Comment l’Education aux Médias et à l’Information peut-elle s’articuler aux programmes, en particulier de français ? Comment développer une pratique réfléchie des moyens d’information et d’échange tout en donnant plus de sens et de vitalité à l’exploration des genres et des oeuvres ? Au collège de Piégut-Pluviers en Dordogne, Amélie Mariottat ouvre bien des pistes à cet égard. Par exemple, ses 3èmes ont utilisé le site de partage de photos Instagram pour « créer une composition retraçant leur état d’esprit », « se raconter sans jamais se montrer », et ainsi aborder l’autobiographie à l’âge des réseaux sociaux. Au moment où s’ouvre la Conférence nationale sur l’EMI à Lyon, éclairages et conseils de l’enseignante qui a présenté ces activités au récent Forum des Enseignants Innovants du Café pédagogique.
Dans quel contexte avez-vous mené ce passionnant travail autour des médias ?
Cette classe de 3ème était identifiée comme démotivée et peu « scolaire » avec un souci tout particulier pour aborder des notions abstraites. Utiliser un projet global sur toute l’année a donné du sens aux enseignements et aux enjeux littéraires. Les élèves ont travaillé efficacement car ils devaient créer des supports pour rendre compte de leurs analyses grâce au journalisme. Nous avons utilisé la presse « papier » mais avons voulu aussi utiliser les outils numériques avec nos quatre tablettes et une salle info (24 postes) à disposition toute l’année.
Le travail mené invite les élèves à explorer différents médias, notamment les journaux papier et la radio : comment avez-vous intégré de telles activités à votre programme de professeure de français ?
J’ai utilisé les points du programme dans lesquels j’ai intégré les différents médias. Par exemple, nous avons travaillé sur la bande dessinée MAUS pour évoquer la fiction témoignant de l’Histoire. À l’issue du chapitre, les élèves devaient créer un journal télé pour présenter leurs découvertes et analyses. L’émission est l’occasion de synthétiser, reformuler et apprendre. On travaille donc sur les contenus du programme tout en s’initiant aux contraintes de ce média qui demande de l’exactitude et une bonne préparation écrite. Les compétentes orales sont bien évidemment au cœur de ce processus mais également toutes les compétences sociales car les élèves organisent eux-mêmes l’émission.
Vous avez utilisé en particulier le réseau social Instagram : de quelle façon ? avec quels profits ?
Dans le cadre de l’étude de l’autobiographie, je souhaitais proposer aux élèves de travailler l’image, mais je voulais détourner l’utilisation qui était la leur. J’ai donc décidé de leur proposer de raconter leur vie (comme dans les autobiographies étudiées) sans jamais se montrer. Loin du selfie habituel, les élèves ont du chaque semaine poster une photo ou un montage. Voici un exemple de défi : crée une composition qui retrace ton état d’esprit.
J’imaginais l’appréhension de certains parents un peu hésitant à autoriser leur enfant à mener ce projet, j’ai donc créé une vidéo présentant le projet. Tous les élèves ont pu participer à celui-ci. Ils ont beaucoup apprécié ce réseau et ont même demandé de poursuivre l’aventure sur les chapitres suivants. Ainsi, nous avons préparé le contrôle de lecture du Silence de la mer via Instagram. Les élèves devaient poster des images évoquant un passage de l’œuvre. Les camarades commentaient en citant le texte associé. Ils débattaient puis en classe on échangeait autour de ces interrogations. J’ai été ravie de l’implication et du regard de plus en plus aguerri des élèves sur l’image.
Vous travaillez en classe inversée et en évaluation par compétences : pouvez-vous expliquer le dispositif et en donner des exemples précis ? pourquoi le choix de travailler ainsi ?
Je pratique en effet la classe inversée depuis quatre ans et l’enseignement par compétences. « Il y a autant de classes inversées que d’inverseurs » est une phrase à laquelle j’adhère. Ma pratique en elle-même a également évolué en quatre années. Aujourd’hui, je peux résumer cela en précisant que toutes les activités sont faites en classe avec moi et seules les lectures d’œuvres intégrales ou cursives, les leçons et les phases de mémorisation sont à mener à la maison.
Pour être plus précise, les élèves ont un plan de travail qui permet de mener les activités selon leur rythme, chaque activité est évaluée et souvent plusieurs fois jusqu’à ce que la compétence travaillée soit maîtrisée. La classe inversée permet de mener cela facilement car nous gagnons du temps en enlevant le moment du cours magistral.
Ce qui reste central également, c’est l’interaction en classe entre les élèves qui coopèrent dans des îlots dans le but de réussir ces activités. Ils sont créateurs de contenus publiés car ils créent les fameuses vidéos appelées capsules qui servent ensuite à leurs pairs.
Les nouveaux programmes du collège invitent tous les enseignants à intégrer l’EMI à leur matière : à travers votre expérience, quel est l’intérêt d’aborder ainsi le programme par l’EMI et l’EMI par le programme ?
Je pense que le programme de Français permet facilement de mettre en œuvre l’EMI, du moins c’est un lieu propice selon moi. En effet, cela donne du sens au programme qui doit être maîtrisé car il faut créer le média. Les élèves sont donc impliqués tout au long du chapitre, car ils souhaitent créer un support attractif. La certitude de la publication demande une exigence que les élèves donnent volontiers. Ils sont donc acteurs de leurs apprentissages. Pour parler des outils rapidement, ils sont faciles à utiliser et permettent en deux heures de mener une séance bilan classique tout en publiant. Pour exemple, le site « Emaze » permet de créer un petit journal virtuel façon newspaper, l’outil « Mixlr » de créer une radio en quelques clics.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Le nouveau site d’Amélie Mariottat