Il existe actuellement de nombreux événements de communication scientifique comme « Famelab », « Ma thèse en 180 secondes » ou « TedX » et les élèves ont quant à eux la possibilité de participer à d’excellents concours tels que Olympiades scientifiques, concours « C. génial », concours d’éloquence… Mais jusqu’alors aucun concours ne proposait de rassembler des scientifiques et des élèves sur la même scène. Guillaume Chevallier, enseignant de sciences physiques, a créé le « Science Slam Européen » au lycée franco-allemand de Freiburg en Allemagne. Son projet a été retenu pour le Forum des enseignants innovants.
CR : Qu’est-ce qu’un Science Slam ?
Le Science Slam est, depuis sa création en Allemagne en 2006, un concours d’éloquence pour les universitaires. « Slam » signifie « tournoi » dans ce cas. Je n’ai fait que copier et modifier le format de ce type de tournoi afin de l’adapter à mon établissement.
CR : Quel est le principe de votre Science Slam Européen ?
GC : 8 candidats, élèves ou chercheurs, exposent sur scène des sujets scientifiques en moins de dix minutes en alternant avec 2 langues (français et/ou allemand et/ou anglais). A l’instar du poetry slam, le public, donne une note à la fin de chaque prestation. Cela se passe au sein de l’établissement et l’ensemble de la communauté scolaire ainsi que les autres citoyens sont invités à participer à cette soirée.
CR : Comment les élèves se préparent-ils ? Comment peuvent-ils se trouver au niveau de scientifiques universitaires et chercheurs ?
GC : « L’affrontement » entre chercheurs et élèves est artificiel. A la fin de la soirée, il y a deux classements : un pour les élèves et un autre pour les chercheurs. En revanche, pendant la préparation tout au long de l’année, on insiste beaucoup pour que les élèves prennent contact avec des scientifiques afin de bien maîtriser leur sujet.
CR : Cela fait beaucoup de partenaires, est-ce que ça marche vraiment ?
GC : Tellement bien que cela crée une dynamique et de nouveaux partenariats car toutes les parties prenantes sont gagnantes. Les entreprises et les universités ont besoin de futurs scientifiques et nous avons besoin de scientifiques pédagogiques. Cette innovation est incrémentale et ascendante. A chacun de l’adapter en fonction du profil de l’établissement. En 2016, le lycée Jean Michel de Lons-le-Saunier a déjà reproduit cette forme de compétition avec sa section européenne-allemand. En mars 2017, le lycée français de Francfort adaptera ce type de tournoi grâce à sa section européenne-anglais et son bassin industriel.
CR : Votre établissement est un lycée franco-allemand en Allemagne. Qu’est-ce que cela change par rapport à nos lycées en France?
GC : Cet établissement est particulier puisqu’il est biculturel et binational, avec environ 1/3 de collègues français et 2/3 de collègues allemands, un proviseur allemand et une proviseure française, et nos élèves viennent de Freiburg et de sa région mais aussi d’Alsace et de Suisse. On trouve 2 autres lycées franco-allemands: à Buc près de Versailles et à Sarrebruck. Le programme enseigné au collège et au lycée est donc un compromis entre les 3 systèmes éducatifs: celui de l’éducation nationale, celui de la Sarre et celui du Bade- Wurtemberg.
CR : cette bivalence de l’établissement est-elle un problème parfois ?
GC : Dans cet établissement, nous sommes donc toujours à la recherche du compromis. On ne peut pas faire autrement au quotidien. C’est vrai pour le fonctionnement de la direction mais aussi entre les collègues, avec et entre les élèves et bien entendu avec les parents. Cela transparait également dans les méthodes pédagogiques et les projets menés. Cette recherche du compromis engendre beaucoup d’engagement de la part de toute la communauté scolaire…et parfois aussi un peu de frustration.
D’ailleurs le concept du science slam européen est un produit de cette culture du mélange et du compromis :
-Mélange des langues pour les candidats: français, anglais, allemand
-Mélange des sujets scientifiques : physique, chimie, biologie, technologie et informatique
-Mélange de 2 types de candidats sur la scène: élèves et scientifiques
– Mélange de l’évaluation des candidats : 50 % des points de la part d’un jury composé de scientifiques (parents, enseignants et élèves) et 50 % des points de la part du public.
-Mélange des talents lors de la longue préparation de cette soirée avec une équipe composée d’élèves, d’enseignants et de parents…et de la direction naturellement.
-Mélange des partenariats : universités, entreprises, centre culturels, autres établissements scolaires.
En tant qu’organisateur, cela me demande beaucoup de travail mais je le fais volontiers car ce mélange des genres me procure beaucoup de plaisir.
CR : Quels élèves participent ?
GC : Tous les élèves peuvent participer, quels que soient leur niveau et leur section. Depuis 4 ans, on constate que les élèves sont souvent des élèves allant de la 3ème à la Terminale… Mais un élève de 4ème a pourtant gagné le premier science slam. Les garçons sont malheureusement surreprésentés, mais l’année dernière il y avait 2 filles sur la scène parmi les 5 élèves candidats. Une élève en 1eS et une élève en 1eL.
CR : Comment se passe la préparation des élèves ?
GC : Les collègues scientifiques motivent les élèves dès le début de l’année. Au mois de mars, une quinzaine d’élèves arrivent finalement à présenter un sujet scientifique avec quelques expériences. Les candidats sont sélectionnés par un jury d’enseignants afin de n’en retenir que 5 en vue de la soirée « Science Slam » au mois de mai. Entre mars et mai, les élèves essaient de rencontrer quelques enseignants afin de retravailler certains aspects. De plus, les élèves sélectionnés ont un stage de mise en scène avec un metteur en scène. Cette année, 3 enseignants de français et de théâtre sont disponibles sur rendez-vous pour préparer les élèves à l’art oratoire avant la sélection.
CR : D’autres élèves peuvent-ils aussi s’impliquer dans le projet ?
GC : Bien sûr ! De nombreux élèves participent également à la préparation de cette soirée : technique, vidéo, concours d’affiches, relations avec la presse, jury, photographie, présentation de la soirée, performances artistiques lors de la soirée, restauration, …
CR : Comment ce projet peut-il se relier à un programme? Pouvez-vous donner un exemple?
GC : Ce projet aurait sa place dans les démarches interdisciplinaires tels que les EPIs en collège ou les TPE en lycée. Le Science Slam pourrait aussi être adapté en primaire puisque la démarche est également polyvalente, ou dans un lycée technologique puisqu’il associe les élèves et les spécialistes. On peut tout imaginer…tout en conservant l’essentiel de ce concept : imposer les règles de base (présentations scientifiques de courte durée dans plusieurs langues vivantes), motiver 2 types de candidats (des élèves et des scientifiques ou des experts de leur matière), préparer les candidats à l’art de la mise en scène, préparer cette soirée tout au long de l’année scolaire avec une équipe (enseignants, élèves et parents) et enfin inviter l’ensemble de la communauté scolaire et les différents citoyens à assister et à voter dans le public.
CR : Quand est la prochaine présentation ? Pourra-t-on la suivre en direct ou la voir ensuite en ligne ?
GC : Le 17 mai 2017, ce sera la 4ème édition et chaque année, on constate beaucoup de plaisir partagé sur la scène mais aussi dans le public : de l’élève de CM2 au professeur d’université en passant par les parents non scientifiques ! Les vidéos seront ensuite sur le site du lycée : www.dfglfa.net
Propos recueillis par Christine Reymond