Labellisé par la « Mission du centenaire », Frédéric B. (14-18), Ma guerre en temps réel, 100 ans après, basée sur mes carnets confiés aux lycéens de #Fonsorbes et le blog «Mon journal de Guerre» sont le fruit d’un projet pédagogique mené actuellement auprès d’élèves de 1ères dans un Lycée de l’Ouest toulousain, dans le cadre d’un atelier bi-mensuel regroupant de jeunes adolescents volontaires.
Le projet a été pensé et initié par un professeur d’Histoire-Géographie, M. Bouvier, à l’heure des commémorations du Centenaire de la Première guerre mondiale. Il s’agit de confier à quelques collégiens la Mémoire d’un poilu, contenue dans les pages dactylographiées d’un Journal de guerre qu’a laissé Fréderic B. à ses descendants. L’actuel travail doit donc beaucoup à la confiance donnée par Bertrand Channac, petit-neveu et dépositaire des carnets de Frédéric B., quant à l’usage pédagogique fait des écrits de son aïeul.
En 1914, Frédéric B. avait 17 ans[1] et était soldat du 99e Régiment d’infanterie. Dans les tranchées, il prenait des notes quant à son vécu et celui de ses camarades. Lors de chaque permission, il les recopiait à la machine à écrire. Aujourd’hui, c’est à partir de ces documents dactylographiés laissés à sa famille que ces jeunes 1ères volontaires du Lycée Clémence Royer, encadrés par leur enseignant d’Histoire-Géographie, postent en son nom, chaque semaine, sur le site, des extraits de ses souvenirs de guerre.
Ces mêmes souvenirs sont partagés au jour le jour sur le compte Twitter, géré de la même façon que le présent journal numérique. Vous êtes invités à le suivre, et à y découvrir ses peurs, ses espérances, ses expériences, ses amitiés, ses traumatismes … sa guerre avec le regard de jeunes adolescents.
Le projet a débuté en novembre 2014. Durant la dernière semaine de novembre 2014, les élèves ont pris connaissance des récits concernant la dernière semaine de novembre 1914. Rien ne leur a été dévoilé quant au sort final de Frédéric B. (a-t-il survécu ? a-t-il été blessé ? a-t-il été tué ? si oui, en quelle année ?). L’anonymisation même dudit Frédéric B., dont le nom de famille est tronqué (il sera révélé à la toute fin des commémorations du Centenaire), vise au même objectif : rendre son expérience plus universelle, laisser les élèves dans un relatif inconnu quant à l’avenir de ce combattant, afin de susciter chez eux une curiosité – si ce n’est une empathie – plus importante concernant le destin et les ressentis de Frédéric B.
Chaque semaine, les tweets sont rédigés et leurs publications programmées par les élèves pour être publiés cent ans après les événements racontés. Il s’agit de respecter la contrainte des 140 caractères tout en respectant l’esprit de la source. Les tweets sont complétés par des illustrations choisies ou réalisées par les élèves.
Concernant le blog, il s’agit de rédiger un billet hebdomadaire. Les billets retranscrivent l’intégralité des souvenirs de Frédéric B., sont annoncés sur le compte Twitter associé, et constituent le complément indispensable à ce dernier. Un appareil explicatif peut être adjoint, le cas échéant, au texte de Frédéric B., par le biais de recherches documentaires, afin d’expliciter quelques passages obscurs au lecteur ou de replacer la source dans son contexte. De même que pour les tweets, des illustrations peuvent être choisies, après validation de l’enseignant, afin d’accompagner les écrits du combattant.
Tout ceci est complété, à un rythme plus variable, de billets explicatifs sur des aspects de la vie des poilus et s’appuyant sur des recherches basées sur des supports variés.
Dans un article publié en mars 2015 sur le site de l’APHG (Y. Bouvier – « Enseigner la Grande guerre : les Carnets de Fréderic B. / Histoire, Mémoire et TICE » – Site internet de l’APHG (Association des Professeurs d’Histoire-Géographie http://www.aphg.fr/Enseigner-la-Grande-Guerre-les – 30 mars 2015), Yann Bouvier explicite l’origine de son projet et les raisons de son choix. Ainsi, concernant Twitter, il indique
« Mon choix se porta sans tarder sur le support Twitter, de par une triple justification. Les adolescents en sont friands : son usage aurait pour avantage de contribuer à susciter la curiosité des élèves et à aiguiser leur implication dans les commémorations de la Grande Guerre. De plus, dans le cadre d’une réflexion uchronique, il serait légitime de penser que si le conflit avait débuté en 2014, les Poilus feraient part de leur vécu non dans des carnets intimes ou des lettres adressées à leurs proches mais bien via les réseaux sociaux. Enfin, ceux-ci sont à même d’offrir une caisse de résonance non négligeable à un projet pédagogique, ce qui permettrait de mieux contribuer à faire revivre la Mémoire des Poilus, de ces individualités depuis longtemps retombées dans l’oubli au profit, y compris dans le cadre des programmes scolaires, d’une histoire des masses (à de rares exceptions près, tel Louis Barthas mis en lumière par Rémy Cazals, et dont la lecture avait marqué ma première année de faculté)».
