Le simulateur de cours peut-il impliquer davantage les enseignants stagiaires dans leur formation ? La question ne se pose pas aux Etats Unis où existent plusieurs simulateurs de cours qui sont déjà largement utilisés. En France Fabien Emprin propose un simulateur de cours de maths qui permet de sortir des formations descendantes, subies par les stagiaires. Un projet original qui fait sa route et pourrait bientôt devenir un classique.
Vous connaissez SimSchool ? C’est un des deux simulateurs de cours déjà largement utilisés aux Etats Unis. Avec Sim School, vous reconstituez une salle de classe en tenant compte des caractéristiques de la votre et vous préparez votre cours en le jouant en mode graphique.
L’approche de Fabien Emprin est différente. Directeur Adjoint chargé de la formation et du numérique à l’ESPE de l’académie de Reims, Fabien Emprin propose un outil qui permet de jouer et rejouer une séance de cours de mathématiques ordinaire utilisant l’ordinateur. En fonction des consignes données aux élèves, on voit les écrans s’allumer ou pas, les élèves construire leur figure géométrique ou pas, travailler ou pas, poser des questions ou pas. Le simulateur propose en fin de partie une évaluation de ce qu’ont fait et appris les élèves et u récapitulatif de que le professeur a donné comme consignes. A vous alors de refaire mais en mieux…
Pourquoi avoir créé ce simulateur ?
Pour ma thèse de doctorat j’ai travaillé sur l’analyse de pratiques de formation incluant des technologies. Le point d’attaque c’était de se demander comment on les intégre en formation. Je m’étais rendu compte que souvent les formations aux technologies étaient menées par des militants qui confrontaient directement les enseignants aux logiciels. Je me suis posé la question d’y apporter de la réflexivité et j’ai cherché à le faire avec des vidéos. Jusqu’à ce que l’idée d’un simulateur s’impose.
J’ai travaillé sur les simulateurs américains. Mai j’ia trouvé qu’ils étaient trop centrés sur des aspects d’entrainement et de gestion de classe avec de pseudos profils d’apprentissage ayant en plus une dimension ethnique. J’ai donc décidé de faire mon propre outil.
Votre simulateur est-il à utiliser tout seul ou dans une formation ?
On peut jouer avec. Mais il est fait pour être incorporé dans une démarche de formation où les résultats seront exploités. Son objet c’est de faire réfléchir sur la façon dont on introduit le numérique dans son enseignement. On simule des pratiques avec des interactions des élèves qui ont été programmées à partir d ce que l’on a observé en classe. Par exemple, au démarrage du cours faut il donner d’abord une consigne ou pas ? On sait que les 2 tiers des élèves vont automatiquement mettre en route les ordinateurs si on ne leur interdit pas de le faire. Du coup ils manquent la consigne du cours.
Mais les élèves sont différents. Peut on vraiment modéliser leurs réactions ?
Le simulateur a intégré des dizaines de réactions d’élèves. Mais il ne prétend pas révéler la réaction d’un élève moyen. Il essaie de confronter les enseignants à un élève virtuel comme ils sont confrontés à des élèves inattendus en classe.
Du coup cela amène les enseignants en formation à discuter de ce qu’ils font en classe, par exemple comment ils lancent une activité.
Le simulateur ne prétend pas monter une seule réalité. Il crée un système d’interactions correspondant à des élèves moyens.
Le simulateur donne un bilan exploitable ?
En fin de partie il donne deux informations. D’une part un bilan de ce qu’ont fait els élèves, ce qu’ils ont construit et aussi ce qu’ils ont appris en sortant du cours. Enfin en se basant sur nos observations, un bilan aussi de ce que les élèves ont retenu une semaine après le cours. D’autre part le bilan reconstitue minute par minute ce que l’enseignant a donné comme consignes. Ce scénario permet de créer d’autres parcours pour les tester.
Ce simulateur n’est donc pas un serious game. Dans un serious game il y a un scénario de jeu qui arrive à une situation optimale. Dans le simulateur il n’y a pas de situation optimale mais des compromis comme dans la réalité.
Vous imaginez des développements ?
On travaille avec un organisme de valorisation de la recherche au développement d’un moteur permettant à des formateurs d’intégrer leur propre scénario.
Vous avez présenté en octobre ce simulateur à un congrès de l’Apmep (association des professeurs de maths). Quel accueil a-t-il eu ?
On me demande souvent si les étudiants trouvent que le simulateur est réaliste. Il est en fait bien accepté chez les stagiaires comme un exemple parmi d’autres et non comme un modèle à suivre. Ils trouvent l’idée intéressante car elle permet de se dégager des formations descendantes. Avec le simulateur, les stagiaires se questionnent.
Propos recueillis par FRançois Jarraud