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26 janvier. Le Snuipp réunit à Paris un colloque sur l’éducation prioritaire. A coté des interventions de chercheurs, la parole st donnée à des équipes de terrain qui ont témoigné comment les deux dispositifs sont vécus dans des contextes différents.

Plus de maîtres que de classes

Dans le Loir-et-Cher

Anne Degrais, directrice de l’école élémentaire Louise de Savoie à Romorantin-Lanthenay (41) explique comment, dans cette école la plus défavorisée du Loir et Cher, un poste de Maître supplémentaire a été créé en 2015 après avoir été demandé pendant quatre années.

La mise en place. En juin 2015, Pascale Métivier, quinze ans d’ancienneté dans l’école est nommée « plus de maitres que de clases » (PDM). L’équipe se réunit sur son temps personnel durant deux mercredis de suite pour chercher avant la rentrée comment va fonctionner ce poste. « On a consulté les textes de la DGESCO, on s’est débrouillés un peu tout seuls. »

Les difficultés de la mise en place. Il y a les directives et la mise en oeuvre. L’équipe est soudée, les enseignants se connaissent depuis longtemps. C’est une aide mais ça ne résout pas tout.

Les écueils à éviter. Il fallait définir tout ce qui n’est pas le dispositif, comme faire des échanges de services ou alléger les classes.

Ouvrir sa classe. L’équipe se rend compte que bien se connaître n’empêche pas les réticences. C’est difficile d’ouvrir sa classe, de confier ses élèves. « On ne voyait pas toujours comment faire, ça faisait peur ».

Le temps. Travailler sur les contenus, sur les modalités de fonctionnement, se remettre en question sans arrêt demande énormément de temps. L’équipe s’aperçoit très vite que ce temps-là lui manque. Ils décident alors d’arrêter les APC « On ne regrettait pas parce que les élèves ne venaient pas régulièrement, alors que le PMQC, ils en bénéficient tous ».

Ils écrivent à leur IEN pour l’ informer qu’ils utilisent ce temps pour travailler sur le poste de maître supplémentaire. Cette année, ils ont maintenu l’arrêt des APC.

Ce temps, explique Pascale Métivier, se décline deux fois par semaine le midi sur une durée de trente à quarante-cinq minutes. Les récréations sont aussi des moments de concertation. Et puis il y a les week-ends, utilisés pour préparer les co-interventions. Les échanges se font par mail ou par téléphone.

« On ne va pas se plaindre parce qu’on est très motivés. C’est un bénéfice énorme mais une charge de travail accrue. On ne se repose plus sur ce qu’on sait faire ».

Les bénéfices. Pascale Métivier constate qu’entre l’an dernier où elle avait du mal à faire accepter le co-enseignement et cette année, il y a eu réel progrès et elle entre maintenant facilement dans les classes.

L’équipe s’accorde à dire qu’il y a changement réel des pratiques et envie de continuer à avancer. Le maître supplémentaire est un trait d’union qui rapporte les pratiques vues dans les différentes classes et que d’aucuns peuvent s’approprier. Il est une impulsion et c’est ainsi que l’on voit des pratiques d’atelier en CP investies dans des classes de CM.

Pascale Métivier intervient sur les sept classes de l’école, davantage sur le cycle deux. L’équipe se pose la question de savoir s’il faut réduire le nombre de classes afin d’éviter le saupoudrage.

Pour ce qui est des progrès des élèves, Anne Degrais, explique combien il est difficile de faire la part des choses. Elle constate seulement que jusqu’à l’an dernier, les évaluations institutionnelles plaçaient l’école au bas de l’échelle sur le plan départemental comme sur le plan national. Cette année il y a une hausse de 13% en septembre par rapport aux années précédentes et 9% en juin.

Le climat scolaire est aussi un des bénéfices du dispositif. Les élèves sont beaucoup plus acteurs dans leurs apprentissages mais aussi plus sereins, plus confiants. « Ils travaillent plus et autrement quand on est deux dans la classe ».

En conclusion, à l’école Louise de Savoie à Romorantin-Lanthenay, la création d’un poste de maître supplémentaire est une réussite. « Ça nous épuise mais c’est vraiment un projet d’équipe. Il faut un directeur pour fédérer et une équipe investie. Pour l’instant, le dispositif repose sur la volonté de toute l’équipe mais il nous faut de la formation, un stage d’école, un accompagnement véritable. Changer ses pratiques c’est pas inné. »

En Seine Saint Denis

Benjamin Arassus est maître supplémentaire à l’école Jean-Jacques Rousseau à Bobigny (498 écoles classées REP ou REP+)

La mise en place. Le 93 est un département très jeune. Sur 10 000 enseignants, 1400 sont stagiaires, 1200 T1 et 1000 T2 avec une forte pression de la titularisation. « Mon équipe est sans cesse renouvelée. Je suis le plus ancien dans le poste, sept ans. On n’a pas pu définir le poste pour la rentrée de septembre car les nominations sont très tardives. »

Le début d’année est donc consacré à la mise en place du cadre auprès de ces tout jeunes enseignants qui découvrent le métier. On n’explique que le PMQC n’est ni un remplaçant, ni celui qui soigne les élèves quand ils tombent dans la cour. La directrice est le moteur de cette clarification.

