Comment expliquer le niveau moyen des élèves français en sciences ? Pisa 2015 donne la possibilité de voir quels facteurs sont corrélés à un meilleur niveau. Surtout, comme les évolutions en maths, français et sciences vont dans des sens différents, Pisa interroge vraiment les pratiques pédagogiques jusqu’au niveau de la classe.
Avec 495 points en sciences, la France se situe dans la moyenne de l’Ocde, une position qui était déjà la sienne en 2006 lors de la précédente édition de Pisa sciences. Quand on regarde d’un peu plus près ces résultats, on voit qu’ils viennent d’un manque de connaissances en sciences et ensuite de difficultés avec la démarche expérimentale. C’est-à-dire que le niveau est lié à l’organisation du système éducatif et aussi à des pratiques de classe.
Les conditions matérielles d’un bon niveau en sciences
Pisa 2015 permet d’abord de voir les corrélations entre des niveaux matériels et les performances en sciences.
Le premier lien qui peut être fait, c’est celui avec la dépense en éducation. Au moment où la France va peut-être à nouveau sabrer dans le budget de l’éducation, la question a du sens. Obtient-on de meilleurs résultats quand on dépense plus pour l »école ? La réponse de Pisa est affirmative mais avec des nuances. Pour Pisa, jusqu’à 50 000 $ par élève il y a un effet direct de la dépense d’éducation. Au delà, le lien direct disparait. Ainsi, avec le même niveau de dépense que nous, le Canada fait-il nettement mieux et l’Italie, nettement moins bien. A résultats identiques, la Pologne et la Norvège dépensent du simple au double.
Le lien avec le salaire des enseignants est mieux établi. Mais là aussi avec des exceptions. La France et l’Allemagne ont des résultats voisins mais le niveau de salaire en Allemagne est le double de la France. Remarquons quand même que tous les pays en tête de classement, le Japon, Singapour, le Canada, la Corée versent à leurs enseignants des salaires nettement supérieurs aux salaires français.
Le lien entre le nombre d’élèves par classe et les résultats est net. Plus l’effectif augmente, plus les résultats descendent. C’est très clair de 20 à 35 élèves. Au delà de 35 élèves, les situations varient : au Brésil les résultats sont faibles, au Japon ou au Viet Nam ils sont bons. La France avec ses 30 élèves par classe obtient de meilleurs résultats qu’Israël, le Qatar ou l’Algérie.
Quelles pratiques de classe ?
L’intérêt de Pisa c’est de chercher aussi les corrélations avec les pratiques de classe et l’environnement de l’enseignant. Cela peut aussi expliquer l’écart avec les autres disciplines.
Pisa établit un lien avéré entre le climat de classe et la discipline à l’école, et le niveau en sciences. Ainsi l’absentéisme est un indicateur négatif. En France il est plus faible que dans les autres pays. Par contre, nous avons un fort taux d’élèves en retard. Et lui est bien lié avec un faible niveau. Le retard marque chez nous le manque d’intérêt pour les sciences.
La pratique expérimentale en classe est liée à de meilleurs résultats. D’une façon plus large, la création de clubs scientifiques et de concours facilite aussi l’entrée dans les sciences. Les écoles françaises comptent moins de clubs de sciences que les autres pays de l’Ocde. Le déficit en connaissances des élèves français s’expliquerait en partie par la façon dont on aborde les sciences. Sur ce point, Pisa conforte les recommandations des nouveaux programmes du collège.
Pisa fait apparaître d’autres critères dans les pratiques de classe. De bonnes performances sont corrélées au fait que l’enseignant explique les notions scientifiques, ce qui n’est pas toujours le cas. Il y a aussi un lien avec le fait qu’il met les notions en perspective avec d’autres phénomène scientifiques et qu’il s’adapte au niveau de la classe. Là, on est dans l’interaction avec chaque classe par rapport à un cours tout prêt. Le fait de faire attention aux progrès et performances des élèves a un effet positif aussi.
Mais Pisa fait aussi apparaître la mise en réseau ou pas des enseignants. Les pays qui ont de bons résultats sont ceux où les enseignants se visitent et où ils échangent sur leurs pratiques pédagogiques. L’isolement dans lequel se trouve l’enseignement français est aussi un aspect des résultats moyens de notre école.
François Jarraud
Pisa 2015 : Notes et brochures