Dans la rubrique juridique n° 170, à laquelle je vous renvoie pour les références, nous avions, en l’attente du décret pris en Conseil d’Etat à venir, commenté la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Le 16 novembre dernier, la Direction Générale de la fonction publique a, lors d’un groupe de travail, consulté les organisations syndicales de la fonction publique afin de recueillir leur avis sur un projet de décret venant préciser la loi précitée.
C’est donc ce projet, applicable au 1er janvier 2017, qui, vraisemblablement, sera publié en l’état, que nous allons maintenant étudier avec les réserves d’usage s’agissant… d’un projet.
Rappelons, au préalable, qu’après un élargissement des possibilités de cumul d’activités en 2007 puis en 2011, la loi, et son décret d’application, constituent indéniablement un retour en arrière.
Soulignons ensuite que ce décret fusionne et abroge les décrets n°2007-611 du 26 avril 2007 relatif à l’exercice d’activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et à la commission de déontologie et n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’Etat.
Précisons enfin, qu’en application des dispositions de son article 39 « Pour l’application du présent décret, les demandes d’autorisation, les déclarations de cumul d’activités ainsi que les avis de la commission de déontologie et les décisions administratives prises sur leur fondement sont versés au dossier individuel de l’agent. »
Sous le Titre Ier L’EXERCICE D’ACTIVITES PRIVEES PAR DES AGENTS PUBLICS ET CERTAINS AGENTS CONTRACTUELS DE DROIT PRIVE AYANT CESSE LEURS FONCTIONS, nous trouvons tout d’abord l’article 2 qui intéresse les agents cessant temporairement ou définitivement leurs fonctions : « L’agent mentionné au I et III de l’article 1er cessant temporairement ou définitivement ses fonctions, et qui est placé à ce titre dans une position conforme à son statut, qui se propose d’exercer une activité privée, est tenu d’en informer par écrit l’autorité dont il relève trois mois au plus tard avant le début de l’exercice de son activité privée.
Tout nouveau changement d’activité pendant un délai de trois ans à compter de la cessation de fonctions est porté par l’agent intéressé à la connaissance de son administration trois mois au plus tard avant l’exercice de cette nouvelle activité.
Ce délai peut être réduit par l’autorité mentionnée aux alinéas précédents lorsque la commission de déontologie de la fonction publique mentionnée à l’article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée rend un avis avant le terme du délai prévu à l’article 36. ».
Par conséquent, pensez-y avant de claquer la porte…
Sous le TITRE II, LE CUMUL D’ACTIVITES DES FONCTIONNAIRES ET AGENTS CONTRACTUELS DE DROIT PUBLIC, nous retrouvons tout d’abord l’article 6 qui stipule que : « Dans les conditions fixées au I et au IV de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, et celles prévues par le présent décret, l’agent mentionné au I et au II de l’article 1er peut être autorisé à cumuler une activité accessoire avec son activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d’une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires. »
Ces activités accessoires sont précisées par l’article 7 : « Les activités exercées à titre accessoire susceptibles d’être autorisées sont les suivantes :
I. – Dans les conditions prévues à l’article 6 :
1° Expertise et consultation, sans préjudice des dispositions du 3° du I de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée et, le cas échéant, sans préjudice des dispositions des articles L. 531-8 et suivants du code de la recherche ;
2° Enseignement et formation ;
3° Activité à caractère sportif ou culturel, y compris encadrement et animation dans les domaines sportif, culturel, ou de l’éducation populaire ;
4° Activité agricole au sens du premier alinéa de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime dans des exploitations agricoles non constituées sous forme sociale, ainsi qu’une activité agricole exercée dans des exploitations constituées sous forme de société civile ou commerciale ;
5° Activité de conjoint collaborateur au sein d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale mentionnée à l’article R. 121-1 du code de commerce ;
6° Aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, à son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou à son concubin, permettant au fonctionnaire de percevoir, le cas échéant, les allocations afférentes à cette aide ;
7° Travaux de faible importance réalisés chez des particuliers ;
8° Activité d’intérêt général exercée auprès d’une personne publique ou auprès d’une personne privée à but non lucratif ;
9° Mission d’intérêt public de coopération internationale ou auprès d’organismes d’intérêt général à caractère international ou d’un Etat étranger.
II. – Dans les conditions prévues à l’article 6 du présent décret et à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, [outre les activités mentionnées au 1°, au 2°, au 3°, au 4° et au 7° du I], et sans préjudice des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 précitée :
1° Services à la personne mentionnés à l’article L. 7231-1 du code du travail ;
2° Vente de biens fabriqués personnellement par l’agent. »
L’article 8 pose ensuite le principe d’une autorisation préalable qu’il ne vous faudra surtout pas ignorer : « Le cumul d’une activité exercée à titre accessoire mentionnée à l’article 7 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d’une autorisation par l’autorité dont relève l’agent intéressé.
Toutefois et sous réserve des interdictions d’exercice d’activités privées prévues aux 2°, 3° et 4° du I de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, l’exercice d’une activité bénévole au profit de personnes publiques ou privées sans but lucratif est libre. »
Et l’article 9 précise le contenu de cette autorisation : « Préalablement à l’exercice de toute activité accessoire soumise à autorisation, l’intéressé adresse à l’autorité dont il relève qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes :
1° Identité de l’employeur ou nature de l’organisme pour le compte duquel s’exercera l’activité accessoire envisagée ;
2° Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité accessoire.
