Professeur en sciences de l’éducation à l’Université Paris 8, Patrick Rayou est un spécialiste des apprentissages et des difficultés des élèves , particulièrement ceux des milieux populaires. Autant dire que les résultats de Pisa 2015 ne le surprennent pas. Il les analyse pour nous et en tirent quelques pistes pour l’avenir.
Les résultats de Pisa 2015 montrent qu’il y a toujours un vaste bloc d’élèves faibles, ceux de l’éducation prioritaire. Cela condamne cette politique ?
Les mesures de la nouvelle politique d’éducation prioritaire sont trop récentes pour que Pisa puisse évaluer leurs fruits. C’est notamment le cas du travail de formation qui est enfin mené en Rep. On peut supposer que cette obligation de formation portera des fruits. Pour le reste Pisa 2015 confirme ce qu’on savait déjà à savoir le lien entre appartenir à une catégorie défavorisée et la moindre performance scolaire.
Ces résultats ne me surprennent pas. On voit une érosion progressive du niveau dans une école qui a du mal à démocratiser l’éducation. On est dans une école qui a choisi de travailler pour les bons élèves.
Faut -il continuer à labelliser les établissements de l’éducation prioritaire ?
On n’a pas d’établissements témoins non labellisés pour avoir une réponse certaine. Je pense que pour obtenir des résultats en éducation prioritaire il faut vraiment mettre des moyens dans les établissements fragiles. Baisser le nombre d’élèves d’une ou deux unités par classe ce n’est pas suffisant. On peut espérer que la nouvelle politique porte des fruits. Mais ce n’est pas sur que les effectifs élèves soient suffisamment réduits. C’est le problème qui se pose quand un établissement sur quatre se retrouve en éducation prioritaire.
Maintenant si la baisse des effectifs est très importante il faut aussi revoir le curriculum et la pédagogie. On ne doit pas jouer sur un seul levier.
Il faut actionner le levier pédagogique ?
Il faut une pédagogie adaptée aux élèves. Et cela pose aussi la question des programmes. Les nouveaux programmes datent d’après Pisa 2015. Les anciens programmes sont démesurés par rapport aux objectifs du collège. On ne s’est pas posé la question de leur faisabilité.
Sur le plan pédagogique on voit aussi que la plupart des pays ont des clubs de sciences nettement plus fréquemment que nous. Donc la manière d’ouvrir l’appétit des élèves pour les sciences joue aussi. Les cours ne suffisent pas à donner envie d’apprendre.
On voit aussi que les élèves qui réussissent bien disent qu’on leur a expliqué les concepts scientifiques. Ca me fait penser au travail de Marion van Brederode, une doctorante qui vient de soutenir un travail sur le travail des élèves en SVT. En partant des cahiers des élèves observés durant une année, elle montre que les élèves ne sont pas exposés de façon identique aux mêmes savoirs. Dans les collèges plus favorisés les savoirs sont davantage problématisés. Ailleurs on est plus dans le descriptif. Les enseignants finissent pas adapter leur enseignement à ce qu’ils croient bon pour leurs élèves. On assiste à une pédagogie pour les pauvres que le Cnesco a aussi pointé du doigt.
Finalement c’est une question de socialisation professionnelle. Comme les enseignants sont seuls, d’année en année un écart se creuse avec ce qu’ils ont appris devoir faire en espe.
Cela veut dire que cela soulève la question de l’accompagnement des enseignants, de leur réseautage ?
L’école française manque d’échanges entre établissements alors qu’il est notoire qu’il y a de forts écarts de niveau entre eux. On fait de l’homogène en apparence mais en réalité il y a une forte hétérogénéité entre établissements et dans les établissements.
Une mesure importante ce serait de privilégier les collectifs d’établissement et de capitaliser ce qu’ils font. De faire essaimer les réalisations des enseignants. Aujourd’hui on a des blogs d’enseignants, des réalisations, des initiatives de professeurs dont l’institution ne se saisit pas. Vu de l’extérieur on peut avoir l’impression que les enseignants ne bougent pas et ne font que recevoir des injonctions descendantes.
On arrive à des échéances politiques. Au regard de Pisa faut-il continuer les efforts ou tout arrêter ?
La politique actuelle va dans le bon sens, par exemple la nouvelle politique d’éducation prioritaire ou le « plus de maitres que de classes ». Mais il faut mieux accompagner et mieux former les enseignants.
Propos recueillis par François Jarraud
Rayou : Essayer de comprendre pourquoi les élèves ne réussissent pas