« On ne fera pas l’économie du fait que la sécurité est un métier ». Sondage à l’appui, Philippe Tournier, secrétaire général du Snpden, a fait un état des lieux de la sécurité des lycées le 23 mars suffisamment énergique pour être suivi immédiatement d’un communiqué ministériel. Si les établissements ont pris le risque au sérieux, pour le Snpden ils manquent de la culture sécuritaire pour se préparer aux différents risques et particulièrement au risque d’attentat. Le syndicat veut saisir l’occasion de la signature des contrats tripartites établissement – rectorat et collectivité locale pour faire entrer la culture de sécurité dans les établissements. Et il veut aussi régler une fois pour toute une question qui l’irrite fortement : celle de la sortie cigarette des lycéens.
Des psychologues pas des portiques…
Séquence émotion. Hervé Pizzinat, le proviseur de Grasse, raconte comment l’attaque s’est déroulée dans son lycée. On est dans l’académie de Nice, celle qui a le plus investi dans la sécurité. Chaque classe dispose d’un boitier d’alerte lumineux et c’est sans doute un élément qui a joué pour réduire le nombre de victimes. « Des portiques n’auraient pas été utiles dans ce cas car le jeune élève a passé les armes par dessus une cloture, les a cachées et s’est présenté comme un élève ordinaire à l’accueil. On a surtout besoin d’encadrement psychologique et social pour faire face à ce danger ».
La plupart des établissements n’ont pas d’alerte attentat
Mais où en sont les autres établissements sur le plan sécurité ? Le Snpden a réalisé un sondage qui a fat mouche : plus de 2 000 établissements ont répondu pratiquement par retour. Bilan. Aujourd’hui le controle d’accès dans les établissements se fait en général par la loge d’entrée et il faut partie de la vie scolaire de l’établissement. A noter que 16% de ceux ci n’exercent aucun controle.
60% des établissements n’ont aucun système d’alerte confinement ou intrusion. Il a fallu des années pour équiper les 11 000 établissements français d’alarme incendie. Actuellement , pour P Tournier, on est « dans le bricolage » alors que la rapidité du signalement est essentielle. Surtout l’alarme attentat est plus subtile. Il faut que le personnel apprenne à réagir à un risque évolutif. Régler la question des alertes est la première demande du syndicat.
Du personnel spécialisé
Or seulement un tiers des établissements a un personnel formé à la culture de sécurité. Encore cela dépend-il des académies : dans celle de Nice seulement un établissement sur trois n’a pas de personnel formé. Dans d’autres académies c’est 85%! « On demande aux établissements de faire un plan de prévention attentat et de régler cette question mais on ne sait pas faire », explique P Tournier. « Il n’y a pas de solution simple aux questions de sécurité ».
Le Snpden demande du personnel formé. « A minima il faut un spécialiste sécurité dans chaque établissement ». Ce peut être un membre du personnel mais solidement formé. A maxima ce peut être des agents de sécurité ». Cette formation, ces personnels pourraient être inclus dans les accords tripartites que les établissements vont signer avec les collectivités territoriales et les académies.
La pause cigarette doublement mortelle ?
Dernier élément que le Snpden veut mettre en avant, la question des abords des établissements. Le sondage du Snpden montre que là où la police est la moins présente c’est aux abords des établissements des ZUS, ce qui interroge. Or c’est la zone où les personnels de direction sont le plus souvent agressés.
Mais la question des abords c’est surtout pour le Snpden, celle des cigarettes. Depuis deux ans, elle enfume les relations entre le ministère et les chefs d’établissement. Du fait de l’interdiction de fumer dans les établissements scolaires, ceux ci avaient pris l’habitude de faire sortir les élèves à la récréation. Or ces attroupements d’élèves constituent des cibles parfaites et faciles pour un terroriste. D’ou l’apparition, autorisées par une circulaire ministérielle, de zones « spécifiques » (comprenez : fumeurs) dans les lycées. Elles ont vite été condamnées par la justice ce qui a suscité un rétropédalage du ministère.
« Depuis un an et demi on expose des centaines de milliers d’élèves au risque d’attentat », alerte P Tournier. « L’Etat expose sciemment les élèves », martèle-t-il. Le Snpden attend du prochain ministre qu’il assume ses responsabilités sur cette question.
Des propos entendus rue de Grenelle ?
Mais ce sont deux ministres qui réagissent. Le 23 mars, M Fekl, le nouveau ministre de l’intérieur, et N Vallaud Belkacem annoncent une « stratégie d’ensemble » sur la sécurité des établissements. Ils décident d’augmenter le nombre des formateurs et des formations à la gestion de crise, une spécialité qui ne correspond pas aux attentes du Snpden. Plus proche de ces demandes, des formations communes personnel Etat et local sur les exercices de sécurité seront organisés d’avril à juin. Les deux ministres veulent aussi accélérer l’instruction des dossiers d’aide pour sécuriser les batiments scolaires, le montant total restant fixé à 50 millions. Enfin le gouvernement reprend la suggestion du rapport de l’Inspection pour remplacer les circulaires par des fiches pratiques. Ce « vademecum » devrait paraitre le 13 avril.
François Jarraud