Le débat sur l’Ecole peut-il échapper au pessimisme, au ressentiment, à l’angoisse, aux discours de Café du commerce ? Si c’est possible, alors le Cnesco est en train de le faire. D’observateur, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) est en train de devenir un acteur majeur du débat sur l’Ecole. Institution chargée d’évaluer l’Ecole, le Cnesco publie le 2 mars un véritable plan pour l’Ecole en mettant en ordre de bataille les propositions tirées de ses travaux. « Il faut rompre avec le discours fataliste d’une institution scolaire bloquée », affirme Nathalie Mons, sa présidente. Elle appelle à une « rénovation institutionnelle » et au « changement qualitatif » dans l’Ecole. La révolution Cnesco est lancée.
Un laboratoire démocratique
« Lanceur d’alerte », « laboratoire démocratique », c’est ainsi que Nathalie Mons, sa présidente, présente le Cnesco dans ce document des « 30 propositions ». « Ce travail de lanceur d’alerte, cette mission d’évaluation indépendante des politiques scolaires est salutaire pour notre école, notre pays, pour notre démocratie. Car la démocratie vit de transparence sur l’action publique, elle vacille sous les coups de l’opacité ».
Et pour bien marquer le coup, elle dénonce les attaques dont est victime le Cnesco. « Il n’est pas anecdotique, qu’en ces temps troublés où les médias, les juges…, bref les contre-pouvoirs, sont attaqués par des hommes et des femmes politiques aux États-Unis mais aussi désormais en France, un rapport d’un comité parlementaire reproche au Cnesco « l’hypermédiatisation » de ses rapports ».
L’organisme en question c’est le comité de suivi de la loi de refondation, présidé par le député PS Yves Durand. « Le Cnesco continuera bien sûr à diffuser largement ses publications sur l’état de l’école dans l’institution mais aussi en direction de la société civile, grâce au soutien des médias. Le citoyen a le droit de connaitre les résultats de l’action publique qui est un bien commun et qu’il contribue à financer. C’est ce que l’on appelle l’évaluation démocratique ».
Une rénovation institutionnelle
Fort de l’expérience de trois années de travaux et de son système d’évaluation qui associe chercheurs français et étrangers et acteurs, le Cnesco veut « rompre avec le discours fataliste d’une institution scolaire bloquée. Le Cnesco a répondu à une attente des praticiens de l’école : échanger sans tabou autour d’évaluations scientifiques légitimes pour penser collectivement le changement. Cet engouement pour une réflexion commune montre que l’école peut, veut changer si on lui en donne les moyens, notamment intellectuels de se renouveler ». Ce qui suppose pour N Mons une rénovation de la politique. Retour à l’envoyeur…
Les 30 préconisations du Cnesco, qui s’inscrivent en 6 axes, ne demandent pas forcément de moyens supplémentaires mais « une rénovation institutionnelle ». Un nouvel axe de réflexion sans doute pour le Cnesco.
Le looping contre l’échec scolaire
Le premier axe concerne les fondamentaux. Plusieurs études du Cnesco ont montré qu’en fin de primaire, 40% des enfants ne possèdent pas les connaissances nécessaires en lecture et maths pour suivre une scolarité profitable au collège.
Le Cnesco préconise d’expérimenter divers dispositifs comme la réduction du nombre d’élèves par classe en cycle 2 ou le « looping », c’est à dire le suivi par le même maitre du CP au Ce2 de la classe. Le looping s’est montré efficace en Australie. Troisième procédé ,le recrutement de maitres surnuméraires spécialisés dans l’accompagnement des élèves en maths et français dès le CP, comme ce qui se pratique en Finlande.
Le Cnesco recommande aussi de rendre la formation continue des enseignants obligatoire et surtout effective et de mettre à disposition des enseignants des ressources adaptées à la classe.
Pour l’apprentissage des maths, le point le pus faible de l’école, le Cnesco demande un plan de formation en calcul mental et résolutions de problèmes ainsi que la création de réseaux de conseillers pédagogiques en maths et de personnes ressources dans les écoles. Pour la lecture il recommande « un enseignement explicite de la compréhension » pour tous les élèves.
Des critères nationaux pour l’attribution des moyens aux établissements
Le second chantier concerne la mixité sociale à l’école, puisque l’école française est marquée par une ségrégation sociale particulièrement forte. 10 % des élèves fréquentent un établissement qui accueille au moins 63 % d’élèves issus de milieux socialement défavorisés.
Le cnesco demande de « renforcer la mixité sociale dans les 100 collèges les plus ségrégués ». Il ne demande pas la fin de la labellisation éducation prioritaire mais de » compléter l’éducation prioritaire par un déploiement du modèle d’allocation continue des ressources plus fin, avec des critères nationaux définissant les moyens ». Enfin il recommande de créer des lycées totalement polyvalents regroupant les 3 voies.
Sur l’orientation, le Cnesco demande de limiter la pré orientation dès le collège c’ets à dire les classe de 3ème prépa pro. Il demande aussi un véritable accompagnement des élèves qui se destinent au BTS ou aux classes préparatoires dès la 1ère.
Concernant l’enseignement professionnel, le Cnesco souhaite qu’on informe mieux les familles et les élèves sur les filières et qu’on actualise tous les 5 ans les diplômes professionnels.
Un barrage aux dérives populistes
Un dernier axe concerne les enseignants et l’attractivité du métier. Le Cnesco recommande qu’on arrête les alternances de « stop and go » dans les recrutements d’enseignants et qu’on accompagne vraiment les néo titulaires dans leurs deux premières années d’exercice. Il invite aussi à diversifier le profil des candidats aux concours.
Dans un débat politique qui ignore l’Ecole ou qui veut importer les recettes du New Public Management ou encore qui réduit les politiques futures à des questions morales (l’uniforme, le salut au couleur etc.) , les préconisations du Cnesco éclairent le paysage. La grande force des préconisations du Cnesco c’est qu’elle s’appuient sur des évaluation scientifiques issues de la recherche et déjà discutées avec les acteurs.
Pour la société et l’Ecole française c’est un peu la dernière chance d’amener de la raison dans les questions d’éducation et de soulever le pessimisme ambiant qui paralyse toute évolution. Avec ses préconisations, le Cnesco fait le pari de l’intelligence. Un pari osé en 2017 ?
François Jarraud