Toute autre information de nature à éclairer l’autorité mentionnée au premier alinéa sur l’activité accessoire envisagée peut figurer dans cette demande à l’initiative de l’agent. L’autorité peut lui demander des informations complémentaires. »
Puis l’article 10 pose la forme et le contenu de la réponse de l’administration : « L’autorité compétente notifie sa décision dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande.
La décision de l’autorité compétente autorisant l’exercice d’une activité accessoire peut comporter des réserves et recommandations visant à assurer le respect des obligations de déontologie mentionnées à l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, ainsi que le fonctionnement normal du service.
Lorsque l’autorité compétente estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l’intéressé à la compléter dans un délai maximum de quinze jours à compter de la réception de sa demande. Le délai prévu au premier alinéa est alors porté à deux mois.
En l’absence de décision expresse écrite dans le délai de réponse mentionné aux premier et troisième alinéas, l’autorisation d’exercer l’activité accessoire est réputée ne pas avoir été accordée.
L’activité accessoire ne peut être exercée qu’en dehors des heures de service de l’intéressé. »
Et là, tout en relevant que l’absence de réponse équivaut à une réponse négative, nous pouvons, sans trop nous tromper, présager que la précision sur le « fonctionnement normal du service », notion floue et d’application très variable, entrainera vraisemblablement des appréciations très variables selon les situations… et les relations avec l’autorité hiérarchique.
L’article 11 souligne ensuite ce qu’il ne vous faudra pas oublier si vous ne voulez pas vous retrouver dans une situation difficile, c’est-à-dire que « Tout changement substantiel intervenant dans les conditions d’exercice ou de rémunération de l’activité exercée à titre accessoire par un agent est assimilé à l’exercice d’une nouvelle activité.
L’intéressé doit alors adresser une nouvelle demande d’autorisation à l’autorité compétente dans les conditions prévues à l’article 9. »
Et l’article 12 pose à son tour des dispositions qui sont également à considérer avec attention : « L’autorité dont relève l’agent peut s’opposer à tout moment à la poursuite d’une activité accessoire dont l’exercice a été autorisé, dès lors que l’intérêt du service le justifie, que les informations sur le fondement desquelles l’autorisation a été donnée apparaissent erronées ou que l’activité en cause ne revêt plus un caractère accessoire. »
Soit, une fois encore, avec la notion d’application très variable « d’intérêt du service », une belle épée de Damoclès…
L’article 13 précise enfin que : « Dans l’exercice d’une activité accessoire, les agents sont soumis aux dispositions de l’article 432-12 du code pénal. », dispositions qui sont les suivantes : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. (…) »
Le CHAPITRE II de ce décret intitulé LA CREATION OU LA REPRISE D’UNE ENTREPRISE, comporte deux articles dont les dispositions intéresseront les enseignants concernés :
L’article 15 qui évoque la situation de « L’agent mentionné au I et II de l’article 1er qui, en application du III de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée et en dehors des activités mentionnées au II de l’article 7 du présent décret, se propose de créer ou de reprendre une entreprise ou une activité libérale, adresse à l’autorité hiérarchique dont il relève une demande écrite d’autorisation à accomplir un service à temps partiel, trois mois au moins avant la date de création ou de reprise de cette entreprise ou de cette activité.
Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice des dispositions des articles L. 531-1 et suivants du code de la recherche. »
Et l’article 16 qui précise que « Sous réserve que l’agent remplisse les conditions requises pour bénéficier d’un service à temps partiel et dans les conditions définies au deuxième alinéa du III de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, l’autorité compétente saisit par téléservice la commission de déontologie de la fonction publique de cette demande dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle elle l’a reçue. »
Et là vous noterez que cet article évoque des « conditions requises » attachées à l’enseignant et non au service… ce qui devrait faciliter l’octroi de l’autorisation.
Notons, à ce propos, que dans les dispositions transitoires, l’article 43 prévoit que « Conformément au II de l’article 9 de la loi du 20 avril 2016 susvisée, les autorisations de cumul pour création ou reprise d’entreprise qui ont été accordées avant l’entrée en vigueur du présent décret ne peuvent être prolongées au-delà du 20 avril 2018 que si les fonctionnaires qui en bénéficient sont également autorisés par les autorités hiérarchiques dont ils relèvent à accomplir un service à temps partiel. »
Terminons par deux autres articles d’intérêt de ce projet de décret :
L’article 21 qui précise que « L’agent mentionné au 1° du II de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée peut continuer à exercer son activité privée pendant une durée d’un an, renouvelable une fois, à compter de son recrutement dans l’administration dans des conditions compatibles avec ses obligations de service et sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance, à la neutralité du service ou aux principes déontologiques mentionnés à l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée. » qui évoque la situation du dirigeant de société ou d’association à but lucratif, lauréat d’un concours ou recruté en qualité d’agent contractuel de droit public.
Et l’article 23 qui dispose que « L’agent mentionné au 2° du II de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée peut exercer, outre les activités accessoires mentionnées à l’article 7, une ou plusieurs activités privées lucratives en dehors de ses obligations de services et dans des conditions compatibles avec celles-ci et sous réserve que ces activités ne portent pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance, à la neutralité du service ou aux principes déontologiques mentionnés à l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée. ».
L’agent mentionné au 2° du II de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 étant l’agent dont le contrat est soumis au code du travail en application des articles 34 et 35 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, et qui occupe un emploi permanent à temps non complet ou incomplet pour lequel la durée du travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire du travail.
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
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