A des adolescents immergés dans la culture numérique il convient d’apprendre à nager : l’Education aux Medias et à l’Information (EMI) est ainsi devenue un impératif pédagogique pour tous. Comment aider les élèves à résister aux possibles manipulations et désinformations du web ? Comment favoriser une démarche active de publication en ligne ? Comment former les enseignants eux-mêmes à ces nouvelles finalités et à ces nouveaux dispositifs ? Exemples de réponses dans un atelier de la conférence nationale « Cultures Numériques et de l’Éducation aux Médias et à l’Information » qui se déroule à l’ENS-IFE de Lyon du 9 au 11 janvier 2017.
Face au complotisme
Professeur de lettres-histoire en lycée professionnel, désormais directeur de l’atelier Canopé Orléans-Tours, Nicolas Le Luherne raconte sa démarche : celle d’un enseignant qui évolue face à ses propres erreurs, et qui fait ainsi évoluer son enseignement. Ce que Nicolas Le Luherne a cherché à montrer durant cet atelier, c’est un processus de réflexion qui l’a conduit à travailler avec ses élèves sur le complotisme et ses mécanismes. Le point de départ est ce qu’il qualifie d’erreur : avoir dit de manière péremptoire à l’un de ses élèves que les Illuminati n’existaient pas, et se retrouver un peu dépourvu face à la demande de l’élève de prouver ce qui n’existe pas. Il s’est alors plongé dans quelques articles théoriques qui lui ont permis de comprendre que nos « biais cognitifs nous piègent » et que si l’on est prédisposé à croire quelque chose, on va être amené à le croire. Dès lors il faut déconstruire nos objets de valeur.
La place de l’enseignant est de plus en plus indispensable : c’est un expert, qui accompagne et modélise. D’autant plus que la culture populaire baigne dans le complot (le stratège de Koh Lantha, ou des séries comme « Personn of interest », « Games of Thrones »…). Informations secrètes, intox rumeurs et fausse nouvelles : le complot est un storytelling et il y a tout un travail à faire sur cette question. Le projet mené avec les élèves, pour décoder le complotisme et son langage, son écriture, s’est ainsi inscrit dans un temps long, dans un parcours initiatique découvrant non seulement les pièges tendus par les biais cognitifs mais également la nécessaire humilité de l’enseignant qui, à défaut de pouvoir toujours convaincre, accompagne et modélise.
Un établissement, un blog ?
« Blogue ton école, ton collège, ton lycée » : tel est le projet présenté par Fouzia Sahili, conseillère en numérique pour la DANE de Dijon et correspondante Magistère pour l’académie de Dijon. L’objectif premier était de répondre à la demande ministérielle de créer un média par établissement, ce qui a pris la forme d’un concours de blog, ouverts à tous les niveaux, premier et second degré, mais aussi aux écoles du partenaire, la Mission laïque. Les thèmes de ce concours sont libres et amènent une grande diversité : promotions de filières, sujets scientifiques, journal de bord de l’établissement ou encore Première Guerre Mondiale, par exemple. La phase d’écriture dure jusqu’à mi mai, date à partir de laquelle le jury délibère.
Mais ce concours n’aurait sans doute pas eu le succès qu’il rencontre sans l’accompagnement des équipes sur le terrain. Cet accompagnement a pris la forme d’un blog d’appui et des formations : ainsi sept parcours de formation hybride assurées par des conseillers de la DANE et des formateurs de toutes les disciplinaires ont été mis en place, formateurs tous été formés à l’ingénierie de formation à distance et à ses caractéristiques. Des apports théoriques, une mise en réflexion/ cas pratique/ co-construction d’un scénario pédagogique à mettre en œuvre avec les élèves, et un prolongement est possible par un accompagnement individualisé. Cinq domaines étaient abordés dans ces formations, plus ou moins développés en fonction des besoins : les droits à l’image et le droit d’auteur, l’identité numérique, la recherche d’information et l’esprit critique et la veille informationnelle. Selon Fouzia Salihi, l’avantage de ces formations hybrides était de pouvoir proposer des apports théoriques, une mise en réflexion, l’étude de cas pratique et la co-construction d’un scénario pédagogique à mettre en œuvre avec les élèves. Un prolongement est possible par un accompagnement individualisé à l’issu de cette formation.
Parcours de formation pour les enseignants
Laurence Berne et Hélène Bruneau, professeures documentaliste dans l’académie de Grenoble, présentent un parcours de formation hybride, destiné à des enseignants de toutes disciplines. Ce parcours sera déployé et mis en œuvre par des formateurs de toutes disciplines, en fonction de leurs compétences propres. Il vise à proposer des apports théoriques afin qu’une culture commune et des références communes se créent, mais il veut également proposer des exemples concrets d’usages et de pratiques. Les formations en présentiel sont l’occasion pour chacun de travailler autour d’un des axes proposés (éducation à la recherche documentaire, identité numérique …), en interdisciplinarité. Ces scénarios bâtis lors du présentiel sont ensuite déposés sur la plateforme Magistère, avec la grille d’évaluation, et viennent ainsi nourrir la réflexion commune. Un deuxième niveau de ce parcours est proposé, pour les équipes de bassin ou en établissement, afin que le scénario ainsi construit en animation puisse trouver sa réalisation dans un projet d’établissement ou ou dans un projet interdegré.
Delphine Barbirati