Le choix d’un poilu d’un très jeune âge est lui justifié pour accentuer le phénomène d’identification avec les adolescents d’aujourd’hui.
Lors de sa mise en œuvre à l’été 2014, le projet est organisé dans le cadre de l’Accompagnement éducatif, proposé à des élèves volontaires des classes de 3e de collège. En fonction du créneau horaire de cet atelier, 10 élèves se portèrent volontaires. Un seul élève abandonna. Les publications des élèves débutèrent en novembre 2014. Préalablement, depuis juillet 2014, Yann Bouvier avait alimenté le compte Twitter, pré-créé au plus fort du début des commémorations du Centenaire, par des messages s’appuyant sur la vie de conscrit que Frédéric B. menait à l’été 1914, et sur les événements des premiers mois du conflit.
La carte d’illustration, basée sur une carte d’Etat-major publiée dans le JMO du Régiment de Frédéric B., a été transformée et co-réalisée par l’enseignant et des élèves de l’Atelier.
Il est à noter qu’il a été convenu avec la direction que les élèves ne pourraient pas avoir un accès direct aux comptes Twitter et Overblog, afin de minimiser les risques de dérapages éventuels, les publications y engageant la responsabilité de l’établissement. C’est l’enseignant qui s’occupe ainsi de la publication tant sur le compte Twitter que sur le blog.
Trois élèves s’impliqueront plus particulièrement dans cette aventure concernant le compte Twitter
« Clément, Hugo et Axel ont été les élèves les plus investis dans la réalisation de ce travail. Principaux animateurs du compte Twitter, ils s’inquiètent régulièrement de savoir si de nouveaux abonnés ont rejoint les rangs des lecteurs de Frédéric B., la popularité relative du compte semblant être l’un des gages de leur motivation. Chaque semaine, ils attendent de même avec impatience de savoir ce qui est arrivé à ce poilu qui leur est désormais très familier».
Concernant le blog, deux autres élèves sont plus particulièrement impliqués dans la rédaction des articles hebdomadaire (Arthur et Teïlo). Pour leur part, Mélanie, Léa, Servane et Emilie se sont attelé aux deux premiers billets explicatifs portant sur le thème du « Service militaire au début du conflit » et les « Fraternisations de la Noël 1914 ».
Dans son article pour l’APHG, Yann Bouvier souligne tant les nombreux apports positifs que les limites d’un tel projet pour les élèves.
Dans les apports positifs, l’élément le plus positif réside dans la familiarisation des élèves avec le quotidien des Poilus. Au niveau des objectifs pédagogiques, Yann Bouvier met en avant le travail de rédaction et de synthèse, l’enrichissement du vocabulaire, la maitrise accrue de l’outil informatique, la familiarisation avec les usages des réseaux sociaux, la recherche documentaire, l’acquisition de réflexes de contextualisation. Ceci forme un ensemble d’élément développant très fortement une pensée historienne.
Dans les limites, Yann Bouvier note le caractère répétitif, le caractère routinier des habitudes de travail mises en place et le manque de rebondissements, éléments qui conduisent au risque d’un moindre investissement chez les adolescents. Cela ne saurait occulter la participation régulière, l’envie, la curiosité et le dynamisme de la grande majorité des élèves. Le fait qu’un seul élève ait abandonné joue également en faveur du projet.
Au niveau des productions à réaliser, c’est le travail des exposés qui a été le moins satisfaisant. Sans surprise, c’est aussi le travail qui se rapproche le plus d’une production scolaire. C’est aussi un travail qui s’étalait sur plusieurs et nombreuses semaines.
Sur un plan personnel, ce projet est tout autant gratifiant, plaisant que chronophage pour Yann Bouvier. Il y a consacré en moyenne entre 3 et 4 heures hebdomadaires. Ce côté chronophage n’occulte pas tous les aspects positifs qu’il en a retiré. Preuve en est que ce projet se poursuit aujourd’hui encore. En mars 2015, Yann Bouvier indiquait qu’il s’agissait de faire grandir et mûrir ce projet.
