C’est vrai pour les élèves absentéistes :en moyenne leurs résultats sont inférieurs de 45 points, presque une année, à ceux de leurs camarades. Mais c’est vrai aussi pour les autres élèves de la classe. L’absentéisme a un effet négatif sur la progression de tous. La France est un pays où il est supérieur à la moyenne OCDE mais plus faible que chez beaucoup de nos voisins.
Par contre nous sommes les champions du retard. La France fait même partie des pays où il augmente le plus. » En moyenne, dans l’ensemble des pays de l’OCDE, les élèves étant arrivés en retard à l’école au moins une fois durant les deux semaines précédant l’enquête PISA ont obtenu, lors des épreuves de sciences, un score inférieur de 27 points à celui des élèves n’ayant jamais été en retard, et de 23 points après contrôle du profil socioéconomique des élèves et des établissements », note l’OCDE.
Cette constatation invite à poser la question de la discipline en général. » Les élèves qui ont déclaré connaître un meilleur climat de discipline dans leurs cours de sciences obtiennent de meilleurs résultats en sciences, après contrôle du statut socioéconomique des élèves et des établissements. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, chaque augmentation d’une unité de l’indice du climat de discipline dans les cours de sciences (équivalent à un écart-type) est corrélée à une hausse du score de 11 points dans les épreuves de sciences, après contrôle du statut socio-économique des élèves et des établissements », écrit l’OCDE. Or la France avant dernière, juste avant la Tunisie, en ce qui concerne le climat de discipline dans les établissements. Concrètement cela se traduit par une partie importante du temps de classe perdu pour assurer l silence et le suivi du cours.
Petites classes et salaires des enseignants
Il y -a-t-il un lien entre taille de la classe et résultats en sciences ?Il ne saute pas aux yeux. Car les classes des filières d’élite sont les plus chargées et ont de très bons résultats. Mais ce qu’indique l’OCDE , c’est que » en moyenne les élèves dans des classes moins denses ont indiqué plus fréquemment que les élèves dans des classes plus denses que leurs enseignants adaptent leur enseignement en fonction de leurs besoins, de leurs connaissances et de leur niveau de compréhension ». Or ça on a vu que c’était efficace.
Beaucoup plus net est le lien entre salaire des enseignants et résultats des élèves. On peut toujours trouver des exceptions. Par exemple les salaires élevés des enseignants au Mexique ou en Colombie (par rapport au salaire local) ne sont pas associés à des résultats élevés. Inversement Macao ou la république tchèque obtiennent de bons scores avec des enseignants mal payés. Mais globalement le spays qui ont de bons résultats en sciences sont ceux qui payent correctement leurs enseignants. C’est le cas par exemple de Singapour, le Japon, Hong Kong.
Dernier point auquel l’OCDE tient beaucoup: l’autonomie des établissements. » Dans les systèmes d’éducation où les chefs d’établissement ont davantage de responsabilités dans la gouvernance des établissements, les élèves obtiennent un score plus élevé en sciences », écrit l’OCDE. Mais l’OCDE nuance elle même cette appréciation. » Les élèves accusent un score plus élevé en sciences tout particulièrement lorsque leur chef d’établissement dispose d’une plus grande autonomie en matière de ressources, programmes et autres politiques scolaires et, notamment, dans les pays où il existe un suivi ou une publication des résultats scolaires au fil du temps et où les chefs d’établissement s’investissent davantage dans la direction pédagogique. Dans une certaine mesure, ce constat suggère également que lorsque les chefs d’établissement n’ont ni la préparation, ni les capacités nécessaires pour assurer la direction, le transfert du pouvoir aux établissements peut malencontreusement nuire aux élèves, dans la mesure où le personnel des établissements peut, dans ce cas, être privé des ressources et de l’expertise disponibles à des niveaux supérieurs du système. Les élèves obtiennent également un score plus élevé en sciences dans les pays où davantage d’enseignants jouissent d’une certaine autonomie en matière de programmes. Ces résultats soulignent l’importance de tirer parti de l’expertise des enseignants ».
Pour mieux réussir en sciences il ne suffira pas de multiplier les managers et de désétatiser comme le promettent plusieurs candidats à la présidentielle. C’est une autre gouvernance, associant les enseignants, qui est efficace. Si l’on en croit l’OCDE…
François Jarraud