Depuis trois ans, Marie-Hélène Fasquel, professeur de langue et littérature au lycée International Nelson Mandela de Nantes, mène avec ses classes un projet qui ne cesse de grandir. Mêlant la classe inversée, l’analyse littéraire et l’écriture d’invention, en étroite coopération avec des universitaires, experts et auteurs et bien sûr avec l’aide des nouvelles technologies (Skype, Sway, TED Ed, Padlet, SlideShare, Issuu, Kahoot, Quizlet, Popplet, etc.), elle a su donner à ses élèves le gout de lire et d’écrire ainsi que des clés pour aborder sereinement des œuvres littéraires complexes et fascinantes.
CR : Beaucoup de collègues ont découvert vos travaux sur la liste des professeurs d’anglais eTeachNet et s’en sont inspirés. Quel est votre dernier projet ?
MHF : Mon dernier projet s’intitule « La littérature autrement ! » Son but principal est d’initier les élèves aux aspects les plus importants de la littérature mondiale et de leur proposer une nouvelle approche. Il s’agit avant tout de créer une interactivité entre des œuvres abouties et les idées créatives qu’elles peuvent insuffler aux élèves afin de les rendre non seulement lecteurs mais auteurs et acteurs. Ainsi ils deviennent créateurs de contenus grâce à la classe inversée, sont mis en contact et en coopération avec des écrivains anglo-saxons mais aussi francophones, des experts dans leurs domaines (un chercheur à l’Université de Leeds afin de contribuer à la recherche grâce à la littérature par exemple) afin de faire vivre la littérature avec les outils du 21ème siècle.
CR : Vos élèves ont-ils réellement été en contact direct avec de « vrais » auteurs anglophones ?
MHF : Bien sûr, vous pouvez voir sur ce Padlet quelques-unes des productions et des évènements : des articles sur les livres, des interviews des auteurs tels que par exemple Kai Strand, Erin Rhew, Katie L. Caroll, Eric Price interrogés (ou qui vont être interrogés) par des élèves en direct sur Skype. La première interview a eu lieu le 13 octobre 2016 avec Kai Strand et a beaucoup motivé les élèves. Voici le compte-rendu des élèves. Kai (comme la plupart des auteurs) a accepté d’écrire un billet sur mon blog. (Padlet des productions et évènements)
Les élèves ont hâte de pouvoir échanger avec notre prochain invité, Eric Price avec qui je travaille depuis deux ans, le 1er décembre 2016.
La démarche est assez complète : les élèves entrent « en contact » avec l’auteur et un extrait de son œuvre que les élèves analysent, étudient, à la suite de quoi, ils échangent puis préparent l’interview Skype qui leur permet d’affiner leur compréhension de l’œuvre mais aussi de l’écriture et de la littérature en général.
Ils auront en outre l’opportunité d’étudier des genres que nous n’aurions pas abordés en classe (le roman policier avec Cathi Unsworth, la poésie contemporaine avec David Atkinson, la fantasy avec Eric Price, Katie L. Caroll (écrivain et éditrice), le roman historique avec David Arenstam qu’ils rencontreront en chair et en os l’an prochain car il enseigne également dans le lycée américain avec lequel nous organisons un échange…).
CR : Et ensuite les élèves se sont mis à écrire?
MHF : Non, pas tout de suite. Les élèves ont tout d’abord produit des posters, des présentations, des flip books, des jeux, comme vous pouvez le voir sur cette page autour de Kate Chopin et en particulier Désirée’s Baby.
Chaque travail était en lien avec la littérature et les élèves sélectionnaient des citations pour illustrer un aspect de l’œuvre, découvraient du vocabulaire en construisant un tic-tac-toe pour un autre groupe, s’intéressaient au contexte historique, s’efforçaient de saisir l’essentiel pour l’afficher en quelques mots et images sur un poster afin de permettre aux autres élèves et à d’autres classes de mieux appréhender l’œuvre.
CR : Et c’est ainsi qu’ils se sont mis à produire des documents pour la classe inversée ?
MHF : Tout à fait, ils se prennent au jeu, et vont produire des vidéos style Ted Talk ou des dossiers de ressources comme celui-ci sur Langston Hughes (sur Padlet en général) qui sont les documents que d’autres élèves vont étudier dans le cadre de la classe inversée et qui serviront à tous pour leurs révisions.
CR : Comment sont-ils passés à l’écriture ?
MHF : Progressivement. Après avoir été sensibilisés à la poésie et aux belles tournures, ils ont ensuite commencé des ateliers d’écriture et de réécriture (par exemple du début de La Métamorphose de Kafka, par groupes de 3 : chaque élève du groupe, à tour de rôle, avait 5 minutes pour rédiger. Le 2nd élève devait lire ce que le 1er avait rédigé et continuer l’histoire, ainsi de suite), puis sont passés à des ateliers sur l’écriture d’invention, en même temps que se mettait en place le projet “Authors, literature in the making”. Ainsi, ils ont été confrontés directement à de vrais problèmes d’écriture qu’ils devaient résoudre pour avancer leur œuvre, et ils avaient accès à de vrais auteurs de fiction, qui pouvaient leur répondre à travers leur expérience personnelle : la combinaison parfaite !
CR : Et alors, les élèves ont-ils produit de belles œuvres de fiction ?
MHF : Les romans ne sont pas les seuls moyens d’expression et les productions (à venir au troisième trimestre de cette année scolaire) s’annoncent variés (posters, présentations, jeux de tous types permettant aux autres élèves de progresser et surtout réviser, articles (dont certains sont déjà en ligne sur le Blog de la section et sur mon blog), poèmes, et sûrement de petites vidéos…) mais la progression telle qu’elle est mise en place assure un bon niveau d’expression et une analyse du style littéraire quel que soit le support choisi.
CR : Cette approche est-elle transposable à d’autres classes ou disciplines ?
MHF : Bien sûr, tout est transposable dans d’autres lycées et collèges mais aussi dans d’autres disciplines. Les rencontres réelles ou virtuelles avec des experts sont possibles dans toutes les disciplines et à tous niveaux (grâce à Skype mais aussi au Skype in the Classroom), quant à la mise en place d’une classe inversée et la création de contenu, il suffit de se lancer et on découvre que c’est bien moins difficile qu’on ne le craignait, et que cela crée un nouveau rapport avec les élèves et les collègues.
CR : Pourquoi avez-vous proposé ce projet au Forum des Enseignants innovants du Café Pédagogique ?
MHF : Comme toujours, que ce soit au Forum, sur eTeachNet ou à Cyber-Langues, c’est l’occasion de partager, mais aussi de me renouveler, et de rencontrer des collègues motivés et motivants et toujours progresser.
Propos recueillis par Christine Reymond