» Aucun des dispositifs existants n’a été conçu et n’est adapté pour répondre à la menace d’un attentat ». Le rapport de l’inspection générale et de l’IGA publié le 16 mars, pointe de réelles insuffisances dans la préparation des établissements scolaires au risque d’attentat. Au terme d’un audit méticuleux, il préconise des mesures de simplification et de coordination validées par la ministre. Et il s’en remet largement aux ressources et à l’imagination locales…
Un second rapport en un mois
Que la sécurité des établissements et des écoles face au risque d’attentat pose problème, on le savait depuis la publication début mars du rapport de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement. Il montrait que les deux tiers des établissements ne disposent pas d’un signal attentat-intrusion spécifique audible et déclenchable par tous et que les exercices n’invitaient pour des raisons pratiques qu’au confinement alors qu’en cas d’attaque la bonne réponse peut être la fuite. Enfin la chaine d’alerte fonctionne mal comme l’avait montré un exercice dans l’académie de Rouen.
Dirigé par Marie Cécile Laguette (IGAEN) et Nicolas Géraud (IGA), le rapport sur » les procédures de gestion de crise et sécurisation des établissements d’enseignement » propose une analyse détaillée des points forts et des faiblesses des plans alerte attentat. Il a un autre avantage : c’est que la ministre annonce vouloir appliquer ses 12 recommandations.
Une prise de conscience confirmée sur le terrain
» La mission a pu constater que les différents acteurs se sont bien mobilisés et organisés pour mettre en oeuvre les instructions édictées en 2015 et 2016″, note le rapport, ce qui confirme une précision analogue du rapport de l’ONS. » Les témoignages entendus attestent d’une évolution des mentalités : alors que les directeurs d’école avaient tout d’abord exprimé une réticence face à ces nouvelles missions, et certains chefs d’établissement leur inquiétude la rentrée de l’année scolaire 2016‐2017, après l’attentat de Nice, a marqué une accélération dans la prise de conscience de la nécessité d’une vigilance collective, presque banalisée, dont il n’est plus discuté qu’elle soit intégrée dans la gouvernance des établissements scolaires ».
Le rapport souligne que « personne ne fait état de résistance des enseignants » et que directeurs et enseignants donnent leurs numéros de téléphone. L’éducation nationale est mobilisée face au risque attentat, à l’exception de l’enseignement privé qui reste en retrait des dispositifs officiels.
Des dispositifs précipités
Pour autant les problèmes d’organisation n’ont pas disparu car tout s’est fait dans la précipitation. Ainsi les exercices prévus dans les instructions officielles sont faits dans des conditions très inégales selon les endroits. Comme le remarquait le rapport de l’ONS l’exercice attentat se limite souvent à un confinement. Le rapport souligne aussi la multiplication des circulaires, parfois contradictoires, qui ignorent d’ailleurs les enseignants, alors qu’elles s’adressent aux directeurs et aux parents.
Résultat : sur le terrain on ne sait pas trop qui prévenir et quoi faire en cas de problème. Le rapport demande une clarification sur ce point et l’affichage des numéros d’appel dans les salles de classe. Il veut aussi que soit clarifiée la collecte des informations :plans des établissements par les préfets, PPMS par les Dasen. Aujourd’hui les deux sont stockés selon des usages locaux… Quant aux établissements privés ils sont souvent oubliés.
Un téléphone d’alerte dans chaque école et établissement
Sur le terrain, le rapport confirme les difficultés pour la chaine d’alerte. Le rapport préconise de doter chaque établissement et école d’un téléphone portable réservé à l’alerte. Ce téléphone pourrait être confié à une autre personne que le directeur par exemple pour s’assurer que l’alerte fonctionne tout le temps, y compris durant les activités périscolaires. Evidemment cela suppose que l’alerte soit prise très au sérieux tout le temps et par tout le monde. Il propose aussi de créer un numéro d’urgence dans chaque rectorat.
Flou pour les signaux et les travaux
Il y a aussi le problème des signaux d’alerte. Le rapport mentionne les solutions très variables trouvées dans les établissements qui vont du bipper relié à la police au bon vieux sifflet à roulette. Comme le financement relève des collectivités locales, le rapport s’en remet aux usages locaux et déconseille de réglementer. Une position qui semble un peu faible par rapport au risque encouru.
Mais c’est pire pour les travaux de sécurisation. » Aucun des dispositifs existants n’a été conçu et n’est adapté pour répondre à la menace d’un attentat », dit le rapport. « Les décisions ont été prises, souvent au coup par coup, sans toujours réunir l’ensemble des personnes intéressées : collectivités propriétaires, éducation nationale (responsables académiques et responsables de l’établissement) et services de police ou de gendarmerie. La protection des entrées a partout été présentée comme la première des mesures à prendre et la plus efficace. En pratique, il conviendrait de pouvoir distinguer deux types de travaux : les travaux prioritaires à court terme : alarmes, visiophones, fermeture des accès, limitation du stationnement, barrières ; les travaux plus lourds à planifier sur le moyen terme : rehaussement des murs et des clôtures, barreaudage, opacification des vues ». Là dessus il invite a établir des diagnostics partagés.
Sorties des élèves interdites
Le rapport évoque aussi le flottement autour des sorties d’élèves pour fumer. Des chefs d’établissement ont rétabli des espaces fumeurs dans les établissements en contradiction avec la loi Evin ce qui a généré un rappel à la loi. Le rapport se rallie à l’interdiction de faire sortir les élèves. » Sans mésestimer la difficulté de mettre en place une mesure réputée contraignante, qui suscitera vraisemblablement des résistances, la mission estime qu’elle devrait être encouragée et débattue au sein de la communauté éducative ».
En conclusion, le rapport fait une douzaine de préconisations validées par le ministère. Il préconise la rédaction de deux PPMS pour bien distinguer le risque naturel de l’alerte attentat. Il invite à leur collecte, comme celle des plans d’établissements, de façon centralisée et sans omettre le privé.
Il demande d’abroger les différentes circulaires qui se sont empilées depuis 2015 et de les remplacer par des fiches pratiques. Celles ci recommanderaient que les exercices soient mieux préparés et réalisés dans le calme , sans précipitation.
On retiendra encore le refus de normer les signaux d’alarme ainsi que les restrictions aux sortes des élèves même fumeurs.
François Jarraud
Le rapport de l’Observatoire de la sécurité des établissements