Au collège Danièle Argote à Orthez, Aurore Coustalat, professeure d’anglais, et Marie Soulié, professeure de français, ont relié leurs matières et leur imagination pour construire un bel EPI, présenté au Forum des Enseignants Innovants 2016. Les élèves participent à un projet de « simulation globale » autour d’Harry Potter : un scénario pédagogique inspiré du roman, conçu comme une fiction, jalonné de missions précises à réaliser. Le projet développe des compétences disciplinaires (lecture, écriture, oral), mais aussi transdisciplinaires (créativité, collaboration, appropriation du numérique). Sorcières de la pédagogie, les enseignantes révèlent ici quelques secrets de leur recette, dont la complicité fait la magie : « complicité entre les élèves car ils doivent collaborer autour d’un projet commun et stimulant, complicité entre nous car cette aventure est extraordinaire à vivre et marquera notre parcours professionnel. »
Votre EPI est conçu sur le mode d’une « simulation globale » : quel en est le point de départ ? quelles sont les différentes étapes du scénario ?
La simulation globale proposée aux élèves les plonge dans l’univers d’Harry Potter, ils ont d’abord été répartis dans leur maison lors d’une cérémonie du Choixpeau, puis ils sont devenus les complices de la jeune sorcière Fleur Delacour. Fleur est invitée à rejoindre Harry à Poudlard afin de participer à un tournoi de Quidditch. Nos petits moldus béarnais doivent l’aider dans cette aventure, car hélas Fleur ne parle pas un mot d’anglais. Ils vont ainsi devoir franchir quelques obstacles que nous avons imaginés sous forme de missions qui jalonneront leur parcours.
Après chaque mission accomplie, les élèves reçoivent un label en lien avec le type de production créée qu’ils collectionnent sur leur carte d’étudiant “Hogwarts Student ID ».
Dans le cadre de ce scénario, vos élèves sont amenés à réaliser des productions diverses : pouvez-vous en donner des exemples ? en quoi ces réalisations sont-elles susceptibles de les faire progresser en français et en anglais ?
Les réalisations sont en lien avec nos deux programmes : nous visons des objectifs en matière d’écriture, de lecture-compréhension et d’expression orale dans chaque matière. Nous nous retrouvons sur des activités où les deux langues sont utilisées comme la création de notre dictionnaire “Le Petit Potter”, l’écriture d’une lettre en Français après avoir lu une lettre en anglais, le dialogue moitié français (pour Fleur) moitié anglais (pour Harry) lors de la première rencontre dans le chemin de traverse, les portraits des fondateurs animés parlant dans les deux langues etc… Notre EPI repose également sur l’étude d’Harry Potter à l’école des Sorciers, c’est notre base de travail dans les deux langues avec des extraits en anglais et la lecture complète du roman en français.
Le numérique occupe une place importante dans cet EPI : quel matériel et quels outils utilisez-vous pour favoriser l’activité des élèves, la mutualisation et la diffusion de leurs travaux ?
Pour le travail collaboratif qu’implique notre EPI, nous utilisons une plateforme d’échange et de production (Seesaw) : le travail y est distribué et les élèves y déposent leurs travaux. Nous avons choisi cette plateforme car elle est accessible à partir de tablettes, smartphones et ordinateurs et elle permet d’annoter, de commenter les productions des élèves à l’écrit et à l’oral afin de les améliorer grâce à un aller-retour entre le professeur et les élèves. Les élèves produisent à leur rythme, commencent leur activité en classe, mais peuvent si besoin la reprendre à la maison. Il n’y a plus vraiment de frontières entre les temps en classe et hors de la classe.
Pour les productions nous utilisons souvent le numérique et nous les publions pour les parents sur le blog de Seesaw. Nous utilisons des applications de réalité augmentée comme Aurasma pour enrichir par exemple la gazette.
Nous utilisons aussi de la réalité virtuelle afin de plonger les élèves dans le chemin de traverse avant la description d’une des boutiques. Mais aussi des applications de montage vidéo comme GreenScreen, PuppetPals ou iMovie. Enfin, nous avons créé une page Facebook sur laquelle les élèves sont fiers de publier leurs productions.
Vous avez longuement pris le temps de concevoir ensemble ce projet l’an passé : qu’est-ce que sa réalisation avec les élèves y a éventuellement transformé et vous a peut-être enseigné ?
Pour l’instant, tout se déroule comme prévu. Notre calendrier est respecté, les élèves adhèrent au projet et nous donnent des idées pour la soirée Poudlard qui sera organisée en janvier. Par exemple, un groupe souhaite fabriquer la cheminée des Dudley afin d’y faire sortir des lettres comme on peut le voir dans l’histoire.
Vous avez précisément prévu de clore le projet par une présentation aux parents : pouvez-vous expliquer de quoi il s’agit ?
C’est en fait une surprise, nous ne pouvons pas prendre le risque de dévoiler notre projet aux parents, mais pour les lecteurs du café nous allons faire une exception. On pourra voir dans la grande salle de Poudlard (notre salle d’anglais) des portraits animés accrochés au mur, des gazettes seront à disposition, et bien sûr la soirée sera clôturée par un tournoi de Quidditch qui se tiendra dans la cour.
Au final, quels vous semblent les intérêts de travailler ainsi en interdisciplinarité : pour les élèves ? pour les enseignants ?
Un mot pour résumer cette aventure : complicité. Complicité entre les élèves et nous au sujet du secret bien tenu sur la soirée Poudlard, complicité entre eux car ils doivent collaborer autour d’un projet commun et stimulant, complicité entre nous car cette aventure est extraordinaire à vivre et marquera notre parcours professionnel.
Au final encore, quels vous semblent les intérêts de concevoir le projet sur le mode de la « simulation globale » plutôt que comme une séquence scolaire traditionnelle ?
La simulation globale ouvre la porte du rêve et cela fait du bien quand l’école aménage des temps d’évasion. Nous jouons aux sorciers tout en travaillant dur afin d’atteindre un objectif commun.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Le blog sur Seesaw
La page Facebook
Présentation de l’EPI
Le plan de travail sur le blog d’Aurore Coustalat
Les lettres de Fleur Delacour
Les portraits
Marie Soulié, grand prix du Forum 2015