La ministre de l’Education nationale était hier au collège parisien Georges Rouault, l’un des REP + de la capitale les plus homogènes socialement. L’occasion de dresser le bilan de sa politique en faveur des élèves défavorisés dans l’esprit du rapport de Jean-Paul Delahaye sur le sujet. Elle a aussi annoncé une hausse de 25% des bourses sociales pour les collégiens. Reportage.
Najat Vallaud-Belkacem éclate de rire. Sur son petit tableau blanc qu’elle brandit, elle a écrit » 1 kilomètre « . C’est la bonne réponse à la question à choix multiples posée par la professeure de maths : la distance entre le collège et la mairie du 19ème est-elle de 1 mètre, 1 kilomètre, 10 kilomètres, 100… Mais autour d’elle, les élèves de la classe de sixième affichent des réponses hasardeuses – beaucoup ont opté pour les 10 kilomètres.
Avec les QCM, la ministre, assise au milieu des élèves, tient son rang. La distance entre Paris et les Pyramides de Kheops, en Egypte ? Si l’on sait grâce à la question précédente que Paris et Marseille sont éloignés de 700 kilomètres, on peut en déduire que la bonne réponse est 3000 kilomètres – et non 6000, 10 000 ou encore 60 000.
Bourses
Entourée du recteur de Paris Gilles Pecout et de l’inspecteur général honoraire de l’éducation nationale Jean-Paul Delahaye, Najat Vallaud-Belkacem semble aux anges. Avec son écriture patte de mouche, elle répond aux questions et lève bien haut son tableau, comme la bonne élève qu’elle fut. Est-ce par ailleurs l’imminence du départ ? Elle est aussi très décontractée et même rigolote.
Najat Vallaud-Belkacem s’est rendue ce lundi 27 février au matin au collège Georges Rouault, dans le 19 ème arrondissement de Paris, quartier populaire du nord-est de la capitale. Thème de la visite : » Une école solidaire pour la réussite de tous « , ou encore ce que l’école fait pour accompagner les élèves de milieu défavorisé, dans la suite du rapport Delahaye sur l’école et la grande pauvreté.
A cette occasion, la ministre a annoncé la hausse de 25% des bourses pour les collégiens dès la rentrée 2017. A l’échelon 1, le plus bas, l’allocation passera ainsi de 84 euros à 105 euros pour l’année, à l’échelon 2, de 231 euros à 289 euros, et à l’échelon 3, de 360 euros à 450 euros. Sur un an, cela représente un coût de 45 millions d’euros. Dans son rapport, Jean-Paul Delahaye avait critiqué le montant ridiculement bas de cette bourse.
Fonds de tiroirs
Interrogée sur ce geste qui arrive bien tard, la ministre s’est défendue de dépenser à tout-va en fin de mandat. » J’ai simplement fait les choses par ordre, a-t-elle répliqué, à cette rentrée, j’ai augmenté de 10% les bourses des lycéens. Auparavant nous avions augmenté l’allocation de rentrée scolaire. Là, je vous assure, j’ai fait les fonds de tiroir pour trouver des fonds pour les bourses des collégiens. «
Alors que s’achève le quinquennat, Najat Vallaud-Belkacem en a profité pour faire un bilan de la politique menée en faveur des enfants les plus pauvres dont la précarité handicape la scolarité, n’ayant pas d’endroit pour travailler, ne pouvant s’acheter de fournitures, ne s’alimentant pas correctement, etc.
» Nous avons augmenté les fonds sociaux de 80% depuis le début du quinquennat « , s’est félicitée la ministre. A ses côtés, Jean-Paul Delahaye a rappelé qu’entre 2002 et 2012, ils étaient passés de 72 millions d’euros à 27 millions d’euros » sans que personne ne bronche alors que supprimer une heure en terminale S déclenche une tempête médiatique « …
» Tout le sens de la Refondation est la lutte contre les inégalités, a poursuivi la ministre, avec les dispositifs de mixité sociale, la priorité au primaire, la réforme de l’éducation prioritaire, le nombre de « décrocheurs » ramené à 98 000… »
Pédagogie
Mais la réussite de tous, y compris des plus précaires, est aussi affaire de pédagogie. C’est ce qu’était venue dire la ministre au collège Rouault (460 élèves). L’établissement, l’un des quatre REP + parisiens à atteindre 60% de boursiers, compte 53% d’enfants d’ouvriers et d’inactifs et 6,2% de cadres supèrieurs. Très dynamique, multipliant les projets, il a vu la réussite au brevet bondir de 68,4% en 2010 à 80,8% en 2016.
Najat Vallaud-Belkacem s’est arrêtée dans une classe de troisième qui pratique la pédagogie coopérative.
Devant un demi groupe, la prof de maths y fait un cours sur « Impression, conjecture et raisonnement ». Les élèves sont installés en » îlots « , par petits groupes autour de tables. Les plus forts aident les plus faibles. » On comprend aussi mieux soi-même quand on explique aux autres « , a commenté la ministre.
Les élèves profitent aussi de » parcours d’excellence « . Jade, 14 ans, va tous les mercredis après-midi avec cinq camarades au prestigieux lycée Louis-le-Grand suivre des cours, faire des sorties avec les tuteurs… Saskia, 14 ans, va avec six collégiens, quatre heures le mercredi à Henri IV. Elle ambitionne d’y entrer l’an prochain.
Tchat
Un professeur de SVT Jérémie Pelé a présenté le dispositif d’aide aux devoirs mis en place dans le collège. Chaque jour, quatre profs sont disponibles chez eux devant leur ordinateur pour aider les élèves entre 18 heures 30 et 19 heures 30. Généralement cela se passe par tchat.
» Ca nous aide beaucoup, a témoigné Ecce, une habituée, surtout les élèves que les parents ne peuvent pas aider. Comme moi, car mes deux parents ne parlent pas le français. »
Un nouveau dispositif a aussi été dévoilé lors de la visite : la Trousse à projets – www.trousseaprojets.fr . Il s’agit d’une plateforme solidaire de financement participatif destinée à des projets d’enseignants, notamment pour plus d’égalité. Parmi les partenaires du ministère : l’Office central de coopération à l’école, le réseau Canopé, le Fonds de dotation pour le numérique à l’école et le Crédit coopératif.
» Merci, ça fait un bien fou de voir qu’en REP + on se saisit de toutes les opportunités « , s’est félicitée la ministre. Najat Vallaud-Belkacem, dont le passage rue de Grenelle n’a pas été un chemin de roses, veut manifestement ne retenir que le positif.
Véronique Soulé