Vous avez entendu les candidats parler de l’école durant cette campagne ? Ils ont pourtant des propositions, les ont exposées dans des livres, en parlent durant leurs meetings… Mais dans le brouhaha des affaires, on ne les entend pas. La question de l’école, comme bien d’autres importantes, passe à l’as. Alors on s’est mis à rêver d’une autre campagne, avec du contenu.
J’ai fait un rêve… Nous sommes en pleine campagne électorale – la présidentielle, l’élection reine en France. Les débats sont animés, les propositions s’entrechoquent et ce, sur tous les sujets qui intéressent les Français – le travail, le chômage, les retraites, les jeunes, l’école, la sécurité, les inégalités, l’immigration, la transition énergétique, etc.
Pizzas
Je poursuis ce rêve… L’un des moments forts des campagnes sont les émissions télés à des heures de grande écoute, où les candidats s’affrontent. Justement ce soir-là, une émission est programmée avec trois thèmes au menu dont l’école. On a commandé des pizzas pour la suivre dans une ambiance conviviale.
Les candidats, présents au grand complet, les » petits » comme les » grands « , ont bossé leurs sujets. Certains ont posé des fiches sur le pupitre devant eux. Bizarrement, l’un d’eux apparaît flouté : le candidat Les Républicains. Serait-ce François Fillon ? Alain Juppé ? …
On en arrive à la séquence sur l’école. La plupart des candidats s’inquiètent de son déclin dans les comparaisons internationales, des 20% d’élèves qui, à la fin du primaire, ne maîtrisent pas les bases du français et des maths, des » décrocheurs » qui sortent sans diplôme et qui vont grossir les rangs des jeunes précaires, promis au chômage et aux petits boulots.
Paquet
Ils sont plusieurs à vouloir » mettre le paquet sur le primaire » – rien d’original, c’était au coeur de la Refondation de l’école sous le quinquennat Hollande. L’un d’eux se focalise sur le CP et le CE1 où tout se joue selon lui : il promet des classes à 12. Un autre privilégie le cycle 2 – CP, CE1 et CE2. Lui y met 20 élèves maximum en éducation prioritaire.
D’autres, vieille école, prônent un examen à la fin du primaire pour vérifier que tout est bien maîtrisé. Les plus réacs expliquent que les écoliers ne devront plus faire que du calcul et de l’écriture à coup de dictées et de par coeur sous l’autorité implacable du maître.
Un candidat est littéralement obsédé par l’histoire de France. S’il est élu, promet-il (mais il est en mauvaise posture), il fera revoir tous les programmes d’histoire par de doctes académiciens afin que chaque petit Français connaisse les Grands hommes qui font la fierté de la nation. Du même coup, exit les problèmes d’identité… (le profil flouté, ce serait donc Fillon).
S’étriper
Dès que l’on arrive au collège, ça commence à s’étriper sérieusement. Certains réclament la fin du collège unique et proposent une orientation précoce pour les élèves en échec ou jugés manuels.
Les opposants dénoncent le » tri social » car les enfants des milieux défavorisés seront sur représentés dans ces filières pros. Pour eux, seul le collège unique peut donner une chance à tous. Certains voudraient même prolonger la scolarité obligatoire jusqu ‘à 18 ans.
Au passage, la réforme du collège est vouée aux gémonies – » mal ficelée « , » imposée sans consultations « … Certains promettent d’y revenir, d’autres de rétablir les classes bilangues, d’autres encore d’exterminer » le pédagogisme « . Très vite, on ne s’entend plus.
Postes
C’est à ce moment-là que chacun y va de son bilan du quinquennat. Le candidat qui fit un passage-éclair rue de Grenelle est le plus laudateur. Sinon, tout dépend de la couleur politique. Les extrêmes sont très remontés.
Dans les promesses, certains brandissent » l’autonomie » qui va tout résoudre. D’autres – parfois les mêmes – augmentent le nombre de profs : » entre 4 et 5000 » dit celui-ci, » 37 000 « , renchérit son voisin, » non 60 000 « , promet celui-là. A droite, on sent une gêne : on parle bien de réduire le nombre de fonctionnaires mais de 500 000, ça n’est plus si sûr…
Un regret tout de même. On manque de vision à long terme, sur quelle école pour quelle société dans un monde bouleversé par le numérique.
Cauchemars
L’émission se termine. Une heure sans entendre parler des affaires, de l’ennui de Pénélope, de » l’assassinat politique » de François Fillon, de la levée de l’immunité de Marine Le Pen par le Parlement européen…
Ah, mais c’était un rêve ! Réveil brutal. François Fillon ne » se rendra pas » et en appelle au peuple, convaincu que » la France est plus grande que ses erreurs « . Marine Le Pen, que rien ne semble pouvoir affaiblir, engrange malgré les dérives frontistes.
Il faut se rendre à la raison : cette campagne électorale est un cauchemar.
Véronique Soulé