« On nous annonce une politique d’austérité. Si on ne bouge pas maintenant… » Réunis à Paris le 3 janvier, les 135 enseignants du collectif « Touche pas ma Zep » ont décidé la fuite en avant. Pressés par le temps, en colère, ils veulent obtenir une nouvelle carte de l’éducation prioritaire incluant les lycées. Pour cela ils annoncent des actions toute cette semaine, une grève nationale le mardi 10 et promettent de « bordéliser la primaire » de la gauche, que de la gauche…
Des enseignants déterminés
Imaginez une grosse centaine d’enseignants enfermés durant des heures dans une salle surchauffée, discutant chaque motion dans des débats qui semblent un peu interminables… Le 3 janvier, le collectif Touche pas ma zep organise sa 5ème journée de grève et réunit ses fidèles.
Le collectif revendique 90 lycées dans une douzaine d’académies. Mais , ce 3 janvier, impossible de savoir exactement combien d’établissements sont touchés. C’est le jour de la rentrée et c’est aussi le 5ème jour de grève. Deux bonnes raisons pour ne pas participer au mouvement. Des enseignants interrogés sur place disent qu’il s’essouffle dans leur établissement.
Bordéliser la primaire
Mais dans l’assemblée générale, la détermination est forte. Les motions se succèdent et le collectif décide une tournée des lycées le 4 janvier , suivie de deux journées de grève jeudi 5 et vendredi 6. Une journée d’action nationale est décidée pour le mardi 10. Les idées fusent. L’adversaire c’est le gouvernement et la ministre à qui on demande d’intégrer des lycées dans l’éducation prioritaire. D’où l’idée d’aller « bordéliser la primaire » socialiste.
« La réforme de l’éducation prioritaire a été engagée en 2015. Si ceux qui l’ont engagé ne la terminent pas elle sera enterrée », nous a dit David Pijoan, professeur au lycée Maupassant de Colombes (92) et animateur du collectif. Pour lui, « la ministre « n’a plus d’arguments. Il lui reste la volonté politique d’y aller ou pas. On va tout faire pour lui mettre la pression ».
C’est que le collectif a pris le gouvernement au mot. Puisqu’il vante sa politique d’éducation prioritaire, pourquoi ne l’appliquerai-il pas également aux lycées des quartiers défavorisés ? Il est vrai que N Vallaud-Belkacem a salué le mouvement . Elle a même fait plus puisque 450 postes ont été fléchés vers les lycées « défavorisés » pour la rentrée 2017 et un récent décret a reconduit jusqu’en 2019 les bonifications des enseignants des lycées ex zep. Mais la ministre s’est bien gardée de revenir sur la carte de l’éducation prioritaire que certains trouvent déjà trop garnie. Les équilibres laborieusement trouvés en 2013-2014 sont jusque là préservés.
Pour le collectif, cela démontre que ce qui se prépare c’est la fin de l’éducation prioritaire au niveau lycée. « Si les primes disparaissent ce sera la montée du turnover des enseignants et la déstabilisation des équipes », nous dit D Pijouan.
« Un véritable abandon des classes populaires »
Professeure de français – histoire-géo eu lycée Jean Macé de Vitry (94), Anaïs Fromentière montre les enjeux du mouvement. « Pour l’instant on a encore les moyens nécessaires mais ils sont menacés », nous dit-elle. « On nous annonce la perte des dispositifs particuliers au lycée. On a déjà perdu les dédoublements dans les disciplines d’enseignement général. Mais on nous annonce qu’on va passer de 30 à 35 élèves par classe en série générale et de 24 à 30 en lycée professionnel ».
La question des points zep accordés pour le mouvement joue aussi un rôle dans sa mobilisation. « Je vais perdre mes 400 points dans deux ans et je n’aurai plus de possibilité de muter. Donc on va tous muter avant et cela va casser les équipes. Qui voudra aller à Créteil ou Versailles en sachant qu’il ne pourra jamais en sortir ? ».
Pour Anaïs Fromentière, « il y a un véritable abandon des enfants des classes populaires ». « J’essaie d’être au plus près de mes élèves et de leurs difficultés de tous ordres », dit-elle. « A 24 élèves par classe , on galère. Et on nous en annonce 30 ? On ne comprend pas qu’un gouvernement de gauche puisse proposer cela. On nous annonce un politique d’austérité pour 2017. Si on ne réagit pas maintenant… »
François Jarraud