C’est un fait sans précédent dans l’histoire de Pisa. C’est sans précédent que, le 6 décembre, la publication de Pisa se fasse en présence de la ministre de l’éducation Nationale. C’est sans précédent qu’à quelques semaines des élections présidentielles, l’OCDE s’engage dans des recommandations précises et directes sur ce que doit être la politique éducative de la France. Alors que l’opposition annonce des coupes budgétaires et une politique d’orientation très précoce des élèves, l’OCDE pèse de tout son poids pour la continuité de la politique éducative menée par le gouvernement. Mais elle pousse aussi des éléments plus loin, comme par exemple l’autonomie des établissements.
Un soutien marqué à la politique gouvernementale
Fallait-il que la ministre française de l’Éducation Nationale participe à la publication des résultats de Pisa ? Aucun ministre précédent ne l’a fait. La présence de N Vallaud Belkacem à l’Ocde le 6 décembre marque ostensiblement un véritable soutien politique à la politique menée par le gouvernement. Ce soutien avait déjà été manifesté à V. Peillon au début de la refondation. La différence, c’est qu’il intervient en pleine campagne électorale française.
Lutter contre les inégalités scolaires
Les recommandations de l’Ocde portent d’abord sur l’équité du système éducatif français. L’OCDE demande un soutien plus accentué aux établissements accueillant un public défavorisé, c’est-à-dire ceux de l’éducation prioritaire. L’organisation s’appuie sur les exemples d’autres pays. Par exemple, un pays voisin, l’Angleterre a fortement atténué l’écart entre élève immigré et autochtone avec le programme « Pupil Premium », qui accorde un financement supplémentaire aux écoles en fonction de leur composition sociale. C’est aussi un exemple de glissement d’une labellisation à un taux. Les écoles ont une large autonomie sur l’utilisation de ces sommes mais elles doivent rendre cet usage public, et les effets sur les élèves défavorisés sont évalués.
L’Ocde recommande des incitations financières pour les enseignants et les chefs d’établissement des établissements accueillant un public défavorisé. Elle demande une formation particulière pour les enseignants et le développement de liens avec les familles. Le gouvernement est allé en ce sens dans la nouvelle politique d’éducation prioritaire avec la revalorisation des primes, les temps « pondérés » de formation et par exemple la mallette des parents. Visiblement, l’OCDE pense qu’il faut aller plus loin. L’OCDE se prononce pour le maintien d’une carte scolaire pour prévenir la ségrégation. Elle demande plus d’autonomie pour les établissements.
Priorité au primaire
Un deuxième bloc de recommandations concerne la priorité au primaire, qui est l’une des bases de la refondation. L’Ocde demande de maintenir la politique de scolarisation à deux ans. Elle demande de profiter des nouveaux rythmes pour augmenter le nombre d’heures de pédagogie différenciée. La politique de limitation du redoublement introduite dans la loi d’orientation est aussi validée par l’OCDE. La France fait partie des pays où le taux reste élevé mais aussi où il diminue le plus rapidement. L’Ocde fait aussi le lien entre performance scientifique et orientation. Elle demande que les élèves soient davantage suivis sur ce point.
Renforcer la formation professionnelle des enseignants
La formation des enseignants et leur statut fait l’objet d’un autre bloc de recommandations. L’Ocde soutient la relance de la formation faite depuis 2012. Elle invite à renforcer les connaissances pédagogiques des enseignants français. L’enquête Talis a montré qu’ils étaient nombreux à se dire bien formés sur le plan disciplinaire et à se plaindre d’un manque de connaissances professionnelles. Expressément, l’Ocde recommande d’augmenter la part du professionnel dans le concours. Elle demande un renforcement de l’accès à la formation continue, parent pauvre de l’école française. Sur le statut, l’Ocde demande une réforme de l’évaluation des enseignants : « une évaluation qui soit reconnue par les enseignants », ce que tente de mettre en place l’accord PPCR. Elle demande aussi des incitations pour que les enseignants aillent travailler dans les établissements difficiles. Sur ce point, ce serait une nouvelle logique dans la gestion des carrières. Elle est amorcée avec la nouvelle « classe exceptionnelle » offerte aux enseignants des Rep. L’Ocde valide donc la logique gouvernementale.
Professionnaliser l’enseignement professionnel
Un quatrième bloc porte sur la filière professionnelle. Pour l’Ocde, il est impératif de relever le niveau de compétences générales dans les programmes de l’enseignement professionnel, Pisa montrant un réel décrochage. L’Ocde demande aussi d’augmenter la part des professionnels dans les enseignants et leur influence sur les programmes.
C’est un véritable soutien à la refondation qu’apporte l’OCDE. En ce sens, l’organisation s’opposerait à la politique de baisse des investissements et de sélection précoce des élèves préparée par l’opposition. Mais l’Ocde demande au gouvernement d’aller plus loin dans l’autonomie des établissements. Plus loin dans l’ancrage de l’enseignement professionnel dans le monde des entreprises. Et aussi plus loin dans l’accompagnement des enseignants, et une revalorisation qui définisse une nouvelle carrière.
François Jarraud