Les enseignants du premier et du second degré sont bien les catégories de cadres les plus touchés par les risques pyschosociaux, affirme une étude publiée par la revue ministérielle Education & formations. Au coeur du problème : le manque de soutien hiérarchique et l’isolement des enseignants. Une position qui contraste avec le sentiment d’utilité ressenti par les professeurs.
Les dimensions des risques pyschosociaux
L’étude présentée par Sylvaine Jégo et Clément Guillo , de la Depp (division des études du ministère de l’éducation nationale) fait le point sur l’enquête menée par la Darès sur les risques pyschosociaux chez les enseignants en comparaison avec les autres cadres du privé ou du public.
Les risques pyschosociaux (RPS) sont définis comme « les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ». Ils ont aussi un impact fort sur la santé des individus et ce lien est encore démontré pour les enseignants.
L’enquête utilisée par la Depp repose sur les témoignages de 554 enseignants du primaire, 904 du secondaire, 152 du supérieur. Ils sont confrontés aux indications donnée spar 4290 cadres de la fonction publique et 4012 cadres du privé. Ils ont été pondérés en tenant compte de la composition de la population enseignante.
L’enquête s’intéresse à 7 dimensions des RPS. D’abord celle de la complexité au travail : le sentiment d’être sou s pression ou dépassé, par exemple. Ensuite le manque d’intérêt porté au travail, le sens du travail. Un troisième indice est la qualité des rapports sociaux au travail notamment les comportements hostiles ressentis par le salarié. Le 4ème indice concerne le manque de soutien hiérarchique. Les 6ème et 7ème indices leur sont proches : il s’agit de la qualité des rapports sociaux avec les collègues qu’on encadre ou hors encadrement. Le 5ème indice porte sur les exigences émotionnelles liées au travail : éviter de montrer ses émotions par exemple.
Les enseignants plus exposés que les autres
Ce que montre l’enquête c’est d’abord le fait que globalement, tous indices confondus, les enseignants sont les plus exposés aux risques pyschosociaux et parmi eux, les enseignants du premier degré. » L’indice global d’exposition aux facteurs de RPS indique que les enseignants, hormis ceux du supérieur, ont une exposition moyenne significativement plus élevée que les autres populations, surtout dans le premier degré ».
Mais cela ne concerne pas de façon égale toutes les dimensions des RPS. Ainsi le sentiment d’utilité dans le travail des enseignants est très forte et particulièrement dans le premier degré. « Ils sont plus nombreux à exprimer le plaisir, la fierté et l’utilité de leur métier », note l’étude. « Quant aux enseignants du second degré, leur part est plus proche de celui des cadres ». Mais l’enquête nuance cette affirmation en rpécisant que les enseignants sont aussi ceux qui déclarent le plus ne pas avoir l’occasion de développer leurs compétences professionnelles.
Les enseignants sont aussi parmi les cadres qui déclarent subir le moins de comportements hostiles. Sur ce terrain les cadres en contact avec le public adulte subissent plus de comportements hostiles sur leur lieu de travail. Par contre ils sont parmi les cadres qui doivent gérer les plus fortes exigences émotionnelles.
Les rapports hiérarchiques au coeur du problème
La particularité des RPS des enseignants tient d’abord à l’intensité du travail. Les enseignants du premier degré sont les cadres qui déclarent le plus subir de contraintes de temps et de pressions dans leur métier. Là il y a une différence avec les enseignants du second degré qui sont ceux qui déclarent le moins de pression ressentie.
Mais la plus forte caractéristique des RPS des enseignants, premier et second degré confondus, c’est le manque de soutien hiérarchique. « Ce sont surtout les enseignants qui déclarent manquer de soutien de leur hiérarchie et de moyens nécessaires pour bien faire leur travail, tant au niveau du matériel que de la formation », note l’étude. « Plus de 30 % des enseignants du premier degré et du second degré ne sont pas ou peu d’accord avec l’item « les personnes qui évaluent mon travail le connaissent bien », alors que les cadres représentent moins de 23 %. L’indice moyen d’exposition au manque de soutien hiérarchique est le plus élevé chez les enseignants, hormis ceux du supérieur, surtout pour le premier degré. Les tensions avec la hiérarchie se font plus ressentir pour eux ». A noter que les enseignants les plus jeunes se sentent plus soutenus que les autres.
L’autre grande particularité c’est le manque ressenti de soutien de la part des collègues et globalement le sentiment d’isolement.
Les RPS et le débat politique de 2017
Quelles conclusions tirer de cette enquête ? D’abord elle confirme les données fournies par l’OCDE dans l’enquête Talis. Elle signalait que les enseignants français sont les plus isolés et ressentent leur évaluation comme la moins juste de tous les pays de l’OCDE.
Elle confirme l’importance de l’entraide entre enseignants, une dimension que Pasi Sahlberg a bien mise en valeur. Plus que la formation c’est la création de réseaux d’enseignants qui peut avoir le plus d’impact sur les pratiques enseignantes.
Cette enquête soutient aussi la nouvelle carrière des enseignants mise en place par les accords PPCR qui invite à faire évoluer les rapports hiérarchiques dans l’éducation nationale et à faire d ela hiérarchie un soutien et un accompagnateur des enseignants.
Elle vient aussi contrarier ce qui pourrait être le grand phénomène de 2017 : le durcissement autoritaire de la hiérarchie qui est promise tant par des livres récents (Blanquer, Toulemonde par exemple) que par le candidat de la droite à la présidentielle.
Les enseignants ne souffrent pas d’un déficit d’encadrement et de consignes autoritaires. Ils en crèvent littéralement. A bons entendeurs, salut.
François Jarraud
L’entraide entre enseignants clé du succès
L’école française moins professionnelle car plus hiérarchique