À la rentrée scolaire 2015, Yann Bouvier a commencé à enseigner dans le lycée Clémence Royer de Fonsorbes, situé à côté de son ancien collège. Poursuivre le projet fut alors plus compliqué au regard des emplois du temps chargés des lycéens et du programme d’histoire plus conséquent. Dégager une heure dédiée à Frédéric B. était difficile mais quatre élèves de sa classe de première « n’ont pas voulu laisser mourir le projet » ( Comment un prof d’histoire a réussi à intéresser ses élèves à la Première Guerre Mondiale grâce à Twitter | HuffingtonPost, 20 mars 2016).
Dès lors, le compte Twitter est alimenté une fois tous les quinze jours en programmant des publications à intervalles réguliers et des articles sont publiés sur le blog à une fréquence mensuelle d’un à quatre articles en 2016.
Début décembre 2016, le compte Twitter de Fréderic B. dispose de 1532 abonnés (889 abonnés en mars 2016). Le professeur ne cache pas que le nombre grandissant de followers sert « d’hameçon pour motiver les élèves ». Mais l’aventure 2.0 de ce combattant ne s’arrête pas là, il possède désormais et également d’une page Facebook.
Au niveau de la rédaction des tweets, le travail réalisé par les élèves est de niveau taxonomique et correspond à une tâche de synthèse.
Concernant le blog, tout en se basant sur des éléments concrets du journal de Frédéric B. et des recherches documentaires, il s’agit bien d’un travail de création et correspond donc au plus au niveau de la taxonomie (créativité) proposée en 2001 par Anderson & Kratwohl. ( http://thesecondprinciple.com/teaching-essentials/beyond-bloom-cognitive-taxonomy-revised/)
Exemple récent de publication du blog (Journal du 2 au 18 novembre 1916 – L’ami P. Besse et promotion – http://lescarnetsdefrederic.over-blog.com/2016/10/journal-du-2-au-18-novembre-1916-l-ami-p-besse-et-promotion.html, publié le 18b novembre 2016) :
NOVEMBRE 1916
Jeudi 2 novembre 1916 (Jour des Morts)
Que de souvenirs en ce jour, mon Dieu… c’est papa qui, maintenant, est auprès de vous, car il fut un juste et vous lui aurez fait miséricorde ; ce sont tous mes parents morts avant la guerre ; ce sont mon Dieu, tous mes amis, mes camarades, tous ceux de France à qui vous avez demandé le sacrifice de leur vie, en rançon de l’âme de la France. Ils sont morts, mais leurs humbles tombes nous montrent le chemin à suivre. Tous ces êtres aimés, s’ils sont séparés de nous par le voile de la mort, veillent toujours sur nous, sont nos amis auprès de Dieu à qui ils offrent leur dur sacrifice, leurs souffrances pour ceux qui demeurent ici.
Nous avons eu une messe de Requiem pour les morts de la Patrie… Je ne puis assister à ces Cérémonies sans me sentir ému jusqu’au plus profond de mon être. Les chants, les prières ont un tel accent de supplication, de crainte et d’espérance… en même temps l’on se sent réconforté. Et lorsque le prêtre, donnant l’absoute, récite à voie basse le Pater Noster, un silence impressionnant plane : seul le trouble la voix triste du carillon, telle la voix des âmes suppliantes qui souffrent et expient au-delà de ce monde jusqu’au jour où Dieu les prend auprès de Lui pour toujours.
La richesse du matériau présenté sur une durée aussi étendue mériterait un travail d’analyse notamment à propos de l’évolution du travail d’écriture et des productions publiées du collège au lycée ou l’articulation entre le compte twitter, le blog et maintenant Facebook ou encore les retweets et reprises faites par les internautes.
Ce projet rejoint également les démarches d’usages publics de l’histoire plus particulièrement celles initiés dans le cadre des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale. Il en est une des formes réussies qu’il est loisible à chacun de consulter et d’apprécier sur la toile.
Lyonel Kaufmann, Professeur formateur, Didactique de l’Histoire, Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse)
La page présentant le projet pédagogique permet de prendre connaissance avec intérêt des objectifs pédagogiques du projet :
http://lescarnetsdefrederic.over-blog.com/2014/08/le-projet-pedagogique.html
Le blog : Mon Journal de Guerre
http://lescarnetsdefrederic.over-blog.com/
Le compte twitter :
https://twitter.com/FredericB_1418
La page Facebook :
https://www.facebook.com/Le-Journal-de-Guerre-de-Fr%C3%A9d%C3%A9ric-B-844081638959962/