Afin de nouer le contact et de commencer son travail, Benjamin propose à ses collègues de venir dans leur classe expliquer sa fonction, se présenter aux élèves, et ainsi, observer leurs difficultés. Ces deux semaines d’observation lui permettent de rentrer dans les classes de ses collègues. Ils ne se connaissent pas et c’est le début de leur communication pédagogique.

Les difficultés de la mise en place. Les collègues ne sont pas prêts. Les stagiaires sont sous pression (l’équipe fait le choix de les « laisser tranquilles »). Pour montrer comment on peut travailler, Benjamin fait des propositions de projets ponctuels et essaye de plus en plus de travailler à deux. Les collègues craignent la présence dans la classe. Et il y a aussi ceux qui ne voient pas l’intérêt du dispositif et préfèreraient avoir moins d’élèves. Avec l’entrée dans le travail, ces attitudes se modifient.

Le positif du dispositif. C’est très intéressant d’identifier les domaines d’intervention et de construire les modalités de fonctionnement adaptées. On travaille les objectifs et il en découle des organisations. Il y a une dynamique de la place de la pédagogie qui déborde sur le cycle 3 avec lequel Benjamin intervient moins. « Le PMQC met de l’huile dans le moteur pédagogique de l’école ».

L’allègement de service

Dans les Bouches du Rhône, Bénédicte Zanca, enseignante à l’école maternelle de la Soude à Marseille explique que ce dispositif est en place sur le département depuis trois ans. Il était très attendu car c’est du temps libéré pour l’équipe, pour les partenaires de l’école, pour les parents. Et c’est aussi une reconnaissance du travail.

Malgré une mise en œuvre dès 2014, l’administration n ‘a pas anticipé la rentrée et il y a à la fois un manque de cadrage, des fonctionnements disparates et des dysfonctionnements.

Tout le monde n’a pas les dix-huit demi-journées, les enseignants d’un même cycle ne sont pas déchargés en même temps, donc la concertation est reportée sur des plages horaires hors temps scolaire.

Le remplacement est fait par des brigades REP+ dédiées. 79 postes dont 54 créations. Il est problématique notamment pour les jeunes T2 qui se retrouvent en difficultés sur des remplacements d’une demi-journée qu’ils n’ont pas eu le temps de préparer. Les coordonnateurs et les Conseillers pédagogiques font du tableau Excel pour assurer la répartition par demi-journées. Après les nombreuses interpellations du SNUipp 13 pour une meilleure organisation, avec plages communes prévues à l’avance, il y a eu quelques améliorations avec persistance de conditions différentes.

Les enseignants considèrent que ces allègements sont un vrai bénéfice et une reconnaissance du temps dont ils ont besoin pour rencontrer les parents, observer les pratiques de classe, tester des projets, organiser des rencontres avec les partenaires du réseau, avec des intervenants extérieurs en lien avec la recherche EP. « Pour que ça serve à quelque chose, il faut que tout le monde soit déchargé en même temps et que le dispositif soit équitable. »

Dans le Loir-et-Cher, Yannick Serreau est ZIL REP+ depuis deux ans. Il remplace les collègues qui bénéficient d’un temps d’allègement depuis la toute petite section jusqu’au CM2.

Dans un travail conjoint entre SNUipp et DASEN, ils sont arrivés à un contenu équilibré qui répartit les 18 demi-journées en un tiers cycle, un tiers inter-cycle et un tiers parents d’élèves.

Par la nomination sur l’école de trois ZIL REP+, le fonctionnement du dispositif a bien débuté.

Le ZIL est employé à 100% sur toute l’année par demi-journée. C’est un travail spécifique : il ne « crée » pas la classe, il la « fait ». Elle est préparée par le titulaire. Il s’installe dans la continuité de l’apprentissage. Comme c’est le même ZIL qui remplace toute l’année, une confiance s’établit entre enseignants, parents, élèves.

« La cohérence pédagogique est importante. On est ZIL, certes, mais on est partie prenante du projet REP. »

La salle fait le constat qu’il y a une grande disparité sur les territoires dans la gestion de ce temps, son organisation, sa conception, la continuité pédagogique.

Ce dispositif doit perdurer, être étendu et amélioré dans sa mise en œuvre.

Propos recueillis par Michèle Vannini