Professeure d’anglais au lycée professionnel Donation Robert et Nelly de Rothschild à Saint Maximin, dans l’Oise, Vanessa Deglaire s’est donné un défi qu’elle a relevé avec succès : redonner confiance en eux aux élèves de sa classe de première bac pro en les amenant à produire un livre numérique. Le projet a été présenté à Paris au 9ème Forum des enseignants innovants.
Après avoir enseigné l’anglais en lycée agricole, le français dans le Surrey et avoir travaillé en classe relais durant 3 ans, Vanessa Deglaire est professeure de lettres – anglais au Lycée professionnel Donation Robert et Nelly de Rothschild » à Saint Maximin (60). L’établissement prépare les élèves à des CAP et des bac professionnels dans les domaines de la réparation et l’entretien des véhicules et matériels. Depuis septembre, il compte aussi une section européenne pour les bac pro aéronautiques.
CR : Comment vous est venue l’idée de ce projet?
VD : Nos élèves de LP pensent souvent qu’ils ne sont pas capables d’accomplir de belles choses de manière générale, et en particulier en anglais. Quand je leur ai dit que la tâche finale de la séquence « Into the Wild » serait d’écrire un « road trip book » en anglais, ils ont dit qu’ils n’y arriveraient jamais. Plusieurs fois, au cours de la tâche finale, ils se sont découragés. Mais quand ils ont vu le résultat final, leur MadMagz, résultat du travail de de toute la classe sur plusieurs semaines, ils étaient fiers d’eux.
Je crois qu’il faut avoir de l’ambition pour nos élèves de LP, il ne faut pas avoir peur de leur proposer des choses qui leur paraissent difficiles. En les guidant bien, en les épaulant, ils peuvent y arriver et c’est ainsi qu’ils pourront se dépasser et retrouver une confiance parfois perdue.
CR : Comment vous est venue le point de depart, “into the wild”, est-ce le film?
VD : Oui. J’ai eu envie de faire une séquence sur ce film que j’aime et j’ai pensé que ce thème pouvait plaire à mes élèves. Nous avons d’abord vu les caractéristiques du « road trip movie » avec différentes bandes annonces. Puis, nous avons étudié différents extraits du film. Les objectifs étaient entre autres la définition du « road trip », le prétérit, le lexique des sentiments, savoir écrire une lettre et un texte.
CR : Ces objectifs semblent assez “traditionnels”. Comment vos élèves ont-ils pu y adhérer avec tant d’enthousiasme?
VD : En diversifiant els tâches intermédiaires, et en s’assurant qu’ils soient toujours acteurs et jamais passifs. Je travaille beaucoup en classe inversée. Les élèves travaillaient en groupe, avec des rôles à tenir en plus du travail (gardien du silence, gardien du temps, scribe, messager). Ici, ils avaient des vidéos à regarder chez eux, et ils s’en servaient en classe pour écrire des synthèses, faire des cartes mentales, écrire des lettres…
Je voulais aussi développer le travail en groupe et l’autonomie en vue du bac et du post-bac.
CR : Peut-on voir leur travail, leurs productions intermédiaires ?
VD : Ils ont déposé au fur et à mesure leur travail sur un padlet . Ainsi, je pouvais entre chaque cours, leur dire ce qu’il fallait améliorer. Ils avaient une fiche des objectifs à atteindre en fin de séquence et s’auto-évaluaient. Ils construisaient eux-mêmes leurs fiches de lexique, choisissaient ce qu’ils voulait apprendre et qui leur paraissait utile pour la réalisation de la tâche finale : créer leur propre « road trip » mais à l’écrit, en utilisant différents outils informatiques tels que l’ENT, twitter, madmagz, google maps, powtoon, quizziz.
CR : Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de l’utilisation des TICE?
VD : Par exemple, ils ont décidé que leur personnage allait en Australie et je voulais qu’ils racontent les monuments qu’il découvrait alors nous avons d’abord exploré des sites touristiques pour faire des recherches sur l’Australie,. Nous avons utilisé Google maps pour repérer les étapes de ce héros et les chapitres que les élèves allaient écrire, l’ENT Léo et son pad pour la rédaction du livre. Madmagz nous a servi à le mettre en page, Powtoon à faire une bande annonce pour donner envie aux gens de le lire. Avec quizziz, ils ont créé un quiz sur le livre pour faire jouer les lecteurs: avaient-ils été attentifs à tous les détails? Nous avons aussi utilisé Twitter pour communiquer avec un Australien pour enrichir leur histoire et avoir des détails sur l’Australie.
CR : Qui est cet australien?
VD : Mes élèves avaient choisi de situer leur histoire en Australie. J’ai alors cherché un interlocuteur pour faire un Skype. Sur « Skype in the classroom », j’ai trouvé Andrew Hugues. Il vit en Tasmanie et propose des « Skype sessions » avec des écoles pour faire découvrir son île et l’Australie. Mais avec le décalage horaire, c’était compliqué de mettre en place un échange via Skype.
J’ai alors créé le compte Twitter des élèves du lycée et Andrew a accepté de répondre à mes élèves par ce moyen. Les élèves ont écrit des tweets pour améliorer leur histoire, selon le chapitre sur lequel il travaillait. Par exemple, un groupe voulait parler du diable de Tasmanie et ils ont demandé en twittant ce qu’il savait sur cet animal. Andrew a été très réactif : il répondait aussitôt. Les élèves étaient très contents de dialoguer avec un « vrai » Australien, et ils attendaient les tweets avec beaucoup d’impatience.
Cette communication authentique a été un vrai point fort dans ce projet! Echanger des tweets les a rassurés grâce à la brièveté du message, avec un outil qu’ils connaissaient et comme c’était de l’écrit, ils ne craignaient pas de ne pas comprendre et au contraire faisaient beaucoup d’efforts pour tout déchiffrer.
Et comme ils voulaient que leur tweet soit sans fautes, car lu par un anglophone, et ils se sont beaucoup impliqués dans la rédaction de ces petits messages.
Propos recueillis par Christine Reymond